Quand la situation sanitaire le permettra et que la frontière entre le Québec et l’Ontario rouvrira, les amoureux des grands espaces pourront à nouveau joindre la baie Georgienne par la route. La Presse a navigué entre ses îles l’été dernier. Récit d’un séjour en pleine nature… petites et grosses bêtes incluses.

La mer semble s’étirer à l’infini sous un ciel pratiquement sans nuages. Le kayak s’avance doucement vers une petite île, à peine un affleurement rocheux où subsistent bravement des pins blancs, inclinés à force de se faire battre par des vents fréquents.

Mais y aura-t-il une source d’eau douce dans l’îlot pour permettre un séjour en camping sauvage ?

Heureusement, avant même d’ouvrir la bouche, de poser la question à la ronde et de se couvrir de ridicule, la kayakiste se rappelle qu’elle vogue sur un énorme bassin d’eau douce, la baie Georgienne, située à l’est du lac Huron. Samuel de Champlain lui avait d’ailleurs donné le nom de « mer douce » lors de son séjour en 1615-1616.

PHOTO MARIE TISON, LA PRESSE

Un vison circonspect

Les glaciers ont consciencieusement raboté tout ce qu’ils pouvaient raboter, laissant derrière ces affleurements rocheux typiques, ces dalles de pierre bien poncées où il fait bon marcher pieds nus. Ces affleurements forment maintenant des dizaines de milliers d’îles et d’îlots, ils créent de véritables labyrinthes où d’étroits passages aboutissent dans des culs-de-sac ou débouchent sur de petites baies tranquilles où s’activent de sympathiques visons aux petits yeux brillants.

La région a inspiré les peintres du Groupe des Sept, qui ont immortalisé ces paysages singuliers.

Elle a aussi inspiré les canoteurs et kayakistes, qui campent sur une île, puis sur une autre, à la recherche de tranquillité.

Un nouveau parc d’éoliennes, immense, a toutefois fait son apparition dans la région. Il s’agit d’un projet réalisé conjointement avec la communauté autochtone d’Henvey Inlet. Les éoliennes dominent le paysage, ce qui peut être un peu désolant pour ceux qui recherchent la grande nature. Il y a une consolation : elles devraient être démontées après 20 ans de bons et loyaux services, soit un peu avant 2040.

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Les paysages sont dignes des tableaux du Groupe des Sept.

On peut mettre les embarcations à l’eau à divers endroits, comme Bayfield Inlet, Britt, Key River, Hartley Bay ou Killarney. On peut faire une boucle de quelques jours ou une traversée. Plusieurs de ces points de départ, comme Britt et Key River, impliquent un peu de navigation sur de tranquilles plans d’eau avant de déboucher sur la baie Georgienne elle-même. Ça peut être un bon moment pour initier les pagayeurs moins expérimentés.

La baie, c’est comme la mer : celle-ci peut être calme, mais elle peut aussi être très agitée. Avec le vent, les vagues peuvent rapidement devenir impressionnantes. Parfois, il faut faire preuve de patience et attendre le retour d’un temps un peu plus calme avant de s’élancer sur les flots.

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Les campements se montent souvent sur les grandes dalles de granit typiques de la baie Georgienne.

Camper sur les rochers

Certaines îles sont plus éloignées que d’autres et nécessitent quelques heures de navigation. L’accostage est d’autant plus apprécié. Il faut maintenant voir à monter le camp (avant ou après une petite baignade, au choix de chacun).

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Le temps peut être variable sur les îles de la baie Georgienne.

Le plus simple, c’est de monter sa tente sur les dalles de pierre en la maintenant bien en place à l’aide de grosses roches. Ça ne semble pas très confortable ? Avec un bon matelas autogonflant et en choisissant les dalles les plus uniformes, c’est plutôt agréable. En outre, ces dalles emmagasinent la chaleur du soleil toute la journée. Même en milieu de nuit, le sol reste bien chaud sous la tente, un plaisir lorsque la température baisse un peu à l’extérieur.

Lorsqu’il fait beau, on peut laisser la porte du vestibule ouverte et regarder les milliers d’étoiles qui forment la Voie lactée.

Les plus ambitieux peuvent se réveiller tôt et aller du côté est de l’île pour assister à un lever de soleil. Les autres se sont contentés du coucher de soleil, la veille, du côté ouest de l’île. C’est quand même bien d’avoir le choix.

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Le lever ou le coucher de soleil ? C’est au choix.

Les îles et leurs habitants

Il y a quand même un peu de bruit dans la nuit. On entend de petits pas, de petits mammifères sûrement mignons qui se promènent ici et là. Ce sont les gros mammifères qui inquiètent. Parce qu’il peut y avoir des ours ici, attirés notamment par les bleuets et les mûres qui prolifèrent dans certaines îles. Justement, il y a une trace qui ne ment pas près d’un des campements : un excrément plein de baies. Heureusement, le responsable de la chose ne revient pas dans les parages.

Il pourrait y avoir un autre visiteur intempestif : le crotale massasauga de l’Est, un serpent à sonnette venimeux. Heureusement, il est plutôt timide et ne recherche pas la compagnie des humains. Il faut quand même garder l’œil ouvert. Cela dit, il est beaucoup plus fréquent de voir des couleuvres bien inoffensives qui vaquent à leurs occupations.

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Un huard s’ébroue devant un conjoint moyennement impressionné.

On entend d’autres bruits dans la nuit : le huard qui ioule, le grillon qui stridule. Et l’eau de la baie qui clapote sur le rocher. Euh, et ce gros éclaboussement soudain ? Comme quelque chose de gros qui émerge de l’eau ? Et ce gros grognement ? Suivi d’une sorte de petit bêlement ? Une maman et son bébé... mais quelle sorte de maman ? Une grosse maman à fourrure noire ? Pas question d’ouvrir la porte de la tente pour aller vérifier dans la nuit. Il a commencé à pleuvoir doucement : il ne sera pas possible non plus de trouver les traces du duo, qui demeurera à jamais mystérieux.

L’agence québécoise Karavaniers, qui se spécialisait dans les voyages d’aventure à l’étranger, a commencé à offrir un forfait de kayak-camping à partir de Britt en 2020 lorsque la pandémie de COVID-19 a mis fin aux voyages internationaux. Le forfait est rapidement devenu très populaire et Karavaniers l’a ramené pour la saison 2021.

Les recommandations de la Santé publique étant appelées à changer rapidement et à varier selon les régions du Canada, il est important de s’informer sur les règles en vigueur avant de planifier tout déplacement.

Consultez le site de Karavaniers