À l’aller, des élèves et leurs enseignants étaient à bord pour une sortie scolaire. Au retour, il y avait des cyclistes et une famille allant célébrer un anniversaire dans un restaurant du Vieux-Port.
« Je vais travailler », a lancé pour sa part Suzanne de Vette.
Avec sa longue jupe et sa veste de jeans, cheveux au vent, on penserait qu’elle partait en croisière. Après tout, la femme nous saluait de la main d’un bateau qui quittait le quai du Vieux-Boucherville. Suzanne de Vette allait plutôt bosser au palais de justice de Montréal. Même qu’elle aurait pu payer son trajet avec sa carte OPUS et prendre un BIXI depuis un stationnement incitatif.
Pourquoi être pris dans la circulation seul dans son auto quand on peut prendre une navette fluviale qui part toujours à l’heure ? Pourquoi être coincé sur le pont quand la circulation est fluide sous le pont ?
Quand je ne suis pas en télétravail, je prends la navette. C’est tellement extraordinaire. Le fleuve est beau, je n’ai pas à tourner en rond pour du stationnement.
Suzanne de Vette
Le projet-pilote des navettes fluviales est en cours depuis 2021. Six liaisons sont offertes au public cette année, entre Longueuil, Boucherville et Varennes, sur la Rive-Sud, et le Vieux-Port, Mercier et Pointe-aux-Trembles, dans l’île de Montréal.
« Ce sont des habitudes qui se développent. Notre point fort, c’est la fiabilité et la stabilité du temps de transit. Pas de feux rouges, pas de trafic et pas de cônes orange », illustre Gilles Tanguay, capitaine et directeur des opérations chez Navark.
Si les navettes fluviales sont considérées comme du transport en commun au même titre que le métro et l’autobus, elles sont une plus grande source d’agrément.
Le passage ne coûte que 5,50 $ et c’est même gratuit pour les enfants de moins de 11 ans, ce qui constitue une activité familiale très abordable en cette période d’inflation.
Des gens de la Rive-Sud voguent sur les navettes pour aller au Centre hospitalier de l’Université de Montréal, alors que des Montréalais se rendent dans le Vieux-Boucherville simplement pour faire des emplettes à la Maison Allumette, admirer des maisons ancestrales et manger au café-bistro Saint-Laurent, comme nous l’avons fait.
« On oublie que Montréal est une île », lance Gilles Tanguay.
Né à Ahunstic, le capitaine de 62 ans vit sur le Plateau. Permettez-nous de présenter celui dont l’appel du large est venu après une carrière comme danseur de ballet. Après avoir acheté un voilier pour le restaurer — un projet à long terme — un cancer l’a convaincu de ne pas perdre de temps. « Mon voilier a passé l’hiver à côté du premier bateau de Navark », raconte-t-il.
Au printemps, il a ensuite fait connaissance avec Normand Noël, fondateur de l’entreprise qui est devenue un important croisiériste.
C’était il y a 20 ans.
Aujourd’hui, Gilles Tanguay est directeur des opérations chez Navark, qui compte une flotte de 27 bateaux et qui assure quatre des six liaisons des navettes fluviales. « Mais il y a tellement de possibilités avec le réseau fluvial », s’enthousiasme-t-il.
Profiter du fleuve
Le projet-pilote de navettes fluviales a émergé de la stratégie Avantage Saint-Laurent. En 2021, il n’y avait qu’une seule liaison. « On suit la demande et on fait des sondages. La première année, les navettes étaient surtout utilisées pour le loisir, puis l’an dernier, c’était aussi beaucoup pour le travail et les études. C’est un moyen de transport collectif durable », soutient Simon Boiteau, conseiller aux communications à l’Autorité régionale de transport métropolitain.
Dans le cadre des mesures d’atténuation des travaux du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, la saison s’est prolongée jusqu’en décembre l’an dernier. Nouveauté ce printemps quand la crue des eaux permettra l’aménagement du quai : un point d’accès à Varennes.
On veut aussi ajuster l’horaire pour les festivaliers de l’île Sainte-Hélène (Osheaga, ÎleSoniq). « Il y a des stations de BIXI près des quais et nous en avons ajouté cette année à Boucherville », ajoute Simon Boiteau.
Être pris dans un bouchon de circulation ou sentir la brise caresser son visage sur l’eau ? On vous laisse deviner comment on peut arriver d’humeur beaucoup plus détendue au travail. Comme le dit si bien Gilles Tanguay : « Le fleuve est un chemin, pas un obstacle. »
Consultez le site de Navark