Pour rouler jusqu’à Toronto, il faut prendre la 401. Une autoroute interminable, parsemée de haltes routières inintéressantes ? Que nenni ! Au cours des trois prochaines semaines, nous vous présentons des arrêts originaux sur la route des vacances. 

Dans la cour de Paul et Serge Dupuis, on peut flatter une cinquantaine de créatures préhistoriques… en béton. Depuis bientôt 38 ans, les frères accueillent petits et grands dans leur musée à ciel ouvert de Morrisburg, à un peu moins de deux heures de Montréal, en route vers Toronto.

C’est presque impossible de ne pas tomber sous le charme du parc de dinosaures Prehistoric World. L’émerveillement naît d’abord du fait de croiser un brontosaure, un tyrannosaure ou un tricératops grandeur nature dans un décor enchanteur, au beau milieu de nulle part. Puis, il y a la charmante histoire de ce projet un brin excentrique.

Paul et Serge Dupuis sont nés à Mattice, un village du nord de l’Ontario, entre Hearst et Kapuskasing. C’est là-bas qu’ils ont commencé leur pratique de sculpteurs, d’abord pour le plaisir, puis pour un jour vivre une vie de simplicité et de liberté. Au fil du temps, par essais et erreurs, ils ont perfectionné leur technique et développé leurs matériaux. Le plus gros des dinos, un brontosaure, a pris deux ans à réaliser.

PHOTO ÈVE DUMAS, LA PRESSE

La forêt du Prehistoric World est parsemée de belles surprises.

« Jeunes, on faisait des sculptures de glace dans la cour, raconte Paul, dont le père est mort en 1959. En 1967, à l’âge de 13 ans, j’ai fait le tigre smilodon qui se trouve ici, à la réception. Plus tard, on a réalisé quelques contrats dans le Nord, comme un grand orignal en béton et une famille d’ours noirs. »

Leur mère, qui fut enseignante, puis maître de poste, tout en tenant un motel avec l’aide de ses trois fils, a pris sa retraite en 1981. Toute la famille a alors déménagé plus au sud. 

« Petits, c’était notre rêve de créer ce parc de dinosaures. Nous économisions depuis des années pour ça. Mais le temps trop froid dans le Nord ne permettait pas qu’on y fasse les sculptures. »

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Certains des plus imposants dinosaures du musée, tel le brontosaure, ont pris jusqu’à deux ans à réaliser.

Ils auraient pu s’établir dans les Laurentides, mais ont plutôt choisi un grand terrain, entre l’autoroute 401 et le fleuve Saint-Laurent, qui appartenait à Hydro-Ontario. 

Une fois déménagée, la famille Dupuis a agi de la manière le plus farouchement indépendante qui soit. « L’intérêt du projet a toujours été de travailler en famille, sans avoir à répondre de personne. L’indépendance artistique d’abord, le succès commercial après. Chaque fois qu’on avait réalisé des commandes, dans le passé, il y avait eu des choses qui nous avaient déplu. Les gens n’étaient jamais prêts à payer le juste prix, il fallait faire des compromis. On n’avait pas envie de ça, alors on a tout fait par nous-mêmes. Pas de banques, pas d’argent du gouvernement, aucun argent prêté. »

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Le tricératops et son grand rival le tyrannosaure

Prehistoric World a vu le jour au début des années 80, avec 14 dinosaures, dont certains n’étaient pas encore tout à fait terminés. Tandis que les frères s’occupaient des sculptures, du terrain, de l’aménagement paysager, de la construction d’un grand mur pour garder les chevreuils dans la forêt et de bien d’autres tâches manuelles, leur mère se chargeait de la « paperasse » et tenait la boutique de souvenirs. Lorsque l’alzheimer s’est manifesté, elle a transmis ses connaissances administratives à Paul. Elle est morte en 2012, à 96 ans.

Déjà, les activités du musée avaient commencé à ralentir tout doucement. Il y a une douzaine d’années, Paul et Serge ont arrêté de faire de la publicité. Ils n’ont pas de site internet ni d’adresse courriel. C’est une de leurs amies qui s’occupe de la page Facebook de Prehistoric World. L’accès à l’internet demeure trop complexe dans leur coin. Pour les joindre, c’est le téléphone ou rien.

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On croise plusieurs créature dans la forêt.

Malgré tout, le musée accueille encore, chaque année, quelques groupes scolaires, des curieux attirés par le bouche à oreille et beaucoup d’habitués, qui reviennent année après année. « On se dirige tranquillement vers la retraite », déclare Paul, qui a 65 ans. Serge, lui, a 73 ans.

Les Dupuis n’ont pas d’enfants. Il n’y a personne pour prendre la relève. Aussi les frères pensent-ils à créer une fondation à but non lucratif pour que leur travail puisse continuer à émerveiller les générations futures pendant encore longtemps.

À faire dans le coin

Si vous cherchez à faire une pause de l’autoroute 401 avant d’arriver à Morrisburg, prenez le joli Long Sault Parkway — entre les sorties 770 et 778 — qui vous permet de rouler d’île en île. Plusieurs de ces îles du Saint-Laurent possèdent des plages et des campings. Le village historique Upper Canada Village est une autre escale intéressante pour les familles qui souhaitent se délier les jambes et casser la croûte tout en apprenant comment on vivait en 1860.

Consultez le site des parcs du Saint-Laurent : https://www.fr.stlawrenceparks.com/

Consultez le site d’Upper Canada Village : https://www.fr.uppercanadavillage.com/