(Mayo) L’histoire du Québec est étroitement liée à celle de sa forêt, longtemps exploitée comme si elle était inépuisable. Conséquence : très peu de forêts ressemblent aujourd’hui à celles qui couvraient le territoire avant l’arrivée des Européens, avec leurs arbres plusieurs fois centenaires. Et plus rares encore sont ces forêts anciennes que l’on peut visiter, comme à la réserve écologique de la Forêt-la-Blanche, en Outaouais…

Les abords du lac La Blanche sont assez escarpés. Et c’est sans doute en partie ce qui a protégé les magnifiques pruches qui poussent là, tout doucement, depuis trois ou quatre siècles. Depuis l’époque en fait où les coureurs des bois arpentaient le pays pour la traite des fourrures. Rien que ça.

On atteint la zone où poussent ces géants élancés, qui peuvent atteindre 60 m de haut, par un sentier aux nombreuses volées d’escaliers, à environ 1 km de marche de l’accueil de la réserve, lui-même situé à l’extrémité du chemin Saddler, à Mayo, en Outaouais.

Sous les pruches, la lumière change, tamisée par la canopée. Les rayons du soleil sont si épars que moins d’arbres sortent du sol. L’espace semble s’ouvrir et le regard porte assez loin, dans un horizon où les longues silhouettes des troncs, dénués de branches à leur base, se détachent du vert tendre ambiant. L’air est frais. Et le vent, tranquille. Le calme qui règne ici a quelque chose d’envoûtant. De presque sacré.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

« Beaucoup de gens nous disent qu’ils viennent ici se ressourcer », raconte Renée Giroux, présidente des Amis de la Forêt-la-Blanche.

« C’est comme un musée vivant, dans un paysage qu’on ne voit pas beaucoup ailleurs », observe Renée Giroux, présidente des Amis de la Forêt-la-Blanche, qui entretient les 12 km de sentiers et organise des activités éducatives, dont d’occasionnelles visites guidées. « Il y a une espèce d’énergie qui ressort de la forêt quand on s’y promène. Beaucoup de gens nous disent qu’ils viennent ici se ressourcer. »

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Robin Stolba, coordonnateur à l’accueil et guide à la réserve

La réserve d’un peu plus de 2000 hectares abrite aussi quelques bouleaux jaunes d’environ 400 ans. « Le tronc de l’un de ceux-là, sur le sentier de l’orignal, est très large », explique le guide Robin Stolba. Aucun arbre n’a toutefois la taille des gigantesques conifères de la côte Ouest, qui bénéficient d’un climat beaucoup plus doux et humide, tient à préciser le guide.

Un territoire précieux

En plus de peuplements forestiers anciens, la réserve protège des plantes rares et des milieux humides peu perturbés, que visitent les orignaux et où nichent les hérons. Les sentiers mènent à certaines de ces zones, mais pas question de s’en éloigner pour explorer le reste du territoire.

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La réserve protège des milieux humides peu perturbés.

La Forêt-la-Blanche, c’est un échantillon de nature intégrale, on ne va pas là pour faire du vélo, de la pêche ou du canot. On peut seulement y faire de la randonnée.

Michel Bergeron, de la direction des aires protégées au ministère de l’Environnement du Québec

À peine 5 des 75 réserves écologiques que compte le Québec sont d’ailleurs ouvertes aux visiteurs. Il faut une permission spéciale pour se rendre dans les autres, notamment à des fins de recherches scientifiques.

Parmi ces réserves, un certain nombre englobent des forêts anciennes, comme l’érablière sucrière à hêtre à grandes feuilles et pruche trois fois centenaire du Boisé-des-Muir, en Montérégie, ou la bien nommée réserve des Vieux-Arbres, sur trois îles du lac Duparquet, en Abitibi. Des thuyas de plus de 800 ans, parmi les plus vieux arbres de l’est du continent, poussent dans ce lieu à l’abri de l’activité humaine et des incendies. Un vénérable individu, d’un diamètre de 20 à 30 cm et haut d’à peine 4 ou 5 m, aurait même près de 1000 ans !

Difficile de savoir combien de forêts intactes survivent au Québec. Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs a recensé 256 écosystèmes forestiers exceptionnels, dont bon nombre de forêts anciennes, mais aussi des forêts rares ou refuge (pour des espèces menacées). Or, le Ministère souligne sur son site web que plusieurs autres sites de « valeur analogue » ne sont pas classés, notamment parce qu’ils se trouvent sur des terres privées ou sont protégés en vertu d’autres lois.

D’autres forêts à visiter

Le réseau de la SEPAQ accueille certains de ces sites, mais ils restent souvent peu accessibles. À la station touristique Duchesnay, tout de même, le sentier Le coureur des bois traverse une érablière ancienne. Une journée de pêche sur le lac à l’Écluse, dans la réserve Papineau-Labelle, vous permettra aussi de longer une érablière à bouleau jaune, dont certains arbres ont 425 ans.

PHOTO FOURNIE PAR LE PARC DU MONT WRIGHT

Un grand pic dans la forêt ancienne du parc du mont Wright

Plus faciles d’accès, les sentiers du parc du mont Wright à Stoneham-et-Tewkesbury, près de Québec, parcourent sur 1,9 km⁠2 trois vieux peuplements forestiers assez distincts, où dominent les érables, les bouleaux, puis les épinettes, dont certains individus ont près de 300 ans.

Les oiseaux de proie, dont des buses à épaulettes, aiment bien se percher au sommet des plus grands arbres pour chasser, raconte Gabrielle Dutil, de l’Association forestière des deux rives, qui cogère le parc, très populaire pendant la saison des couleurs. Jusqu’en octobre, les visiteurs sont invités à participer à un rallye pour en apprendre davantage sur la forêt ancienne, qui ne laisse personne indifférent.

« C’est assez touchant de voir comment la nature est forte, dit la chargée de projets. Cette forêt-là qui dépasse les âges, elle nous fait sentir petits et fragiles. On l’admire avec beaucoup d’humilité. »

Consultez le site de la réserve écologique de la Forêt-la-Blanche Consultez le site du parc du mont Wright
En savoir plus
  • 350 ans
    Âge estimé des plus vieux bouleaux jaunes de la réserve écologique de la Forêt-la-Blanche
    Source : Les Amis de la Forêt-La-Blanche
    270 ans
    Âge estimé des plus vieux bouleaux jaunes de la forêt ancienne du parc du mont Wright
    Source : Parc du mont Wright