(Puvirnituq) Des dizaines de chiens attelés à leur traîneau jappent et piétinent la surface gelée de la baie d’Hudson. Derrière leurs traîneaux, des mushers tiennent fermement les rênes et retiennent les bêtes en attendant le signal de départ de la course.
À 10 h tapantes, l’organisateur Inukpak Ittukallak pousse un grand cri, lançant le départ d’une course de traîneaux à chiens d’environ 22 km qui se tient dans le cadre du Snow Fest de Puvirnituq. Pour la première fois depuis 2019, cet évènement qui célèbre pendant une semaine la culture inuite a eu lieu à la mi-mars. La Presse y a assisté.
Le festival se tient normalement chaque année impaire. Il a dû être reporté l’an dernier à cause de la pandémie. Et cette année, le virus a contaminé de nombreuses personnes de la région en début d’année, menaçant une fois de plus sa tenue.
Mais quand les cas ont baissé en février, on a décidé de faire le Snow Fest. Normalement, on prend presque un an à tout planifier. Les organisateurs ont tout fait en un mois.
Paulusi Angyou, maire de Puvirnituq
Normalement, les habitants des six autres villages de la côte de la baie d’Hudson sont invités à participer à l’évènement. Mais cette année, seuls les résidants de Puvirnituq ont été invités pour limiter la propagation du virus.
Même si les participants étaient moins nombreux, l’ambiance était à la fête dans le village. La semaine de festivités a été lancée le 20 mars par un « feast », une sorte de grand banquet où de grandes nappes de papier brun sont étalées par terre dans le gymnase du village. De la nourriture traditionnelle y a été servie en grande quantité, comme du caribou, du phoque et de l’omble chevalier. Dans la salle, le maire Angyou se promenait en riant à travers les enfants qui couraient partout.
Igloos et sculptures de neige
Pendant ce temps, sur la banquise, les frères Jacusi et Inukpak Ittukallak sculptaient un imposant cube de neige. Munis d’un couteau et d’une pelle, ils façonnaient patiemment un homme portant deux sceaux d’eau sur un « kakautiit ». Mot-thème du Snow Fest, il s’agit d’un morceau de bois qu’on peut déposer sur ses épaules pour transporter de l’eau.
Très talentueux, les frères Ittukallak ne participaient pas au concours de sculpture de neige : ils en étaient les juges. Pendant trois jours, des participants sont venus façonner leurs blocs de neige. Comme Lisi Sivarapik, une dame âgée très concentrée sur son travail.
Inukpak Ittukallak explique que dans la culture inuite, on enseigne très tôt aux enfants à façonner la neige et la glace. Dans sa famille, la tradition est bien ancrée. Les frères Ittukallak ont participé à plusieurs concours dans le monde.
La dame constate que la popularité des compétitions de l’évènement, comme la construction d’igloos ou les courses de traîneaux à chiens, diminue depuis quelques années, même quand la COVID-19 ne joue pas les trouble-fête. « Les traditions se perdent un peu. C’est dommage », dit-elle.
Malgré une baisse de popularité de ses compétitions, le Snow Fest reste central dans la vie des habitants de Puvirnituq. Au point où les deux écoles du village font coïncider leur semaine de relâche avec l’évènement, au risque de voir leurs classes désertes.
Chaque soir, le gymnase était bondé de citoyens venus entendre les différents concerts de musique ou participer aux concours de danse. En sortant, certains chanceux ont pu apercevoir des aurores boréales impressionnantes. Le concours de construction d’igloos a aussi attiré bon nombre de curieux.
À la ligne de départ de la course de traîneaux à chiens, le 24 mars, les habitants étaient aussi nombreux à manifester leur enthousiasme ou à prendre part aux différentes activités. Comme un concours de lancer de balles de neige. Ou une course « sur les fesses ». Le tout, dans une ambiance bon enfant, où chaque participant, bien emmitouflé dans des vêtements chauds, se faisait un plaisir de célébrer l’hiver et la culture inuite.