(Nelson, Colombie-Britannique) Whitewater est un endroit reculé, très reculé dans les Rocheuses. Quand on arrive enfin à la station de ski après un vol d’avion, une escale à l’aéroport et un trajet sinueux en autobus, le décor donne l’impression de faire un retour en arrière. Ici, les skieurs descendent les cheveux dans le vent, avec leur habit de neige des années 70, et montent dans un télésiège qui semble tout droit sorti d’un musée du ski. Ce look vieillot, c’est exactement ce qui fait le charme de cette station de la Colombie-Britannique.

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Plus de la moitié des pistes de Whitewater sont considérées comme des diamants ou des double diamants.

Il y a cinq ans, Vincent Deslauriers s’est installé à Nelson pour que sa copine puisse poursuivre des études en art thérapie. Le couple originaire de Québec a eu un premier enfant, puis un deuxième, dans cette petite ville reconnue pour ses sports de plein air, sa scène culturelle et… ses champs de pot.

Pour se rendre dans cette communauté située près de la frontière de l’État de Washington, il n’y a aucune autoroute. Puis, pour franchir la distance entre le village et la station de ski, une bonne partie de la route est faite de terre, de trous et de bosses. « Ça prend une raison pour arriver ici », dit Vincent, qui profite du soleil pour tenter d’endormir son bébé pendant que ses amis sont en ski.

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Ça donne une vibe à la station de ski. C’est super familial et communautaire. Tout le monde se salue, tout le monde s’habille comme bon lui semble, personne ne se juge. Si tu as envie de porter des paillettes pour skier, personne ne va te dévisager.

Vincent Deslauriers

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Quand Rob Leland est arrivé à Whitewater pour se joindre à l’équipe de patrouilleurs, l’Albertain a lui aussi été surpris par l’atmosphère qui règne à la montagne. Que l’on croise un athlète des X Games ou une vedette du cinéma, tous n’ont qu’une chose en tête : avoir du plaisir !

« Whitewater est tellement sans prétention. Tout le monde est juste content d’avoir du fun. Comparé à toutes les stations de ski que j’ai visitées, je trouve que c’est ici que les skieurs ont la plus grande humilité », dit le trentenaire, qui profite d’une journée de congé pour skier, sa longue tignasse rousse dans le vent.

Assis devant sa grosse poutine, Rob nous parle en contemplant le paysage. Nous sommes entourés de montagnes comme si l’on se trouvait au fond d’un entonnoir. Et ce qui est particulier, c’est que tout ce que l’on voit est skiable, en pistes ou en hors-piste.

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Peter Velisek a déménagé à Nelson quand il avait 3 ans. 

Peter Velisek compare Whitewater à une version miniature des Alpes françaises. « Ce n’est pas énorme, mais c’est un véritable bijou. Les pistes ont une pente accentuée, donc il faut y skier de manière agressive, et c’est aussi très facile de se rendre dans les secteurs assez incroyables de hors-piste. C’est pour ça que la montagne produit d’aussi bons skieurs », explique celui qui fréquente Whitewater depuis qu’il est haut comme trois pommes.

Jamais comme Whistler !

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Patsy Wright a 70 ans. Elle s’ennuie de l’époque où Whitewater n’était connue que des gens de Nelson.

Patsy Wright est aussi née à Nelson. La dame, âgée de 70 ans, fait partie de ceux qui ont défriché la montagne dans les années 70. Patsy, comme beaucoup d’autres de sa génération, s’ennuie d’une époque pas si lointaine où la station de ski Whitewater n’était connue que des locaux.

« Quand le magazine Powder a décrété que Whitewater recevait la neige la plus belle [en 2012], dès le lendemain, il y avait trois gros autobus voyageurs dans le stationnement », dit la dame, manifestement dérangée par cet intérêt soudain pour sa station.

Son ami « Rocky » McCutcheon s’ennuie quant à lui du temps où il n’y avait jamais de file aux télésièges. Il est aussi nostalgique des « Kookeney Hugs » ! Parce qu’à Nelson, personne ne se fait la bise ; on se fait des accolades ! « C’était comme un club de ski. Tout le monde se connaissait. C’était véritablement la place pour la poudreuse », raconte-t-il entre deux lampées de bière Clamato.

« Mais ce n’est plus ce que c’était », proteste aussitôt Patsy.

La génération plus jeune se montre plus ouverte à ce que Whitewater grossisse, pourvu que cela se fasse de manière réfléchie. Le cauchemar des skieurs de Nelson, autant les jeunes que les aînés, c’est que leur station devienne un deuxième Whistler de la Colombie-Britannique.

Peter Velisek, un trentenaire, fait partie de ceux qui tiennent des propos plus modérés. Oui, il y a parfois des files d’attente aux télésièges, mais celles-ci ne sont jamais très longues, dit-il. Puis, si la neige fraîche dure moins longtemps que lorsqu’il était petit, ce n’est pas uniquement la faute aux touristes, croit-il. Celui qui a entraîné l’équipe d’élite de Whitewater est plutôt d’avis que c’est les skis à spatules larges qui ont contribué à rendre la poudreuse plus accessible.

« Tout le monde a le droit de skier, déclare-t-il. On ne peut pas s’offusquer parce que des gens aiment notre station. Être dans les montagnes, ça procure un bien-être. Tout le monde devrait avoir le droit d’expérimenter ce sentiment. »

En chiffres

12 m

précipitations moyennes de neige

623 m 

dénivelé

Où skier ?

Les skieurs émérites de Whitewater sont très, très protecteurs de leurs secteurs de ski préférés. Personne ne veut révéler son secret. À force d’insister, nous avons quand même réussi à tirer les vers du nez à quelques skieurs. Voici leurs terrains de prédilection. Mais chut, ça reste entre nous…

Glory Tree

« Quand il y a une tempête de neige, ça ne sert à rien de faire du ski de randonnée. Il y a en masse de neige dans les limites de la station », affirme Peter Velisek. Celui qui a entraîné l’équipe d’élite de Whitewater se tient alors dans les sous-bois, à droite (quand on monte) de la remontée Glory Ridge. Bon nombre de skieurs nous ont aussi mentionné qu’il s’agit de leur endroit préféré après une tempête.

Ymir Bowl

Patsy Wright est assurément l’une des skieuses qui connaissent le mieux Whitewater puisqu’elle est née à Nelson et a participé à défricher la montagne quand elle était jeune. Aujourd’hui, rien n’arrête la dame de plus de 70 ans, pas même porter ses skis sur ses épaules pour atteindre des sommets inexplorés. L’endroit où vous risquez de la croiser ? Dans la cuvette Ymir. « Mais c’est une bonne marche de deux heures pour se rendre là », souligne son ami « Rocky »  McCutcheon.

Hummer Trees

Rob Leland aime beaucoup le secteur Terra Ratta, un sous-bois double losange à droite (en montant) du télésiège Summit. « C’est super à pic et il y a des tonnes de pitchs. » D’accord, mais quel est ton véritable secteur préféré, Rob ? Le jeune homme à la veste en denim grimace de torture. « Dans les arbres de Hummer, c’est en dehors des limites de la station, mais c’est super facile d’accès. Et, on a souvent de la poudreuse par-dessus la tête. »

Ou ailleurs…

Par l’allure et le sourire narquois de « Skinny » Jimmy Donald, on suppose que la Bible n’est pas sa lecture de chevet. Malgré tout, il n’hésite pas à remercier Dieu pour toute la neige que la station reçoit chaque hiver. « Toute cette poudre vient de Dieu. Il l’envoie ici, dans notre bled, pour nous tenir loin du trouble », raconte-t-il, sur un ton solennel. Alors où devraient skier les Québécois qui visitent Whitewater ? « À Red Moutain », répond du tac au tac Skinny Jimmy, préférant garder sa station juste pour lui… et ses amis !

Les frais de ce voyage ont été payés par Voyages Gendron, qui n’a exercé aucun droit de regard sur le contenu du reportage.