À l'âge de 6 mois, le passeport de Matteo était déjà bien rempli. Avec un porte-bébé et un sac à dos, ses parents ont décidé de visiter sept pays en Asie du Sud-Est, en quatre mois. Matteo avait 2 mois à leur départ en avril 2009. Joanna Desseaux et Jean-Pascal Dubé refusaient de mettre en veilleuse leur passion: voyager.

«C'est facile de voyager avec un bébé», dit Joanna. Le poupon dort aisément, il est allaité, il est léger et... ne court pas partout. «Il y a plus d'action dans un café montréalais avec un Matteo de 2 ans!», lance la mère de 26 ans, tandis que son fils découvre l'endroit.

Le plus difficile, c'est de partir, ajoute Joanna. «Il y a tellement de gens pour tenter de nous décourager, pour dire que c'est fou, irresponsable ou innocent», dit-elle. Famille, amis, collègues, même les inconnus réagissent à ce genre de projet. Certains le trouvent génial, d'autres trop risqué.

Ce sont aussi de longues semaines pour les grands-parents. «J'avais peur pour la santé du bébé. Peur qu'il arrive quelque chose, rapporte Lise Bilodeau, mère de Jean-Pascal et infirmière de profession. J'étais très inquiète et triste à l'idée de manquer les premiers mois de sa vie.»

Précautions à prendre

Dans certains pays du monde, les globe-trotters peuvent exposer leur progéniture à des risques sanitaires inexistants ici, comme le paludisme, la dengue ou l'encéphalite japonaise. Y a-t-il des zones à éviter pour la santé d'un bébé? Non, répond Michel Frigon, président du Comité consultatif québécois sur la santé des voyageurs à l'Institut national de santé publique du Québec. Si le déplacement n'est pas obligatoire, le médecin conseille néanmoins de bannir les destinations où il y a de la malaria. Une clinique santé-voyage renseignera les parents. Ils pourront établir un itinéraire où le risque de paludisme est nul.

Les parents doivent aussi s'informer des soins disponibles à destination et respecter le protocole de vaccination, insiste M.Frigon. Le bébé devra recevoir des vaccins avant de partir. Au besoin, les doses subséquentes, qui ne peuvent être transportées, devront être administrées en voyage. L'ambassade du Canada du pays visité pourra indiquer où faire vacciner l'enfant.

L'immunité dont profite un bébé grâce aux anticorps transmis par le lait maternel ou le placenta disparaît pendant la première année de vie. Des précautions s'imposent donc avec l'eau, l'alimentation, les moustiques et le soleil.

Le voyage de Joanna et Jean-Pascal dépendait d'abord de l'allaitement: ils jugeaient trop risqué d'alimenter Matteo autrement en Asie. Tout s'est bien déroulé. Ils ont pu profiter de leur congé parental pour s'échapper du quotidien. Les prestations du Régime québécois d'assurance parentale (RQAP) ont absorbé la majorité des frais de leur voyage.

Le ministère de la Solidarité sociale ignore d'ailleurs combien de parents touchent leurs prestations à l'étranger.

Le bébé vole la vedette!

En 2007, Magali Girard, son conjoint Pierre-André et leur petit Léo de 7 mois ont voyagé un mois en Argentine et au Chili. Au menu? Visites urbaines, randonnée en montagne et camping d'hiver en Patagonie. «On était comme des voyageurs VIP, raconte Magali. Léo était la vedette.» Quelqu'un s'offrait toujours pour prendre le bébé. Surtout dans les restaurants, un moment de répit bienvenu. En voyage, la famille est réunie 24 heures sur 24: pas de garderie, pas de boulot, pas de grands-parents ou d'amis pour souffler un peu. En un mot? Intense! Mais rien de suffisant pour les décourager. Magali et Pierre-André sont repartis en novembre dernier vers l'Afrique, l'Océanie et l'Asie avec Léo et le petit dernier, Gilbert, alors âgé de 4 mois.

«On voit moins avec un enfant, mais on voit mieux», affirme Joanna. Les contacts avec les gens du pays augmentent. «Ils sont plus sympathiques, respectueux, serviables, énumère Jean-Pascal. Ils voient une famille plutôt que des touristes. Ça nous a ouvert des portes: on avait des passe-droits et de meilleurs prix!»

Leur poupon facilitait les échanges et brisait les barrières «mieux qu'une guitare ou qu'un chien», caricature Joanna. Mais c'était parfois éprouvant: Matteo suscitait des attroupements. En Chine surtout. Une trentaine de personnes pouvait entourer Jean-Pascal pour être photographiées avec le bébé. «Ça les étonnait de voir un bébé en voyage et un homme le porter! J'ai d'ailleurs le sentiment de l'avoir porté pendant quatre mois, confie l'enseignant au secondaire. Ç'a créé une relation de proximité extraordinaire.»

En voyage, les parents ont délaissé les activités excentriques et les soupers tardifs. La détermination d'un horaire s'est imposée. La cadence des déplacements a diminué. «On fait le deuil du voyage cool de jeunes adultes», dit Joanna. Mais c'est bien peu de concessions pour continuer à voyager.

***

Cinq conseils pour voyager avec bébé

- Bannissez les destinations vacances où sévit le paludisme. Consultez une clinique santé-voyage pour vous aider à bâtir un itinéraire

- Informez-vous des soins à destination et respectez le protocole de vaccination pour les bébés

- Emportez une trousse de pharmacie complète et une moustiquaire imprégnée d'insecticide (selon la région visitée)

- Misez sur la légèreté lors d'un voyage avec sac à dos. L'idéal consiste à partir avec un seul sac à dos pour la famille et un porte-bébé de qualité. Oubliez le superflu! Certains parents ne jurent que par la poussette en voyage, d'autres la trouvent encombrante

- Pour obtenir les documents administratifs nécessaires à un voyage avec des enfants, consultez le site internet du ministère des Affaires étrangères: www.voyage.gc.ca/preparation_information/children_enfants-fra.asp

Aussi.... Ulysse et Lonely Planet proposent des guides sur le voyage avec des enfants. Des parents ont légué des conseils sous forme de récits (Guide de voyage en famille de Marie-Chantal Labelle), de blogues (www.voyageenfamille.com ou matteovoyage.canalblog.com) ou explorent les raisons de voyager en famille (La pédagogie de l'ailleurs de Thierry Pardo et Laure Cardonnel).