Quoi de mieux qu’un scooter pour découvrir la ville, ses rives et ses mille secrets ? Après avoir arpenté le Sud-Ouest, la Petite (et moyenne) Italie et la Rive-Sud l’an dernier, nos journalistes repartent à l’aventure cet été. Cette semaine, Sylvain Sarrazin visite les environs du mont Royal, dans un parcours conçu par Silvia Galipeau. Récit.

C’est avec un langoureux scooter électrique que ce parcours sillonnant la montagne montréalaise a été suivi, zigzaguant entre pierres tombales, luxe architectural et petits régals.

Emporté par la foule

  • Notre parcours commence sur l’ultra-vivante avenue du Mont-Royal, avant de se diriger vers des lieux beaucoup, beaucoup moins agités.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Notre parcours commence sur l’ultra-vivante avenue du Mont-Royal, avant de se diriger vers des lieux beaucoup, beaucoup moins agités.

  • Le plan Kouing Amann étant tombé à l’eau, il a fallu se rabattre sur les délicieux gâteaux basques miniatures du Toledo.

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    Le plan Kouing Amann étant tombé à l’eau, il a fallu se rabattre sur les délicieux gâteaux basques miniatures du Toledo.

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Un programme de Silvia pour Sylvain ? Je m’y lance les yeux fermés. Enfin, plutôt entrouverts, puisque tout commence sur la très achalandée avenue du Mont-Royal, piétonnière durant l’été. Pratique, le scooter, pour se garer en bordure et se faufiler entre badauds bronzés et cônes orange… Premier arrêt : la boulangerie Kouing Amann, en vue d’une dégustation de cette spécialité pâtissière bretonne. Douche froide ! Elle est fermée le lundi. On se rabat donc sur Le Toledo, à deux pas, qui réserve la bonne surprise de confectionner des mini-gâteaux basques — une rareté à Montréal. On y attrape aussi un excellent sandwich à l’italienne, avant de s’extirper du chaos circulatoire local et de mettre le cap sur la montagne urbaine.

Cohen dur

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Le cimetière juif de la Congrégation Shaar Hashomayim est aussi paisible que bien entretenu.

C’est en montant vers le cimetière juif, deuxième étape du parcours, que le doute s’est immiscé : ce scooter électrique survivra-t-il à la côte ? Nous voilà lancé à la vitesse vertigineuse de 9 km/h, mais, de toute façon, nous n’avons pas trouvé de machine électrique plus puissante en location (elle plafonne à 32 km/h). Il y a bien de petites pédales pour pousser, mais notre dignité en prend pour son rhume…

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C’est un véritable défi que de trouver le lieu du dernier repos de Leonard Cohen.
La stèle est sobre, idéalement placée au pied d’un arbre.

C’est donc à une allure de tortue que nous parvenons à l’entrée de ce cimetière fondé en 1846, près du coin de Springgrove et Mont-Royal, pour découvrir un lieu bellement fleuri mêlant sérénité et beauté. On y trouve les noms de grandes familles, de Rothschild à Bronfman, et l’un des défis lancés par ma collègue Silvia consiste à trouver la sépulture de Leonard Cohen. Pas simple, puisque bon nombre de stèles arborent le même patronyme ! L’aide d’un employé du cimetière est requise : « Elle n’est pas là, elle est en Europe », taquine le pince-sans-rire, à qui la question semble souvent posée, avant de nous conduire devant une tombe modeste et sobre, à l’ombre d’un arbre. Émouvant. Hallelujah !

Musée à ciel ouvert

  • Au fil des maisons d’Outremont, on trouve cette sculpture de Botero érigée dans un jardin privé, mais visible de la voie publique. Magnifique !

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Au fil des maisons d’Outremont, on trouve cette sculpture de Botero érigée dans un jardin privé, mais visible de la voie publique. Magnifique !

  • L’ancienne maison des Bourassa

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    L’ancienne maison des Bourassa

  • Les monuments bigarrés du cimetière peuvent être découverts au gré de sentiers ouverts aux engins motorisés.

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    Les monuments bigarrés du cimetière peuvent être découverts au gré de sentiers ouverts aux engins motorisés.

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Un cimetière adjacent est au programme, situé à peine plus loin sur la route. Cette fois-ci, c’est dans une ambiance protestante que nous sillonnons les chemins, parsemés d’obélisques et de monuments hétéroclites. Rien de macabre, une famille est même venue s’y détendre à l’ombre d’un saule. La mission donnée par Silvia est cette fois de dénicher la tombe de John Molson, imposante, paraît-il… mais c’est un échec ; sans amertume, car il fait bon flâner au hasard des sentiers fleuris. Y circuler à vélo est interdit, mais les gardes nous ont confirmé qu’autos et scooters y sont permis (même si, légalement, notre engin-tortue est considéré comme un vélo électrique…). C’est ici qu’on apprécie notre monture, dont la lenteur permet de profiter du décor, et le côté silencieux respecte la quiétude des lieux. En quittant ces derniers, nous écumons les rues d’Outremont, dont Maplewood, où s’alignent les demeures prestigieuses. D’autres défis, relevés cette fois-ci : trouver la maison où se dresse une imposante sculpture de Botero, puis l’ancienne propriété de Robert Bourassa. Un vrai musée à ciel ouvert !

Siestes et repos éternels

  • La stèle funéraire d’Émile Nelligan, au cimetière Notre-Dame-des-Neiges

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    La stèle funéraire d’Émile Nelligan, au cimetière Notre-Dame-des-Neiges

  • L’une des nombreuses entrées du cimetière Notre-Dame-des-Neiges

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    L’une des nombreuses entrées du cimetière Notre-Dame-des-Neiges

  • De nombreuses personnalités sont inhumées en ces lieux, dont Maurice Richard.

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    De nombreuses personnalités sont inhumées en ces lieux, dont Maurice Richard.

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Jamais deux sans trois : l’étape suivante est le cimetière Notre-Dame-des-Neiges, un véritable labyrinthe totalisant 55 km de tracés, où s’enchaînent patronymes anonymes et grands noms d’artistes d’ici : Émile Nelligan, Jean Paul Riopelle, Claude Jasmin, et même les artistes de la rondelle (Maurice Richard). Un vrai Père-Lachaise montréalais. Dans la zone de l’Union des artistes, on trouve aussi un autre nom particulier : celui du papa de Silvia, Jacques, un autre nom d’envergure ; car les pères des gens heureux sont aussi de grands hommes, n’est-ce pas ? Il nous a susurré un message : Silvia, ton papa est enchanté du cadre magnifique où il pique sa sieste et t’envoie des bisous. Il fait dire aussi que son ancien scooter était pas mal plus cool et rapide que mon veau électrique ! Quant à nous, on se paie aussi un petit somme (sans s’éterniser là, hein !) et on se régale d’arpenter ces sentiers propices à la paix de l’âme.

Coupes et coupoles

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À Westmount, on longe toutes sortes de maisons à l’architecture travaillée.

Retour dans le monde des (bons) vivants au gré des rues de Westmount et de ses cabanes indécentes, construites à coups de millions et d’un goût parfois… étrange. En gravitant autour du boisé Summit Woods et des rues alentour, on admire les architectures les plus réussies, tout en profitant des points de vue offerts par la hauteur des lieux (ça, c’est gratuit !). Derrière le guidon de ce scooter qui détonne ridiculement avec l’environnement bourgeois, on croise aussi des maisons historiques en contrebas, le long du chemin de la Côte-Saint-Antoine, comme The Goode House (1840) ou la maison Descaris (1698).

  • La Maison rose (aussi appelée Maison Descaris) est une ancienne maison de ferme construite en 1698.

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    La Maison rose (aussi appelée Maison Descaris) est une ancienne maison de ferme construite en 1698.

  • Ca Lem, une crémerie asiatique réputée

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    Ca Lem, une crémerie asiatique réputée

  • En empruntant une courte allée à l’intersection de Summit Crescent et de Devon, on peut observer l’oratoire sous un angle impressionnant.

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    En empruntant une courte allée à l’intersection de Summit Crescent et de Devon, on peut observer l’oratoire sous un angle impressionnant.

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Le programme indique une surprise à l’intersection de Summit Crescent et de Devon. Alors ? Un accès et un point de vue imprenable, dont j’ignorais totalement l’existence, sur l’oratoire Saint-Joseph. Wow ! Parlant de coupole, je vois qu’une coupe de crème glacée a été portée au menu, ce qui justifie amplement un grand détour par les rues ensoleillées de Notre-Dame-de-Grâce jusqu’à Ca Lem, crémerie asiatique réputée, pour un délicieux duo litchi-yuzu. Un rafraîchissement à réveiller les morts !

Allez, on rattaque une ultime montée à 8 km/h pour un dernier tour d’honneur via Camillien-Houde, afin de profiter une dernière fois, tout doucement, des vues panoramiques sur cette ville où il fait bon vivre.

Le scooter électrique, pratique ?

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Un classique dont on ne se lasse jamais : le belvédère Camillien-Houde, offrant une très belle vue sur l’est de la ville.

Avons-nous apprécié ce scooter électrique basique ? Loué chez Dyad (service excellent, rapide et facile), il s’est révélé agréable pour visiter à rythme lent sur le plat, atteignant 32 km/h, avec une autonomie de 85 km (possibilité de changer rapido la batterie en repassant à l’agence). En revanche, il se montre très poussif dans les montées et peu à l’aise dans les grandes artères comme Sherbrooke. À voir selon son itinéraire. Notez qu’il est dans une zone grise, à mi-chemin entre le vélo et le scooter électrique.

Mot de l’autrice du parcours

Confidence : j’adore flâner dans les cimetières. Mais j’aime encore mieux un flânage motorisé, de surcroît autorisé ! C’est avec ce fier constat en tête et en tombant personnellement, et tout à fait par hasard, sur la tombe de notre cher Leonard Cohen — en cherchant celle de mon père, vous dire si j’étais dans le champ ! —, que j’ai concocté ce parcours pour mon estimé collègue. En prime, je me suis proposé de le gâter en greffant à nos trois cimetières (oui, trois, le saviez-vous ?) une balade à travers les impressionnantes (indécentes ?) cabanes d’Outremont et de Westmount. Et à nouveau, et tout à fait par hasard, c’est là que j’ai découvert cette entrée tout à fait méconnue, à la vue « imprenable » effectivement (je te cite, cher collègue) sur l’oratoire. Sans ce bien-aimé et puissant (lalalèreu !) motorisé, jamais je ne me serais aventurée par là de la vie ! Quand on vous dit que le bonheur est dans le scooter ! Heureuse que ça t’ait plu ! — Silvia Galipeau

Redécouvrez nos reportages de l’an dernier

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