Deux filles, un Jeep, une tente et des kilomètres de route à parcourir au milieu d’une beauté en crescendo. Récit d’un road-trip au Yukon, sous le soleil de minuit…
Pourquoi le Yukon ?
Pourquoi ?
C’est la question posée lorsqu’un possible voyage au Yukon est évoqué. Elle est légitime. Pour un Québécois, le Yukon est littéralement à l’autre bout du Canada, à l’ultime frontière nord-ouest. Pour s’y rendre, en avion, il faut compter 10 bonnes heures, avec les escales.
Pourquoi, donc, le Yukon ?
Parce que, ici, absolument tout semble avoir été amplifié, pour devenir plus grand et plus beau qu’à l’accoutumée, à commencer par les journées, qui n’en finissent plus à ce temps-ci de l’année. Autour du solstice d’été, le soleil disparaît quelques heures derrière l’horizon, mais la noirceur n’arrive jamais. Il est donc possible de se lancer dans une randonnée à l’heure du souper sans craindre la tombée de la nuit.
C’est peut-être ce soleil de minuit qui a déréglé toutes les boussoles humaines pour leur donner une énergie qui semble inépuisable.
Ici, les étés sont courts et tout le monde semble disposé à en profiter jusqu’au bout. À Dawson comme à Whitehorse, les rues et les bars se remplissent ou se vident avec un soleil toujours haut levé.
Le Yukon, c’est aussi un territoire propice pour les marginaux, ceux qui veulent vivre hors des sentiers déjà tracés. Tous ceux qui se sont exilés au Yukon, dont nombre de Québécois, ont un parcours peu banal à raconter. Certains ont vécu des années « off the grid », c’est-à-dire sans eau courante ni électricité, et ce, 12 mois sur 12. Les rencontres avec les résidants — dont nombre feraient d’excellents personnages de film — sont toujours fascinantes…
Pour les amateurs de road-trip, le territoire propose quelques itinéraires à faire rêver, dont la boucle du Klondike et de Kluane, qui fait un détour de quelques heures par l’Alaska. C’est celui que nous avons emprunté, pendant sept nuits et huit journées. Impossible toutefois d’être pressé. Sur ces routes, pour la plupart non asphaltées, il faut compter deux heures pour franchir 100 km. De fait, il nous a fallu près de 22,5 heures au volant pour franchir les 1633 km du trajet. Ça laisse du temps pour admirer le paysage…
Car, surtout, visiter le Yukon, c’est profiter de panoramas grandioses, d’une nature indomptée et d’une faune riche et diversifiée qui peut transformer un simple trajet de voiture en aventure. C’est tomber amoureux des montagnes enneigées du parc national de Kluane, s’émerveiller de la riche histoire de Dawson. Et avoir les yeux mouillés devant son premier ours.
Le Yukon, c’est en revenir et continuer à en rêver.
Les frais de ce voyage ont été payés par Tourism Yukon, qui n’a exercé aucun droit de regard sur le contenu de ce reportage.
L’aventure en 11 étapes
Plus de 1600 km de beautés, découpés en petites bouchées.
Direction : Dawson
Au commencement, il y a de la route. Beaucoup de route. Celle qui mène de Whitehorse, la capitale territoriale, à Dawson n’est pas la plus grandiose (à l’échelle yukonnaise).
La North Klondike Highway se déroule sur 330 km comme un long ruban d’asphalte entre les épinettes effilées comme des lances.
Parfois, quelques lacs couleur émeraude viennent émailler le trajet. Et le fleuve Yukon n’est jamais loin.
Au moment où la fatigue commençait à se faire sentir, la route nous a joué le grand jeu : elle nous a offert un ours de taille considérable qui se nourrissait, juste là, sur le bord de la route.
À l’abri dans le Jeep, nous avons pu sans crainte admirer l’animal, aussi fascinant que terrifiant.
Escales sucrées
Parmi les rares escales sur la route du Klondike se trouve Braeburn Lodge, où l’on vend des brioches à la cannelle grosses comme des ballons de football.
Notre coup de cœur a plutôt été près de 200 km plus loin, du côté de Moose Creek Lodge, où l’on peut trouver des tartelettes au beurre divines, préparées à la main dans une ancienne cabane de trappeur devenue restaurant-musée-boutique de souvenirs.
Un lieu hautement instagrammable !
Dodo au-dessus du capot
Pour ce voyage, un Jeep tout-terrain nous sert de moyen de transport, mais pas seulement : c’est aussi notre gîte.
Une tente est fixée sur le toit grâce à plusieurs sangles et fermetures éclair. Le soir venu, elle se déplie en quelques minutes et il suffit pour y accéder de grimper à une échelle.
Ainsi équipées, nous sommes parfaitement autonomes et pourrions dormir où bon nous semble, chose possible à peu près partout au Yukon.
Les Anglais ont un mot pour désigner ce mode de camping en pleine nature : overlanding. Ici, les possibilités sont infinies pour ce genre d’aventure.
Pour des raisons logistiques, nous avons toutefois opté pour un mélange entre campings territoriaux et privés.
Dawson, la ville-musée
Avec ses façades historiques aux allures de Far West, ses rues de terre battue et ses résidants parfois extravagants, Dawson vibre d’une énergie particulière.
Cette ville a vu défiler des milliers de mineurs pendant la ruée vers l’or, en 1896 ; aujourd’hui, elle grouille encore de vie (et l’or coule toujours dans ses veines).
Un endroit hors norme où il a fait bon se poser pour deux journées. Découvrez nos adresses coup de cœur ci-bas..
Virée à Tombstone
Le parc territorial de Tombstone est, de l’avis de nombreuses personnes, le plus beau du Yukon (qui n’est pas à plaindre côté paysages spectaculaires).
On y accède par une étroite route de gravier baptisée la Dempster Highway.
Orientée plein nord, « l’autoroute » dépasse le cercle arctique pour mener, après 740 km de solitude, au village de Tuktoyaktuk, niché sur le bord de la mer de Beaufort.
Nous nous arrêterons au kilomètre 74 pour faire une randonnée sur le sentier de Goldensides.
Au programme : panoramas grandioses sur la vallée ainsi que rencontre avec un chien de prairie curieux et deux marmottes belliqueuses.
Au sommet du monde
Pour retrouver Whitehorse sans revenir sur ses pas, il faut emprunter la bien nommée Top of the World Highway en direction de l’Alaska, où il faudra passer quelques heures.
Ici, la route serpente sur la crête des montagnes avant de déboucher au poste frontalier de Poker Creek (population : 3).
Après avoir confisqué notre sac de pommes canadiennes, le douanier américain a estampillé nos passeports avec le dessin d’un caribou.
Un précieux souvenir du bout du monde.
L’improbable Chicken
C’est un village comme on n’en trouve qu’au milieu de nulle part. Un village sans téléphone ni toilettes à eau courante, qui abrite 15 personnes en hiver et une grosse trentaine en été.
Un village affublé d’un nom bizarre parce que les mineurs du XIXe siècle étaient incapables de prononcer le nom officiel, soit Ptarmigan (lagopède, en français), et qu’ils ont préféré faire plus simple : Chicken !
Un repaire d’excentriques où se tient chaque été un festival de musique baptisé Chickenstock (« bouillon de poulet »).
Le « centre-ville » annoncé sur la route se limite à un seul bâtiment de planches occupé par un café, un saloon, un comptoir de vente d’alcool et une boutique de souvenirs.
Bref, un arrêt obligé dans une ambiance un brin surréaliste.
Vol au-dessus des glaciers
Retour en territoire canadien par l’Alaska Highway. Tom Bradley nous attendait dans un petit aéroport près de Haines Junction.
Pendant une heure et des poussières, nous allions survoler en sa compagnie, à bord d’un appareil Helio Courier, les glaciers des environs du parc national de Kluane.
Une heure et des poussières à écarquiller les yeux devant ces multiples langues de glace aux 50 nuances de bleu et de blanc, ces falaises abruptes où se dessinaient des mouflons jouant les acrobates, etc.
Au-dessus du lac de Kluane, nous avons vu un orignal venu faire trempette. Le temps, nuageux, ne nous a pas permis de voir le mont Logan (le plus haut sommet canadien), mais Tom nous a juré qu’il était bien là…
Chez Roxanne et David
Pour une seule nuitée, nous avons troqué la tente contre de vrais lits au Mount Logan Lodge.
L’endroit est tenu depuis peu par Roxanne Mason, Montréalaise d’origine, son conjoint, David, et leurs chiens.
Après avoir parcouru le Canada, de la Colombie-Britannique à la Gaspésie, ils sont de retour au Yukon avec le projet de transformer cette auberge en halte pour épicuriens avides d’aventure.
Le projet est déjà bien amorcé : Roxanne cuisine des repas sublimes et David nous a menées, par des chemins hors piste, dans la vallée d’Alsek pour un safari à la recherche des ours et des orignaux.
Kluane ou la beauté brute
Kat, une guide de l’entreprise Yukon Guided Adventure (lancée par Roxanne et David Mason), nous a fait découvrir quelques-unes des beautés du parc national de Kluane.
Laissons les images parler.
Souper d’adieu
De retour à Whitehorse, nous avons conclu le voyage avec un repas dans l’une des adresses classiques de la capitale : Klondike Rib & Salmon.
Décor bric-à-brac, portions gargantuesques et files d’attente dès 17 h. On ne fait pas dans le fin, ici, mais on ne pouvait trouver plus pittoresque pour clore le séjour en beauté.
Consultez le site du Klondike Rib & Salmon (en anglais) : https://www.klondikerib.com/
Repères
Y aller
Le plus simple est évidemment d’y aller par avion. Étant donné qu’aucun vol direct ne relie Whitehorse et Montréal, il faut obligatoirement faire escale, la plupart du temps à Vancouver ou Calgary. Air Canada et WestJet desservent l’aéroport international Erik-Nielsen de Whitehorse, tout comme le transporteur yukonnais Air North.
Camper
Le Yukon compte une soixantaine de campings privés et environ 40 campings gouvernementaux. Dans ces derniers, les services sont souvent minimaux (pas de blocs sanitaires, toilettes sèches…), mais le prix est à l’avenant : 12 $ la nuit.
Consultez le site de Yukon Parks (en anglais) : http://www.env.gov.yk.ca/camping-parks/campground_availability.php
Se déplacer
Pour louer un Jeep avec tente sur le toit, comme celui utilisé dans ce reportage, il faut compter 295 $ par nuit. Tout l’équipement est compris, de la glacière aux sacs de couchage. Pour l’essence, le prix est plus élevé qu’au Québec : de 1,33 $ à 1,65 $ le litre, selon l’endroit.
Consultez le site d’Overland Yukon (en anglais) :
En français !
Le Yukon compte une large communauté francophone : selon le recensement de 2016 de Statistique Canada, 13,8 % de la population parle français. Résultat : nous avons pu être servies en français presque partout, y compris dans les bureaux de Parcs Canada et dans plusieurs restaurants.