(Cap-aux-Meules, Îles-de-la-Madeleine) Les véhicules à essence neufs disparaîtront du paysage canadien d’ici 2035. Est-il envisageable de faire la transition vers le tout-électrique sans transformer le moindre road trip en pèlerinage éprouvant ? Notre journaliste a profité de ses vacances aux Îles-de-la-Madeleine pour en faire le test.

Il n’y avait pas un chat à la borne de recharge de Saint-Jean-Port-Joli ni à celle de Moncton, au Nouveau-Brunswick. Et toujours personne en file d’attente dans la petite ville de Souris, à l’Île-du-Prince-Édouard. Recharger un véhicule électrique à l’une des nombreuses bornes rapides qui parsèment les 1300 km de route qui séparent Montréal du traversier de Cap-aux-Meules est tout sauf un défi de logistique.

Carrément impensable il y a tout juste deux ou trois ans, l’aventure est devenue, en fait, presque aussi banale qu’un trajet en véhicule à essence. Le déploiement fulgurant des bornes de recharge rapide partout au pays y est pour beaucoup.

PHOTO TRISTAN PÉLOQUIN, LA PRESSE

À Dégelis, dans le Bas-Saint-Laurent, la borne rapide du Circuit électrique se trouve au bout du stationnement d’un poste d’essence, comme c’est souvent le cas avec les bornes de recharge rapide.

Au Québec, le réseau de bornes publiques payantes du Circuit électrique, exploité par Hydro-Québec, compte maintenant près de 450 de ces bornes de 50 kW, capables de recharger la plupart des véhicules électriques à 80 % de leur charge en environ 1 heure (12,08 $ par heure de chargement). La société d’État compte en ajouter environ 160 par année dans la province dans les prochaines années, précise le porte-parole d’Hydro-Québec, Louis-Olivier Batty.

« Leur nombre a vraiment explosé ces dernières années, confirme Jesse Caron, expert automobile à CAA-Québec. On en trouve au maximum tous les 100 km. »

Ces bornes rapides sont rarement utilisées toutes en même temps. Mais il faut se garder une marge de manœuvre. Le secret est de planifier son itinéraire.

Jesse Caron, de CAA-Québec

Partis de Montréal à bord d’une Chevrolet Bolt dotée d’une autonomie tout électrique de 385 km, avec trois enfants à bord et un coffre arrière bourré de bagages, nous avons franchi la route en à peine plus de temps que nous l’aurions fait avec une voiture ordinaire. Au total, le trajet aura nécessité quatre arrêts d’environ une heure à des bornes rapides pour recharger le véhicule à 80 % de sa capacité, plus trois arrêts de moins de 30 minutes, question de se donner un peu de marge de manœuvre jusqu’au prochain arrêt-repas.

Coût énergétique du voyage : 67,14 $, taxes incluses, pour 4 h 41 min de branchement à des bornes rapides. Par comparaison, une voiture compacte à essence qui consommerait 7 L aux 100 km utiliserait pour 124,67 $ d’essence (à 1,372 $/L) pour le même déplacement.

Trouver ces bornes est extrêmement simple. Plusieurs applications pour téléphone intelligent affichent sur une carte, en temps réel, celles qui sont disponibles à proximité, et celles qui sont en cours d’utilisation. L’application de Circuit électrique propose même un itinéraire suggérant où faire les arrêts, et pendant combien de minutes s’y arrêter. Le planificateur tient compte du modèle de véhicule utilisé, du niveau de charge de la batterie, mais aussi du dénivelé de la route, des conditions routières et de la surcharge de poids transportée. Il s’est avéré étonnamment précis tout au long du voyage.

  • L’interface des bornes de recharge rapide est plutôt simple d’utilisation, mais nécessite d’installer l’application de Circuit électrique, qui est compatible avec le réseau de bornes Flo.

    PHOTO TRISTAN PÉLOQUIN, LA PRESSE

    L’interface des bornes de recharge rapide est plutôt simple d’utilisation, mais nécessite d’installer l’application de Circuit électrique, qui est compatible avec le réseau de bornes Flo.

  • Le réseau de bornes publiques payantes du Circuit électrique, exploité par Hydro-Québec, compte maintenant près de 450 de ces bornes de 50 kW.

    PHOTO TRISTAN PÉLOQUIN, LA PRESSE

    Le réseau de bornes publiques payantes du Circuit électrique, exploité par Hydro-Québec, compte maintenant près de 450 de ces bornes de 50 kW.

  • Les bornes de recharge rapide peuvent charger au-delà de 80 %, mais la vitesse de chargement ralentit considérablement au-delà de cette limite, afin d’éviter de dégrader la batterie par la surchauffe.

    PHOTO TRISTAN PÉLOQUIN, LA PRESSE

    Les bornes de recharge rapide peuvent charger au-delà de 80 %, mais la vitesse de chargement ralentit considérablement au-delà de cette limite, afin d’éviter de dégrader la batterie par la surchauffe.

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L’application, qui sert à activer et à payer pour les recharges, permet aussi de trouver et d’utiliser les bornes du réseau Flo (14 $ par heure de chargement), exploitées par l’entreprise de Québec AddÉnergie, très présentes en Ontario, dans les provinces maritimes et aux États-Unis.

Dès qu’on sort du Québec, le logiciel de Circuit électrique devient toutefois moins utile. Les applications gratuites ChargeHub (un produit québécois) et Plugshare sont beaucoup plus efficaces pour afficher les bornes publiques, notamment celles des stations-service de Petro-Canada, qui sont très nombreuses à offrir des bornes rapides (15 $ l’heure).

Stations généralement moches

PHOTO TRISTAN PÉLOQUIN, LA PRESSE

À Borden, à l’Île-du-Prince-Édouard, tout juste en descendant du pont de la Confédération, il suffit de faire un plein rapide de 20 ou 25 minutes pour se rendre confortablement au traversier de Souris, à l’extrémité est de la province, avec une bonne marge de manœuvre pour rouler aux Îles-de-la-Madeleine.

Il faut le reconnaître, les stations de chargement sont, dans la plupart des cas, loin d’être des endroits bucoliques. Elles sont généralement disposées au bout des stationnements bétonnés des stations d’essence, offrant peu ou pas d’ombrage pour garder l’auto fraîche pendant la recharge (heureusement, on peut faire fonctionner la climatisation sans tirer d’énergie de la batterie pendant l’opération).

Dans le meilleur des cas, une table à pique-nique invite à s’arrêter pour un repas ou une collation. Avis aux gourmets : les restaurants des alentours ne figurent assurément pas dans le Guide Michelin. Aux abords des autoroutes, c’est la malbouffe qui règne en maître… au grand bonheur des enfants.

Même en pleine période des vacances de la construction, les bornes rapides que nous avons utilisées étaient toutes libres à notre arrivée. Nous n’avons eu aucune difficulté à les faire fonctionner, sauf à l’Île-du-Prince-Édouard, où notre téléphone cellulaire n’arrivait pas à se connecter à l’internet mobile pour autoriser la recharge. L’employé de la station-service nous a toutefois gentiment permis d’utiliser le WiFi du commerce pour démarrer l’opération.

PHOTO TRISTAN PÉLOQUIN, LA PRESSE

Dans l’île du Havre Aubert, aux Îles-de-la-Madeleine, une borne de recharge gratuite du réseau Flo offre une vue spectaculaire sur l’océan.

Croisé avec sa Tesla sur le quai de Souris, où le traversier transporte les voyageurs jusqu’à Cap-aux-Meules, Alain Bourdages a décrit une expérience tout à fait semblable à la nôtre. « C’était mon premier voyage sur une aussi grande distance. Je me suis arrêté cinq ou six fois à coups de 20 ou 25 minutes pour recharger. Aucune des prises n’était occupée. Ç’a été une expérience très agréable », a-t-il dit.

Une fois rendus sur l’archipel, nous avons même trouvé une borne publique de 7,4 kW — complètement gratuite — offrant une vue plongeante sur l’océan et les collines verdoyantes de Havre-Aubert… la seule un peu plus occupée que les autres.

Départ de Montréal

ILLUSTRATION JULIEN CHUNG, LA PRESSE

Batterie chargée à 100 %

1er arrêt : Lévis (Circuit électrique)

Durée : 16 minutes

Coût : 3,20 $

2e arrêt : Saint-Jean-Port-Joli (Circuit électrique)

Durée : 41 minutes

Coût : 8,28 $

3e arrêt : Dégelis (Circuit électrique)

Durée : 58 minutes

Coût : 11,68 $

4e arrêt : Meductic, Nouveau-Brunswick (Petro-Canada)

Durée : 65 minutes

Coût : 16,06 $

5e arrêt : Moncton, Nouveau-Brunswick (Petro-Canada)

Durée : 68 minutes

Coût 16,76 $

6e arrêt : Borden, Île-du-Prince-Édouard (Flo)

Durée : 24 minutes

Coût : 8,05 $

7e arrêt : Souris, Île-du-Prince-Édouard (Flo)

Durée : 9 minutes

Coût : 3,11 $