L'histoire a fait le tour du monde et, surtout, elle a sérieusement terni l'image de marque de United Airlines. Il y a un peu plus d'un an, le chanteur Dave Carroll est monté dans un avion de United à Halifax pour se rendre au Nebraska. À l'escale de Chicago, il aperçoit par un hublot des bagagistes qui se lancent une guitare - la sienne - comme s'il s'agissait d'un frisbee.

La guitare de 3500$ est brisée et Dave Carroll doit débourser 1200$ pour la faire réparer. Pendant neuf mois, il assaille United de coups de fil pour se faire rembourser. La compagnie lui sert divers prétextes pour décliner toute responsabilité : «Vous devez adresser votre plainte à Chicago!»; «Les bagagistes ne sont pas des salariés de United, mais des employés de l'aéroport!»; «Vous n'avez pas présenté votre réclamation à temps!», etc.

 

Au bout de neuf mois, Dave Caroll compose une chanson intitulée United breaks guitar (United casse une guitare) et, avec son groupe, Sons of Maxwell, il enregistre une vidéo qu'il met en ligne sur YouTube.

Quatre jours plus tard, la vidéo avait été visionnée 1,5 million de fois, le cours de l'action de United avait baissé de 10% et Dave Maxwell avait été invité au Early Show de CNN et à d'autres émissions populaires. Cette semaine, la vidéo avait été visionnée 4,7 millions de fois. Plus de 500 journaux du monde entier ont consacré un article à l'affaire.

D'où la question que se posent les blogueurs et les commentateurs qui s'intéressent au phénomène des médias sociaux : vaut-il mieux, pour obtenir un service après vente, se plaindre sur YouTube, sur Facebook ou sur Twitter que de perdre des heures à tenter d'expliquer son cas au service à la clientèle des grandes compagnies? Et pour tous les commentateurs, la réponse tient en un mot : oui!

L'humoriste Jean-François Mercier en a aussi fait la démonstration en enregistrant une vidéo sur YouTube. Il avait contracté une entente de service avec Bell Mobilité, qui lui donnait «droit» à une remise postale. Après plusieurs mois d'efforts, il n'a jamais réussi à l'obtenir. De guerre lasse, il adresse au service à la clientèle de Bell Mobilité une réclamation dont certaines phrases étaient formulées en termes scatologiques. Un préposé lui répond en lui demandant de reformuler sa lettre en termes plus conventionnels. Et ce, après plusieurs mois de démarches et d'échange de messages.

Outré, Jean-François Mercier enregistre une vidéo de huit minutes, dans laquelle il lit la lettre du préposé et la réponse - passablement insultante - qu'il lui sert. Et il affiche le tout sur YouTube. Mardi dernier, le petit film avait été visionné 666 361 fois. Les termes employés par Jean-François Mercier ont été abondamment critiqués dans les commentaires postés sur le site. Il n'empêche que l'humoriste a reçu la remise postale qu'il attendait depuis des mois et que le président de Bell Mobilité l'a appelé pour lui demander s'il pouvait faire quelque chose pour lui.

Vendetta virtuelle

Les médias sociaux sont en train de révolutionner le service à la clientèle. «Que ce soit dans le domaine du voyage ou dans tout autre secteur, une entreprise doit maintenant surveiller l'évolution de son image de marque sur Facebook, Twitter et autres YouTube, estime Paul Arsenault, directeur du Réseau de veille en tourisme de l'UQAM. Si une compagnie donne un mauvais service à la clientèle, l'information peut se répandre à toute allure. Les médias sociaux permettent aux consommateurs de se faire justice eux-mêmes, pour le meilleur et pour le pire.»

Pour illustrer le pire, Paul Arseneault évoque ce couple de Cleveland qui vient de se faire bannir à vie des navires de Royal Caribbean et de ses filiales, Celebrity et Azamara. Au cours des dernières années, le couple a fait six croisières sur des paquebots de Royal Caribbean et de Celebrity. Chaque fois, il s'est plaint d'un problème : plomberie défectueuse, cabine située dans un environnement bruyant, mauvais service. Chaque fois, la compagnie le compensait par une réduction sur une prochaine croisière.

Le couple a commencé à relater ses expériences sur le forum du site Cruise Critic (www.cruisecritic.com). Lors de sa dernière expérience, il a révélé en ligne que Royal Caribbean lui accordait une réduction de 20%. Alarmé, un responsable du service à la clientèle a joint les clients pour leur offrir une compensation supplémentaire de 500$, manifestement afin d'acheter leur silence. Mais le couple a relayé l'information sur Cruise Critic, ce qui lui a valu une pluie de reproches. Des participants au forum ont accusé les plaignants de se servir du site pour faire chanter la compagnie.

Un responsable de Royal Caribbean les a alors joints pour leur demander de retirer leur dernier commentaire, ce qu'ils ont refusé de faire. Quelques jours plus tard, ils ont reçu une lettre les avisant qu'ils étaient bannis à vie des navires de Royal Caribbean et de ses filiales, puisque chaque croisière s'était soldée par une expérience négative pour eux. Un chèque de 500$ était inséré dans la même enveloppe.