Les croisières hivernales ont le vent en poupe partout dans le monde. Et le Québec pourrait bien se tailler une place de choix sur ce nouveau marché. Explications.

Une tendance marquée

Depuis deux ans, les croisiéristes rêvent de l’hiver. « La CLIA [Cruise Lines International Association], qui regroupe les compagnies de croisières du monde entier, publie chaque année des rapports sur les tendances de l’industrie et, depuis deux ans, on note que la plus forte tendance concerne les voyages nordiques et polaires », explique Hélène Théberge, directrice adjointe de l’association Croisières du Saint-Laurent, dont la principale mission est de promouvoir le Saint-Laurent auprès des compagnies de croisières internationales.

La popularité des croisières en Arctique et en Antarctique explique en grande partie cette tendance à la hausse, « mais depuis que ces régions sont visitées par des bateaux d’expédition, la porte est ouverte pour d’autres destinations hivernales ».

Une rareté recherchée

Outre les deux pôles, il y a actuellement peu de destinations de croisières réellement hivernales. « La Norvège est à peu près la seule, dit Mme Théberge. Le Québec pourrait devenir une des rares destinations dans le monde à accueillir des bateaux en hiver. Le potentiel est grand. Des compagnies de croisières comme Hurtigruten ont un intérêt à rester sur le fleuve pendant une longue période, de novembre à avril par exemple, alors que leurs bateaux ne sont pas utilisés ailleurs. »

Mme Théberge ajoute que plusieurs navires d’expédition et de petits navires de luxe sont sortis des chantiers navals ces dernières années. « La flotte de petits navires ayant augmenté, il faut les répartir un peu partout dans le monde et trouver de nouvelles destinations », dit-elle. D’où l’intérêt de plusieurs compagnies de diversifier leurs offres d’itinéraires.

Une campagne de séduction

Pour attirer les croisiéristes pendant la saison froide, Croisières du Saint-Laurent propose depuis 2017, aux compagnies de croisières comme Ponant, Hurtigruten, Mystic Cruises ou Adventure Canada, des tournées de découverte du Québec. « Sur les 30 compagnies qui fréquentent déjà le fleuve, 10 pourraient être intéressées par des croisières hivernales, ajoute Mme Théberge. Ce sont elles que nous ciblons… »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Des tournées de découverte ont permis aux compagnies de croisières de visiter Montréal, Québec, Trois-Rivières, Saguenay, la Gaspésie et les Îles-de-la Madeleine (photo) sous leur couvert de neige.

Ces tournées de découverte ont permis aux représentants de découvrir Montréal, Québec, Trois-Rivières, Saguenay, la Gaspésie et les Îles-de-la Madeleine sous leur couvert de neige. La navigation hivernale sur le Saint-Laurent a aussi pu être démystifiée. « Ce n’est pas un obstacle, puisque les bateaux qui viendraient ici sont déjà conçus pour des conditions hivernales. »

Les échos qu’on a reçus des compagnies de croisières sont très positifs. On est encore au stade des discussions, pas des réservations officielles. Il faut savoir que les compagnies planifient deux ou trois ans à l’avance les itinéraires qu’elles vont vendre.

Hélène Théberge

Y a-t-il lieu d’être positif ? « Oui, très. On pense qu’on pourrait accueillir un premier navire en 2022-2023. »

Des retombées importantes

Pour l’industrie touristique du Québec, les retombées des croisières hivernales seraient considérables, selon Mme Théberge, et ce, tant du point de vue économique que social. « En 2016, une étude a démontré que pendant la saison estivale, qui s’étend normalement d’avril à la fin d’octobre, les retombées économiques directes et indirectes des croisières au Québec ont été de 501 millions de dollars. » En prolongeant la saison à 12 mois par année, ces retombées se trouveraient augmentées, même si on ne peut prévoir de chiffres exacts. « On pourrait de plus maintenir à l’année certains emplois dans les escales. Les guides, agents d’accueil, chauffeurs d’autobus ainsi que le personnel des attraits touristiques en bénéficieraient. »

« La clientèle qui fréquente les navires d’expédition est plus active : elle ne veut pas passer beaucoup de temps à bord du navire. On le voit avec les croisières en Norvège, où le taux de vente des visites guidées est de 112 % ! Ces visites sont vues comme des expériences exceptionnelles, qu’on ne fait qu’une seule fois dans une vie. On pourrait imaginer des excursions en traîneau à chiens, en raquettes ou en motoneige, des visites de marchés de Noël, des festivals hivernaux… » Et chaque visite se ferait en compagnie d’un guide ou d’un producteur d’aventure local…

« Les passagers sont très intéressés par la mixité des cultures, ajoute Hélène Théberge. Ils veulent découvrir comment on s’adapte à l’hiver. Pour plusieurs, l’hiver québécois est exotique. »