Vingt-deux îles, trois étés, un fleuve. Entre 2016 et 2018, le journaliste Philippe Teisceira-Lessard et le photographe Olivier PontBriand ont parcouru le Saint-Laurent à la rencontre de ses îles et des gens qui les peuplent. Après sa parution dans La Presse, cette série vient de se métamorphoser en livre, un ouvrage qui regroupe l’ensemble de leur travail en mots et en images.

« J’ai toujours eu un intérêt pour les îles, pour les communautés qui vivent près de l’eau, lance d’emblée le journaliste Philippe Teisceira-Lessard. On trouvait que ça faisait une série d’été intéressante d’aller voir des gens qui reçoivent peu de visite parce qu’ils sont isolés, et de raconter des histoires sur des coins du Québec qui sont moins connus. »

« On », c’est lui et son complice, le photojournaliste Olivier PontBriand. Ils ont tout fait en tandem, de l’idéation à la réalisation du projet, jusqu’au livre qui vient d’atterrir en librairie. « Dès le début, on se disait que ça ferait un bon livre », raconte Philippe Teisceira-Lessard. Mais encore fallait-il visiter assez d’îles — et d’insulaires ! — pour les rassembler dans un recueil.

Trois étés durant, donc, ils ont quadrillé le fleuve Saint-Laurent à la recherche d’îles intéressantes, mais surtout des histoires qui s’y rattachent. Car même si ces lieux sont souvent prisés des touristes, on est ici bien loin du guide de voyage, tient à préciser l’auteur.

« Notre objectif, c’est de raconter des histoires. Il n’y a pas de conseils à savoir quel hôtel vaut mieux que l’autre, ou comment s’y rendre. Si, après, les gens veulent aller voir par eux-mêmes, alors tant mieux. »

Certains lieux sont faciles d’accès, alors que d’autres le sont difficilement, ou même pas du tout. Notons, par exemple, l’île Brion, au large des Îles-de-la-Madeleine (qui ne compte aucun habitant humain, mais plus de 5000 phoques), ou encore une île « artificielle », le pilier du haut-fond Prince. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un immense pilier de béton ancré à l’intersection du fleuve et de la rivière Saguenay, surmonté d’un phare rouge et blanc, pour avertir les bateaux de la présence du haut-fond qui se trouve en dessous. On y accède au moyen d’un hélicoptère, qui se pose sur la plateforme.

Le livre est donc l’occasion d’ouvrir une fenêtre sur des lieux qui sont inaccessibles au commun des mortels, souligne Philippe Teisceira-Lessard. « C’était aussi un autre de nos objectifs, de pouvoir aller jeter un coup d’œil sur des endroits que les gens ne peuvent pas visiter par eux-mêmes. »

Un avenir incertain

IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS LA PRESSE

Le Saint-Laurent d’île en île — Rencontres et paysages, de Philippe Teisceira-Lessard et Olivier PontBriand

Habitées ou non, les îles ont chacune des personnages qui y sont rattachés, aussi colorés que les petites maisons qui parsèment leurs côtes. Il y a, par exemple, le facteur de l’île Verte, les personnes âgées de l’île aux Coudres, ou encore Abigaël et Rafaël, ces deux jeunes de l’île aux Grues qui prennent l’avion tous les jours pour se rendre à l’école. Juste à côté, il y a aussi l’île aux Oies, où Jean-Paul Riopelle a peint sa plus grande œuvre, L’hommage à Rosa Luxemburg, et qu’un autre artiste, Marc Séguin, s’applique à restaurer avec son copropriétaire André Desmarais. Sans oublier l’île Harrington avec ses caractéristiques trottoirs de bois, là même où a été tourné le film La grande séduction.

Il est intéressant de poser un regard sur ces lieux qui vivent plusieurs défis démographiques, dont l’île d’Entrée, aux Îles-de-la-Madeleine, qui a fermé son école il y a quelques années car aucun jeune n’y vit. « Ça fait réfléchir au destin d’îles où la vie est difficile, compliquée, et où il y a de moins en moins de monde », observe l’auteur.

On peut donc imaginer le défi logistique qui s’est posé pour organiser toutes les visites. Celles-ci se sont faites à coup de petits séjours. « On l’a fait en plusieurs voyages, certains plus longs, d’autres plus courts, certains en hélicoptère, d’autres en bateau ou en avion, résume Philippe Teisceira-Lessard. Bref, ç’a été pas mal d’angoisse et de logistique. Et les distances sont tellement grandes au Québec que c’est compliqué. »

Tout cela, toutefois, facilite la vie du lecteur, qui peut maintenant naviguer sur le fleuve en tournant les pages de ce livre, tout simplement.