Les mammifères marins ont été actifs tôt cette saison dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent. Au grand bonheur des dizaines de visiteurs qui vont chaque jour à leur rencontre à bord de kayaks de mer sur la Haute-Côte-Nord. Récit d’une journée sur le fleuve.

(Les Bergeronnes) Le vent du sud-ouest prend de la vigueur en ce matin de ciel bleu sur l’estuaire du Saint-Laurent. Thierry et Chloé, deux guides de Mer et monde écotours, ont donc décidé de commencer la journée en lui faisant face, histoire de profiter des bras frais du petit groupe de kayakistes d’un jour.

Dès la sortie de l’anse à la Cave, les vagues font danser les kayaks. Les bras chauffent. La journée s’annonce sportive.

Mais tout est oublié quelques instants plus tard quand un petit rorqual fait surface, à quelques mètres de l’une des embarcations, qui longent pourtant le rivage. « Il vient près des côtes pour piéger ses proies, explique Thierry. Avez-vous pu voir sa bouche ? »

Après avoir refait brièvement surface, la baleine de 5 ou 6 m de long plonge pour de bon. Et le bal des pagaies reprend.

Passé le cap de Bon-Désir, les kayaks se mettent à l’abri de la houle dans la batture à Théophile. L’eau est à peine assez profonde, mais la marée montante ouvre le passage jusqu’à la plage, là-bas, qu’il faut gagner à l’huile de bras pour le dîner. En chemin, nous croisons un phoque commun, qui voudra sans doute profiter de la marée haute pour se percher sur un rocher, croit Thierry.

PHOTO SIMON CHABOT, LA PRESSE

Un oursin fraîchement pêché prêt à être dégusté

Le guide a cueilli un oursin et propose dès l’arrivée sur la berge de déguster ses gonades orange, au fort goût iodé. La saveur unique de l’invertébré ne plaît pas à tous, mais tout le monde mangera à sa faim ; une boîte à lunch est fournie aux participants, qui se partagent ensuite une tarte aux framboises réchauffée sur le feu de camp. Qui dit mieux ?

Avant de rembarquer pour rentrer, Thierry y va d’une prédiction : « C’est le temps parfait pour voir des bélugas. » Comme de fait, une bande de baleines blanches vient peu après s’amuser non loin de nos kayaks, tandis que le vent de dos nous porte. Une conclusion parfaite pour cette excursion. « On ne garantit jamais les observations, précise Chloé, mais on voit pas mal toujours des baleines ! »

Une activité populaire

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Mer et monde propose notamment une excursion de kayak de mer d’une journée qui comprend une pause-repas, comme ici sur la plage de la batture à Théophile.

Mer et monde écotours a embauché 13 guides cet été. « C’est une de nos plus grosses années côté personnel, explique David Bédard, coordonnateur des opérations. On a subi une forte demande ces dernières années avec la pandémie, donc on a prévu le coup. »

La plupart des visiteurs optent pour une sortie d’une demi-journée, avec trois départs quotidiens aux Bergeronnes (et d’autres encore quand les marées le permettent dans la baie de Tadoussac). Certaines sorties se font aussi dès 5 h du matin, « avant que le vent se lève ». Ou le soir, pour observer le phénomène de bioluminescence du plancton.

La grande quantité d’organismes permet d’observer de beaux nuages de coloration dans l’eau. Par une nuit très sombre, on peut même voir un poisson traverser un banc de plancton comme une petite fusée.

David Bédard, coordonnateur des opérations pour Mer et monde écotours

Mer et monde commence également à tester ces jours-ci une excursion qui comprend une nuitée.

D’autres entreprises proposent des sorties dans le secteur. Parmi elles, Kayaks du Paradis et Tadoussac autrement, dans l’estuaire, de même que Fjord en kayak et Ferme 5 étoiles du côté du fjord du Saguenay. « Il y a amplement de place pour tout le monde », rassure David Bédard.

Et contrairement aux deux derniers étés, les visiteurs n’ont pas trop de mal à réserver une excursion à quelques jours d’avis.

Des mammifères au rendez-vous

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Un petit rorqual à l’embouchure du Saguenay, près de Tadoussac. Le début de saison a été riche en observations cette année.

La faune marine a été active tôt en saison dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, après une année exceptionnelle en 2021. En juin, des groupes de dizaines de bélugas ont été aperçus dans le secteur, dont des nouveau-nés. Lors de notre passage à la fin du mois, les marsouins s’en donnaient à cœur joie près des côtes à Essipit. Les rorquals à bosse sont aussi déjà bien présents.

« On a eu un départ hâtif, mais dans l’estuaire, on est revenus à une situation normale », constate Robert Michaud, président du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins à Tadoussac.

Difficile d’expliquer pourquoi le nombre d’observations varie ainsi, poursuit M. Michaud. Sauf pour les rorquals à bosse, une espèce connue pour ses sauts spectaculaires, dont la population mondiale est en croissance. « De 1983 à 1999, on n’avait qu’un seul rorqual à bosse dans l’estuaire, dit-il. Mais depuis quelques années, il y en a 30 ou 40 qui fréquentent le parc marin. L’an dernier, on en a eu 110. »

Ça promet pour la suite !

Consultez le site de Mer et monde écotours Suivez les observations de mammifères marins sur le site de Baleines en direct
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    Treize espèces de baleines fréquentent le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, dont le rorqual bleu, qui mesure jusqu’à 30 m et peut peser jusqu’à 170 tonnes, ce qui en fait le plus gros animal à n’avoir jamais habité la Terre.
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