Signe que les choses reviennent un tant soit peu à la normale, de nombreux hôtels, qui s’étaient mis en veille pendant la pandémie, rouvrent tranquillement leurs portes aux clients. Est-ce que la vie dans un hôtel qui se déconfine est bien différente de celle d’avant ? Pour le savoir, notre journaliste a passé une nuitée à l’Auberge Saint-Antoine, à Québec, et a discuté avec des gens sur place.

Evan Price, propriétaire

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

La famille Price est propriétaire de l’Auberge Saint-Antoine depuis les années 90. Sur la photo, Evan Price.

Établie depuis 200 ans à Québec, la famille Price est propriétaire depuis les années 90 de l’Auberge Saint-Antoine et a complètement restauré le site après son acquisition, faisant mener de véritables fouilles archéologiques qui ont permis de mettre à jour l’importance historique et patrimoniale de l’endroit, dont la partie restaurant qui est un ancien entrepôt maritime.

En plein cœur de la crise de la COVID-19, au mois de mars, le propriétaire a décidé de fermer les portes de l’Auberge. « Cela nous a permis, avec notre personnel d’entretien technique, de réaliser des tâches ou travaux difficiles à faire lorsque l’hôtel roule, et de nous préparer pour la réouverture. »

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Situé dans le Petit Champlain, à Québec, l’Auberge Saint-Antoine accueille de nouveau les clients depuis le 5 juin.

Fermer un hôtel, c’est assez facile. Le rouvrir, c’est une autre histoire !

Evan Price, propriétaire de l’Auberge Saint-Antoine

Le 5 juin, même si les frontières sont toujours fermées et que les voyages interprovinciaux sont limités, l’Auberge a fait le pari de rouvrir ses portes graduellement, misant sur le tourisme provincial. « On croit qu’il y a des gens qui sont prêts à faire des petits voyages, à changer d’air. On est confiants que ce n’est pas la fin de l’industrie du voyage, même s’il faudra évidemment des ajustements », remarque M. Price.

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L’Auberge Saint-Antoine compte près de 25 chambres avec terrasse. Décrochage garanti !

La situation comporte son lot de défis, dont la mise en place de mesures sanitaires « parfaites, solides et rassurantes » qui font en sorte que l’hôtel ne peut pas rouler au maximum de sa capacité. Lors de notre passage, à peine 10 % des 95 chambres étaient occupées et M. Price ne croit pas, avec les mesures actuelles, pouvoir aller au-delà de 25 % à 30 % de sa capacité cet été, alors qu’environ le tiers des quelque 200 employés habituels est de retour au travail. Parallèlement, il faut tout de même s’assurer que la clientèle puisse vivre une expérience à la hauteur de la réputation de l’établissement, explique M. Price.

Pour marquer sa réouverture, l’Auberge a lancé un forfait « Escapade à Québec », avec un tarif préférentiel pour une chambre à partir de 285 $, comprenant le stationnement intérieur, un petit-déjeuner apporté en chambre, ainsi qu’un surclassement en catégorie supérieure selon la disponibilité. Ainsi, nous avons pu profiter, lors de notre passage, d’une chambre avec terrasse — l’hôtel compte près de 25 chambres offrant des terrasses avec superbes vues sur le fleuve, entre autres.

Marie-Claude Parent et Bernard Plante, clients

PHOTO IRIS GAGNON-PARADIS, LA PRESSE

Attrapés alors qu’ils quittaient l’Auberge Saint-Antoine au terme de deux nuitées, Marie-Claude Parent et Bernard Plante étaient ravis de leur expérience.

Pour célébrer son 50anniversaire, Bernard Plante devait s’envoler prochainement, en compagnie de sa conjointe Marie-Claude Parent, à Copenhague puis à Paris. Un plan que la pandémie a contrecarré pour ces résidants du quartier Montcalm, à Québec.

C’est pour faire une surprise à son conjoint que Mme Parent a décidé de réserver à l’Auberge Saint-Antoine. « Avec le confinement et le télétravail, on est toujours chez nous. Je trouvais que juste être dans un autre environnement, c’était un bon plan. Ça change le mal de place, autant que si on avait voyagé à l’extérieur ! », constatait cette dernière après deux nuitées passées à l’hôtel.

« En fait, c’est le même dépaysement, mais on n’a pas des heures de route à faire pour retourner chez nous. On aurait presque pu venir à pied ! C’est ce qu’on appelle vraiment du tourisme local. On va recommencer ! », s’amuse M. Plante, visiblement ravi de son expérience.

C’était une première visite pour le couple dans l’établissement, que Mme Parent dit avoir choisi pour sa réputation et sa bonne table. « Je ne voulais pas manquer mon coup, comme c’était pour son 50e. Et comme les restaurants sont fermés, je savais qu’ici, la nourriture est exceptionnelle. »

Ils ont profité d’une terrasse avec vue sur le fleuve et ont même pu amener avec eux leur petit chien, Léo, puisque l’Auberge Saint-Antoine accepte les animaux de compagnie.

Même si on est à 10 minutes de chez nous, j’ai ressenti le même petit pincement et la nostalgie que lorsque je pars d’un hôtel ailleurs dans le monde.

Marie-Claude Parent

Habitué des hôtels, le couple dit ne pas avoir eu de craintes particulières. Pour eux, l’hôtel est une expérience plus sûre et sécuritaire que les Airbnb de ce monde. « La seule chose qui surprend, ce sont les masques, ça frappe ! Mais c’est à nous de nous habituer », conclut M. Plante.

Antoine Gaudreault-Jean, chef concierge

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le travail du concierge Antoine Gaudreault-Jean a bien changé, avec le retour au travail.

La conciergerie, Antoine Gaudreault-Jean connaît : il a œuvré au Château Frontenac huit ans avant de passer l’été dernier à l’Auberge Saint-Antoine, où il est chef concierge. Son travail, qui consiste d’ordinaire à conseiller les clients — attraits à visiter, restaurants où s’attabler, etc. — et à répondre à leurs demandes et besoins, n’est plus tout à fait le même avec la reprise des activités à l’Auberge Saint-Antoine. « Dans le “nouveau normal”, mes tâches ont changé beaucoup », remarque-t-il.

Le concierge, par définition, est un peu le « gardien du savoir » de l’hôtel. « Je dois savoir tout, sur tout ! » Sa fonction a donc été adaptée en fonction de la nouvelle réalité. « J’ai encore un rôle d’information, mais il a changé. Je m’occupe de bien informer le personnel qui revient au travail, afin de leur faire part des changements — la prise de température, le lavage des mains, le port de masque obligatoire, etc. On revoit la façon de donner un service haut de gamme, mais ce qu’on veut, c’est que les gens le sentent le moins possible », explique-t-il.

C’est à nous de nous adapter pour permettre au client de s’évader.

Antoine Gaudreault-Jean, chef concierge

Lors de notre passage, les restaurants n’étaient pas encore ouverts dans la région et plusieurs commerces, fermés. Le choix d’activités était donc assez limité : « On recommande beaucoup les activités à l’extérieur, comme les balades sur l’île d’Orléans, la piste cyclable qui passe tout juste devant l’hôtel, on offre la location de vélos et on peut même organiser des visites guidées… en respectant la distanciation, bien sûr ! »

Dorine Moren, gérante de l’entretien ménager

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Dorine Moren s’assure que protocoles et mesures sanitaires maximales sont appliqués à l’Auberge Saint-Antoine, pour la sécurité de tous.

En tant que gouvernante de l’Auberge Saint-Antoine depuis environ un an, Dorine Moren supervise une équipe de préposés aux chambres, d’équipiers (nettoyage des aires publiques, restaurant, montage de salle, etc.) et le service de buanderie à l’interne.

« J’avais une bonne équipe à gérer; on est passé d’une vingtaine de personnes par jour à trois maximum. On a vraiment dû se réorganiser, apprendre à travailler différemment, on a beaucoup plus de mesures à respecter. Nos standards étaient déjà élevés, mais il a fallu ajouter un niveau de plus pour faire en sorte qu’autant les employés que les clients se sentent en sécurité. »

Avant, il fallait garder l’établissement propre; aujourd’hui, il doit être, en plus, désinfecté.

Dorine Moren, gérante de l’entretien ménager

Parmi les nouvelles mesures ajoutées : une « tournée de désinfection des aires de contact », où un employé va désinfecter, une fois par heure, tout ce qu’un client pourrait avoir potentiellement touché. « Si l’occupation venait à monter, on ajustera à la hausse », assure-t-elle.

Durant leur séjour, les clients auront le choix entre trois options : aucun service dans la chambre, service modéré avec serviettes propres et autres articles qui peuvent être laissés sur le pas de la porte, et un service complet de jour. « Dans ce cas, on fixe une heure et demandons au client de ne pas être dans la chambre pour éviter le plus de contact possible. »

Quant aux chambres, elles seront aérées plusieurs heures après le départ des clients et débarrassées des déchets, mais ensuite laissées intouchées pendant 48 heures avant d’être nettoyées en profondeur, pour réduire au maximum les risques de contamination.

Romain Devanneau, chef de cuisine

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Romain Devanneau, chef du restaurant Chez Muffy à l’Auberge Saint-Antoine, a dû s’adapter à sa nouvelle réalité.

L’Auberge Saint-Antoine accueille en ses murs un restaurant, Chez Muffy, et un bar, nommé l’Artefact. Lors de notre passage, les deux étaient fermés, mais le restaurant a rouvert cette semaine, de même que le Panache Mobile, une cantine gourmande campée sur le site du Vignoble Sainte-Pétronille, dans l’île d’Orléans, où l’hôtel exploite depuis plusieurs années un jardin maraîcher. Tous sont sous la responsabilité de M. Devanneau.

Chef de l’Auberge depuis un peu moins d’un an, il connaît bien les lieux : Français d’origine, il était, lors de son arrivée au Québec, en 2013, chef de partie au restaurant et il y a travaillé quatre ans avant de passer par L’Initiale et d’autres établissements. De retour à l’Auberge, il n’a jamais cessé de travailler en cuisine, même lorsque l’hôtel était fermé aux clients.

« Ça a été difficile de naviguer dans une zone de non-confort. On s’est essayé au take-out, on a joué avec la polyvalence de tout le monde, on a fait un menu brunch pour la fête des Mères qui a bien fonctionné… Tout ça avec équipe réduite, et les protocoles qui ont dû être mis en place en cuisine. »

Depuis la réouverture le 5 juin, la cuisine propose aux clients de l’hôtel un menu de saison à commander en chambre et un service de petit-déjeuner. « Tout cela nous prend plus de temps, évidemment. On peut faire moins de mises en place, car on veut limiter les pertes. On fait tout à l’instant même, dès que le client appelle pour commander. »

Mon jardin va m’offrir autant de légumes qu’à l’habitude ! J’ai donc décidé de miser beaucoup sur la transformation cette année afin de ne rien perdre.

Romain Desvanneau, chef

Rencontré samedi dernier, il en était aux derniers préparatifs afin d’accueillir ses premiers clients en salle, notamment pour le brunch de la fête des Pères, dimanche, toujours très prisé. En tout, une trentaine de convives pourront s’y attabler, sur les 70 places usuelles. Un projet de BBQ extérieur, directement dans la rue Saint-Antoine, les week-ends, était aussi dans les cartons afin de permettre à tous — clients de l’hôtel, résidants de la ville — de profiter de l’offre gourmande de l’hôtel.

> Consultez le site de l’Auberge Saint-Antoine