Ce n’est pas parce qu’on ne peut pas voyager qu’on ne peut pas réfléchir à comment on le fera après la pandémie. À l’approche du Jour de la Terre, quatre figures écologistes du Québec nous dévoilent leurs coups de cœur et envies pour partir en vacances sans prendre l’avion afin de ménager la planète. Dépaysement garanti, surtout après plusieurs semaines de confinement obligatoire.

La réserve faunique de La Vérendrye

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Vue de la réserve faunique de La Vérendrye

Colleen Thorpe, directrice générale d’Équiterre

Avant même d’avoir entraperçu le moindre félin, un safari en Afrique aura ajouté au minimum quatre tonnes de gaz à effet de serre à votre bilan annuel. C’est 30 % des émissions émises par un Canadien en moyenne chaque année. Alors au lieu de traquer le roi de la jungle, Colleen Thorpe recommande plutôt aux Québécois de traquer le roi des forêts boréales : l’orignal, au gré d’un voyage de canot-camping dans la réserve faunique de La Vérendrye. « C’est une destination bleue par excellence, en raison de son caractère local (proximité relative de Montréal, à trois heures de route), de ses bleuets et de ses magnifiques lacs. » 

« Cette réserve me rappelle mon enfance dans le nord de l’Ontario. La topographie et la végétation y sont semblables : des plans d’eau à l’infini et la possibilité de naviguer pendant des jours sans voir un chat… mais peut-être un orignal avec un peu de chance ! » 

« Un voyage n’est jamais sans impact, rappelle-t-elle. Mais on peut les amoindrir grandement selon la destination et l’hébergement. » D’où sa prédilection pour le camping, à condition qu’il soit aussi « sans déchet et avec des produits locaux » de préférence (d’ailleurs, pourquoi ne pas en profiter pour faire un détour par les Miels d’Anicet à Ferme-Neuve, et faire provision de miels biologiques ?). Parce que voyager, c’est aussi s’instruire : « Ce territoire peut nous sensibiliser aux enjeux liés aux droits des autochtones et à la protection des milieux naturels. La Nation algonquine Anishinabe n’a jamais cédé le territoire et demande au gouvernement du Québec d’y imposer un moratoire sur la chasse à l’orignal en 2020. » 

Notez que plusieurs parcours faciles sont proposés pour les familles.

> Consultez le site des Miels d’Anicet : https://mielsdanicet.com/fr-ca/

> Consultez le site de la réserve faunique de La Vérendrye : https://www.sepaq.com/famille/destinations/reserve-faunique-verendrye.dot

Les Îles-de-la-Madeleine

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Un incontournable à voir au moins une fois dans sa vie : les Îles-de-la-Madeleine.

Laure Waridel, cofondatrice d’Équiterre et autrice du livre La transition, c’est maintenant

C’est un incontournable à voir au moins une fois dans sa vie : les Îles-de-la-Madeleine. Laure Waridel le sait. Et elle s’étonne encore de ne jamais y avoir mis les pieds, alors qu’elle a pourtant bien bourlingué ailleurs. « J’ai beaucoup voyagé en Gaspésie, dans le Bas-du-Fleuve, mais je ne suis jamais allée jusque-là. »

Les plages magnifiques l’attirent, on s’en doute bien. Les randonnées aussi. Mais « c’est aussi un endroit intéressant parce qu’on y voit directement les effets des changements climatiques », avec l’érosion constante, centimètre par centimètre, été après été, du littoral.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Laure Waridel

Les Îles étant ce qu’elles sont — il faut s’y prendre des mois d’avance pour avoir une place sur le traversier et un hébergement pendant la période estivale —, elle a déjà réfléchi à d’autres options pour son premier voyage post-COVID : elle souhaite visiter la communauté de Wendake, dormir à l’hôtel-musée des Premières Nations, goûter à la gastronomie autochtone, visiter le musée Huron-Wendat, etc. « Quand on va en Europe, on veut découvrir la culture des régions qu’on visite. Moi, je voudrais mieux découvrir, comprendre les réalités autochtones d’ici. »

> Lisez l’article de La Presse

« Je peux comprendre que les gens se sentent moins en vacances quand ils restent au Québec, mais il faut être conscients des conséquences de nos gestes », dit-elle, espérant que lorsque les voyages recommenceront, la population réfléchira davantage à l’impact sur l’environnement des voyages à l’étranger. Elle y va d’un conseil pour orienter ses choix : « Regardez où les Européens vont au Québec. Il y a des trésors près de nous qu’on ne visite pas et pour lesquels d’autres sont prêts à prendre l’avion. »

> Consultez le site de Tourisme Wendake : https://tourismewendake.ca/

Les îles de Sorel

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Balade sur l’eau dans les îles de Sorel

Dominic Champagne, corédacteur du Pacte pour la transition

Dominic Champagne le reconnaît : il a beaucoup, beaucoup, beaucoup pris l’avion, bien plus que ne le feront la plupart des habitants de la planète. Il a vu l’Asie, l’Amérique du Sud, l’Europe de fond en comble et malgré tout, il y a deux ans, il dressait encore une longue liste des destinations qu’il rêvait de voir au moins une fois dans sa vie… qu’il a mise de côté indéfiniment après avoir lancé Le Pacte pour la transition. 

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Dominic Champagne

« Je ne dis pas que ne prendrai plus jamais l’avion, mais c’est sûr que j’aurai des deuils à faire, je n’irai pas partout », dit-il. Il n’a pas pris l’avion l’été dernier, ne l’aurait pas fait l’été prochain même sans coronavirus. Et sa destination coup de cœur du moment n’est qu’à quelques dizaines de kilomètres de Montréal… et éminemment surprenante : les îles de Sorel ! « C’est l’endroit typique qu’on voit sans voir, qu’on pense connaître sans y être jamais allé. Ça ressemble un peu aux bayous : c’est un monde en soi », vante celui qui a grandi tout près. L’archipel compte une centaine de lopins de terre, encerclés de marais, de chenaux et de baies que l’on peut explorer en kayak, au fil de l’eau, ou en bateau si les muscles ne suivent plus. Les abords du lac Saint-Pierre sont particulièrement réputés pour l’observation d’oiseaux. « Après, toute la route jusqu’à Tadoussac est magnifique, ajoute-t-il. Ce n’est pas très loin, et on a accès là-bas à un dépaysement, une simplicité, à l’Histoire, à un émerveillement… On peut s’arrêter à Trois-Pistoles, à l’île aux Lièvres, à L’Isle-aux-Coudres : un peu partout on retrouvera un art de vivre exceptionnel. Le fleuve est à découvrir sous toutes ses formes : on a un maudit beau pays. »

Sainte-Rose-du-Nord

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Vue de Sainte-Rose-du-Nord, sur la rive nord du Saguenay

Karel Mayrand, directeur général Québec et Atlantique de la Fondation David Suzuki

Karel Mayrand devait partir au Portugal l’été prochain avec sa famille. Paradoxal, pour un écologiste ? « C’est la première fois en neuf ans qu’on devait prendre l’avion pour des vacances », précise-t-il, plus enclin à la formule « le moins souvent possible » que « jamais ». Déçu, il n’est pas abattu. Loin de là. « Ce sera peut-être enfin l’occasion pour nous d’aller aux Îles-de-la-Madeleine », dit-il (lui aussi). Ou de retourner dans l’un de ses coins du globe favori : Sainte-Rose-du-Nord, sur la rive nord du Saguenay. « Je l’appelle la Suisse du Québec. Le village est au bord du fjord, à flanc de montagne, c’est vraiment magnifique. On peut y faire du kayak de mer, un peu de randonnée. Louer un chalet et passer du très bon temps en famille. » En y allant, il ferait bien un détour par Le Bic, pour la simple et bonne raison que « c’est vraiment là qu’on verra les plus beaux couchers de soleil au monde ». Il suggère de prendre ensuite le traversier vers la rive nord du fleuve — « tout est tellement beau le long du Saint-Laurent » — avant de monter vers le Saguenay. 

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Karel Mayrand

Bien sûr, ce kilométrage libérera des gaz à effet de serre. « Mais je roule en voiture hybride et je pourrai racheter des crédits carbone », dit-il. Et voyager vert ne se limite pas à limiter ses déplacements. Il faut aussi penser aux déchets qu’on génère, rappelle-t-il. Veiller, comme en temps normal, à les limiter le plus possible. « Si on arrête toujours dans un service de restauration pour emporter, avec des emballages uniques et qu’on ne recycle pas, ça ne va pas », résume-t-il. On prévoit de la vaisselle réutilisable avant de partir, un sac pour le recyclage dans la voiture pour traîner jusqu’au point de chute approprié ses déchets et on achète la quantité suffisante de nourriture, sans plus, pour éviter d’engraisser plus qu’il n’en faut le sac de poubelle. 

« On ne le réalise pas toujours, mais on fait beaucoup d’activités à fort impact [sur l’environnement] quand on est en vacances, alors que ce n’est pas nécessaire. » N’y a-t-il pas de meilleur moyen de découvrir une ville qu’en s’y promenant à pied ? La réponse de Karel Mayrand est claire : non. Et en ces temps de crise financière, ce sera en prime meilleur pour le portefeuille.