En général, septembre et octobre sont des mois fort occupés pour les stations de ski, avec les bazars d’équipements, les ventes d’abonnements et le dévoilement des nouveautés. COVID-19 oblige, 2020 fait figure d’exception, et la fébrilité normalement observée à cette période de l’année a cédé la place à beaucoup de points d’interrogation.

Devra-t-on porter le masque dans les télésièges (ou est-ce que le bon vieux cache-cou suffira ?) Les espaces communs, comme les chalets, seront-ils accessibles à tous ou faudra-t-il payer un supplément pour pouvoir s’y réchauffer ? Qu’en sera-t-il des cours de groupe ? De la location d’équipement ?

Autant de questions toujours sans réponse, puisque le plan sanitaire déposé le 21 juillet par l’Association des stations de ski du Québec (ASSQ) est toujours en attente d’un feu vert de la Santé publique. Ce plan permettra de baliser le retour des skieurs sur les pentes en définissant les mesures sanitaires imposées aux stations.

À l’ASSQ, le président-directeur général, Yves Juneau, dit travailler étroitement avec « la Santé publique et les différents ministères impliqués pour mettre en place toutes les mesures de sécurité sanitaires nécessaires au bon déroulement de la prochaine saison de ski ». « Nos échanges sont fructueux, les travaux vont bon train et le guide est présentement en phase finale. Nous attendons les dernières confirmations avant de donner plus de détails au sujet des mesures qui seront appliquées étant donné que la gestion de la pandémie continue d’évoluer de jour en jour », a déclaré M. Juneau dans un communiqué.

Or, certains observateurs interrogés par La Presse craignent que le passé soit garant de l’avenir et que le plan sanitaire ne soit pas approuvé de sitôt. Ils rappellent que le plan sanitaire des parcs aquatiques a été approuvé à la fin de juin et celui régissant les terrains de camping, à la fin de mai. L’industrie du ski sera-t-elle fixée sur son sort avant la première neige ?

Il le faudrait, dit Maxime Legros, directeur général du groupe Val-Saint-Côme. « Le budget accordé au ski alpin par les familles se décide en septembre ou octobre, pas en décembre, alors que les budgets sont davantage tournés vers les cadeaux de Noël. Au moins, on sait qu’il y aura une saison de ski, le gouvernement nous l’a confirmé, mais on ne connaît pas tous les détails finaux. Par contre, c’est important de rassurer la clientèle dès maintenant. Les gens se posent beaucoup de questions. »

Des abonnés privilégiés

C’est dans ces conditions difficiles que les stations tentent d’inciter la clientèle à acheter un abonnement pour la saison à venir, mais certains skieurs préfèrent en savoir plus avant de s’engager. Et ce, même si les stations de ski offrent une garantie de remboursement ou la possibilité de reporter l’abonnement pour l’hiver suivant. Certaines stations ont donc décidé de dévoiler leurs couleurs plus tôt que tard, quitte à changer leurs politiques une fois le guide sanitaire approuvé.

Or, une grande tendance se dessine auprès de plusieurs de ces stations : les abonnés seront privilégiés. C’est le cas au Massif de Charlevoix, à Bromont, à Gleason et à Tremblant, qui ont tous annoncé que les détenteurs d’abonnements saisonniers — voire ceux qui louent des hébergements sur le territoire — seraient privilégiés si l’achalandage sur les pistes devait être contrôlé pendant la pandémie, ce qui risque fort d’arriver.

Résultat : les billets journaliers seront vendus en nombre limité. Ils devront être achetés en ligne pour limiter les contacts et fort probablement à l’avance, pour des blocs d’heures précises. Si ces mesures se confirment dans le plan sanitaire de la Santé publique, il faudra dire adieu à l’improvisation et à la spontanéité. Ces journées de congé imprévues qui tombaient, ô surprise, par jour de tempête se feront rarissimes cet hiver…

Plusieurs stations ont aussi déjà prévenu les skieurs que, cette année, les effets personnels (comme les bottes d’hiver) ne pourront être laissés dans les chalets. Il faudra sans doute nous résoudre à enfiler nos bottes de ski dans notre véhicule en arrivant. Quant à la gestion des remontées mécaniques en période de distanciation physique, divers scénarios circulent (une personne à chaque extrémité du siège, une remontée par famille, etc.), mais rien n’est confirmé pour l’instant.

« Une chose est certaine : la saison qui vient ne sera pas un copier-coller des saisons passées », dit le chroniqueur de ski Roger Laroche.

Une réduction des services ?

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Le début de la saison de ski pour l’hiver 2020 avait été prometteur. Les skieurs étaient nombreux en ce 7 février 2020 à la station Bromont.

Il semble aussi fort probable que les stations réduisent les services offerts cet hiver. Au Massif de Charlevoix, on a déjà prévu que les mardis et mercredis, un seul télésiège sera en fonction et qu’il n’y aura pas de location d’équipement ni de plats chauds à la cafétéria… Du côté de Bromont, on indique aussi que l’offre alimentaire sera révisée « pour simplifier le service et éviter la manipulation d’ustensiles par la clientèle ». Les haltes-garderies seront pour la plupart fermées, si on se fie aux stations qui ont déjà dévoilé une partie de leurs mesures sanitaires.

Quant aux places disponibles dans les chalets, certaines stations envisagent d’ajouter des espaces extérieurs, voire de louer des roulottes de chantier pour permettre à plus de skieurs de se réchauffer. C’est le cas à Val-Saint-Côme, où quatre roulottes viennent s’ajouter pour l’hiver ; les grandes salles du chalet seront quant à elles subdivisées pour accueillir plus de monde tout en respectant la distanciation physique.

En ce qui concerne les écoles de glisse, il y a fort à parier que la formule des cours de groupe sera chamboulée par les mesures sanitaires. À la station Le Relais, à Lac-Beauport, on a déjà annoncé l’annulation des cours de groupe et la bonification des cours privés et semi-privés.

Quant au reste des décisions que devra prendre le gouvernement, notamment concernant le ratio de skieurs admissible sur le domaine skiable, plusieurs s’interrogent sur la façon dont le calcul sera fait. « Est-ce qu’on tiendra compte du nombre de personnes qui utilisent les remontées à l’heure ? De la superficie du domaine skiable ? Au Québec, chaque montagne est unique, avec des terrains de jeux très différents, rappelle Maxime Legros. Je m’interroge aussi à savoir s’il y aura une aide financière pour nous aider à passer à travers toutes ces contraintes… »

Évidemment, personne ne sait exactement de quoi l’avenir sera fait et la situation pourrait être appelée à changer en fonction de l’évolution de la pandémie. Il nous reste à croiser les doigts en espérant que les astres, pandémiques et météorologiques, s’alignent pour le mieux cet hiver. Les skieurs — et les stations — en auraient bien besoin.