Avec l’arrivée du printemps, les grimpeurs retournent au pied des parois et des blocs pour se donner de nouveaux défis. Grâce à un lexique préparé par l’Office québécois de la langue française (OQLF), ils peuvent maintenant transmettre de l’information et raconter leurs exploits avec des termes bien français.

Pourquoi parler de jugs et de crimps quand on peut utiliser les mots baquets et réglettes pour désigner des prises ? Pourquoi se vanter d’un superbe toe hook quand on peut faire valoir une contre-pointe ?

L’OQLF a commencé à travailler sur un lexique des termes d’escalade en prévision des Jeux olympiques de Tokyo, en 2021. L’escalade y faisait son entrée, et les commentateurs et analystes de Radio-Canada avaient besoin d’une nomenclature en français.

« Ça n’a pas été difficile, la documentation était foisonnante, notamment à cause de la longue tradition d’escalade française, explique Maxime Lambert, conseiller linguistique à l’OQLF. Beaucoup d’ouvrages de référence ont été écrits au fil des ans. »

La Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME) a également collaboré au projet.

PHOTO ROBERT NADON, ARCHIVES LA PRESSE

Le grimpeur utilise un gratton comme prise de pied.

Dans la majorité des cas, les termes français existaient déjà pour désigner de l’équipement et des techniques d’escalade. L’OQLF a toutefois proposé quelques néologismes, notamment pour désigner du matériel d’entraînement d’origine relativement récente, comme le goujonnier (pegboard), une petite paroi trouée que le grimpeur doit gravir avec des tiges qu’il doit insérer dans les perforations.

L’Office a aussi proposé un terme très poétique, la ruse, pour traduire le concept de beta break. Il s’agit d’un enchaînement de mouvements qui n’était pas prévu par l’ouvreur de la voie et qui ne correspond pas à la méthode habituelle pour escalader un segment donné.

« Cela peut être pour plusieurs raisons différentes, des raisons de grandeur, de flexibilité, de créativité, indique Matthieu Des Rochers, directeur sportif à la FQME. Il s’agit de faire appel à ses forces, à ses ressources personnelles. »

Bien des femmes ont recours à la ruse pour réussir des voies parce qu’elles sont plus petites que ceux qui les ont conçues ou qui les réussissent généralement.

« Nos grandes grimpeuses, comme Annie Chouinard et Émilie Pellerin, font usage d’ingéniosité et d’aptitudes incroyables quand vient le temps de faire une fameuse séquence difficile faite par des hommes, souligne M. Des Rochers. Ça montre à quel point elles ont du talent. »

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

L’escalade est un sport très technique. Il est important de vérifier l’appareil d’assurage avant le départ d’une voie.

Le lexique recommande certains termes, mais permet parfois l’utilisation d’autres expressions. C’est ainsi que l’OQLF suggère de traduire le mot crux (le passage le plus difficile d’une voie) par passage-clé. Mais on peut continuer à utiliser crux sans problème « parce qu’il est légitimé en français au Québec et ailleurs en francophonie ».

Maxime Lambert, de l’OQLF, est lui-même un adepte de l’escalade de bloc. Il se fait un devoir d’utiliser la terminologie française, mais il avoue que parfois, ça fait sourciller ses partenaires d’escalade.

Vendredi dernier, par exemple, j’ai utilisé le mot lolotte pour exprimer un mouvement qui m’avait permis de grimper la voie. La personne était interloquée.

Maxime Lambert, conseiller linguistique à l’OQLF

La lolotte est l’équivalent en français de drop knee : c’est une position qui consiste à faire pivoter les hanches pour placer le pied en carre externe et diriger le genou vers le bas.

« C’est un mot qui est très utilisé chez nos cousins français, affirme Matthieu Des Rochers. C’est assurément le mot le plus drôle de la terminologie. »

L’OQLF a préparé des lexiques essentiellement pour des sports de compétition. Ça ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir de nomenclature pour d’autres types d’activités physiques, notamment dans le domaine du plein air.

« Nos choix s’effectuent selon plusieurs modalités, indique Francis Pedneault, coordonnateur de la production linguistique à l’OQLF. On a un collaborateur principal qui est Radio-Canada, mais les choix s’effectuent aussi à partir des demandes des gens du public, des courriels qu’on reçoit. C’est ainsi qu’on a eu une demande de vocabulaire pour le yoga et qu’un cégep nous a demandé d’en créer un pour l’entraînement fonctionnel sportif, le CrossFit. »

Pour Matthieu Des Rochers, la promotion de la langue française peut trouver sa place auprès des autres valeurs de la FQME, comme la protection de l’environnement, l’accessibilité et l’équité.

« Ce serait bien que l’on continue à faire des efforts, qu’on utilise des mots comme lolotte, déclare-t-il. Si ça nous fait rire, c’est tant mieux. L’important, c’est de pouvoir parler de ce qu’on aime en français. »

Consultez le lexique de l’escalade de l’OQLF

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