Les voyages forment la jeunesse... et parfois aussi la carrière. Rencontre avec quatre Québécois dont la vie a été chamboulée par leur premier voyage. Première partie.

Hugo Americi

> Fondateur des maisons de thé Camellia Sinensis, une PME qui emploie aujourd'hui 50 personnes.

Le premier voyage

Hugo Americi a opté pour une virée classique lorsqu'il s'est envolé après le cégep avec un ami pour son premier voyage, sac au dos. France, Italie, Suisse et Amsterdam sont au programme, sauf qu'avec un budget de 25$ par jour, le tandem réalise vite qu'il ne s'amusera pas beaucoup en Suisse, où l'achat d'un pain rogne à lui seul près du quart de son budget. Les amis mettent alors le cap sur la République tchèque, sur la base de simples recommandations de voyageurs croisés sur la route.

Le déclic

À Prague, une jeune femme entraîne Hugo Americi, au détour d'une ruelle, dans une petite maison de thé loin des sentiers battus par les touristes. C'est le coup de foudre. À son retour, Hugo Americi lui cherchera un équivalent à Montréal, en vain: on boit plutôt le thé à l'anglaise, ici. Son projet d'ouvrir un bar se transforme donc en maison de thé d'inspiration asiatique, où l'ambiance est au recueillement. Tout un changement! Il ouvrira la première succursale de Camellia Sinensis trois ans plus tard.

Son meilleur souvenir

Hugo Americi et son ami ont eu du bol quand ils ont levé le pouce pour la première fois: non seulement la femme qui les embarque propose de les loger chez elle, à Cannes, mais elle leur fait aussi visiter la région, leur offre le couvert et les emmène au restaurant. Mieux: quand, après trois jours, son mari va les reconduire près d'une bretelle d'autoroute où ils comptent faire de l'autostop, il prend la peine de repasser en soirée pour s'assurer qu'ils n'y sont plus. «Il nous avait apporté deux bières froides!, se rappelle Hugo Americi. On a encore dormi et mangé chez eux» avant de repartir, cette fois pour de bon, le lendemain.

L'erreur à ne plus refaire

Essayer de tout voir: «Si je repartais, je visiterais moins de villes, mais j'y resterais plus longtemps pour mieux les découvrir. Visiter Carcassonne en une journée, c'est bien, mais y passer deux ou trois jours, ça doit être mieux.»

Philémon Cimon

> Auteur-compositeur-interprète québécois. Après un premier album enregistré à La Havane, Les sessions cubaines, il a lancé en janvier dernier L'été, salué par la critique.

Le premier voyage

«Tout a commencé en Inde.» Ces mots, ce sont les premiers que Philémon Cimon a choisis pour raconter sa carrière dans sa biographie officielle. Dissocier l'homme du voyage? Impossible.

À 17 ans, son diplôme d'études secondaires toujours chaud dans la poche, Philémon Cimon s'envole donc pour passer un an en Inde, un pays dont il ne connaît pas la langue, où il n'a aucun ami, aucun parent, pas la moindre attache. Son voyage a beau être encadré par le club Rotary, qui lui trouve une famille d'accueil et un programme de formation, le choc est grand. Immense. «Jusqu'à 17 ans, on fait surtout ce que nos parents et nos amis nous ont dit de faire, explique-t-il en entrevue. Et moi, j'étais plongé dans une société aux opposés de tout ce que j'avais connu, ce à quoi j'étais habitué.» Noël, passé dans un camp de yoga, dont il n'a pas le droit de sortir et où le 25 décembre est un jour comme les autres, est un exemple parmi tant d'autres de ce face à face avec une nouvelle réalité. La communication est difficile - la barrière va au-delà de la langue - et il met du temps à trouver ses repères. Il suit des cours, de méditation, de yoga et enfin de cithare. «J'étais seul, j'étais perdu, j'avais 17 ans, et il me restait la musique. J'ai compris que ce serait donc la musique», écrit-il encore dans sa biographie.

Du coup, si ses chansons ne parlent pas à mots découverts de l'Inde, ce voyage initiatique les a toutes, ou presque, façonnées. «J'ai eu du mal, à mon retour, à voir ce que m'avait appris mon voyage, à part négocier un foulard, me retrouver dans Mumbai... Mais ce que j'ai acquis, un élan, une façon d'organiser mes pensées, la liberté artistique que je prends, elle vient de là.»

«Ne vous attendez pas à ce que ce soit facile de voyager, mais si on fait les efforts, c'est une des seules voies dans la liberté pour sortir de la conception de l'humanité qu'on s'est faite.» N'eût été ce voyage, Philémon Cimon n'aurait sans doute jamais eu non plus la débrouillardise requise pour enregistrer Les sessions cubaines lors d'un voyage impromptu à Cuba.

Son meilleur souvenir

L'amitié qu'il a tissée avec un Ontarien, même si tout semblait les opposer, à commencer par leur position sur l'indépendance du Québec. Comme quoi les plus belles rencontres sont rarement celles qu'on anticipe, d'où l'importance d'ouvrir son esprit.

L'erreur à ne plus refaire

«Faites tout pour apprendre la langue du pays où vous allez, dit Philémon Cimon. C'est la seule façon d'avoir de vrais contacts avec les gens, là-bas, et la seule façon de bien comprendre la culture.»

La suite, demain.

Photo fournie par Philémon Cimon

Philémon Cimon en Inde, à 17 ans.