De nombreux amateurs de plein air connaissent ce sentiment lorsqu’ils randonnent à la pluie battante, lorsque l’ascension d’un pic n’en finit plus de finir ou lorsque le vent empêche le canot d’avancer d’un seul mètre. « Mais qu’est-ce que je fais ici ? », se demandent-ils.

Puis, ils finissent par trouver un abri, ils atteignent le sommet ou ils trouvent une baie plus tranquille. Plus tard, en se remémorant l’aventure, ils se disent qu’en fait, ils ont eu bien du plaisir.

C’est ce qu’on appelle le plaisir de type 2, un important concept dans le monde du plein air.

Selon ce concept, il existe trois types de plaisir en plein air. Le plaisir de type 1, c’est lorsque tout va bien, que c’est agréable, qu’on a du plaisir. Le plaisir de type 2, c’est lorsque c’est ardu et que le plaisir n’apparaît qu’après coup.

Le plaisir de type 3, c’est lorsqu’une expérience est indéniablement déplaisante et que même en rétrospective, on n’éprouve aucun plaisir. Évidemment, l’utilisation de l’expression « plaisir de type 3 » est hautement ironique.

Jacob Racine est un guide d’aventure, un aventurier et un grand spécialiste des trois types de plaisir. « Je fais principalement du plaisir de type 2, mais avec ma blonde et mon fils, je fais du type 1, raconte-t-il. On part en canot-camping une semaine, je m’organise pour que le plaisir quotidien reste toujours présent, en planifiant le rythme en conséquence, les arrêts, la bouffe. Je ne veux pas que mon fils s’écœure du plein air. Ça fait en sorte que chaque fois que je lui propose un projet, il est partant. »

Il espère commencer à explorer le plaisir de type 2 avec son fils lorsqu’il entrera plus profondément dans l’adolescence.

Il s’agira alors de travailler le dépassement de soi, de faire face aux difficultés qui se présentent, de se dépasser et d’éprouver par la suite une grande satisfaction, un grand plaisir.

PHOTO FOURNIE PAR JACOB RACINE

Le visage du plaisir de type 2 !

Dans mon cas, ce qui me drive le plus dans la vie, c’est le plaisir de type 2.

Jacob Racine, aventurier et guide d’aventure

Jacob Racine donne l’exemple d’une étape de l’expédition AKOR, près de l’île d’Ellesmere, en Arctique, avec Nicolas Roulx et Guillaume Moreau. Ce dernier avait une telle inflammation aux genoux qu’il était impossible de respecter le calendrier de progression et d’atteindre le point de ravitaillement à temps.

« On allait manquer de carburant, se rappelle Jacob Racine. Or, s’il n’y a plus de carburant, il n’y a plus d’eau, on meurt. » La tentation était grande d’abandonner. Les participants ont toutefois trouvé une façon d’économiser le carburant : ne pas faire bouillir l’eau une fois la neige fondue et utiliser plutôt des comprimés pour la traiter.

« Il s’agit de trouver une solution qui va nous amener à dépasser la problématique. Ça nous donne un sentiment de réalisation, ça va apporter du plaisir. »

Il met toutefois en garde contre la tentation de poursuivre une aventure lorsque les conditions sont vraiment dangereuses.

PHOTO FOURNIE PAR JACOB RACINE

La question au cœur du plaisir de type 2 : « Mais qu’est-ce que je fais ici ? »

Il faut savoir quand arrêter. Sinon, on va tomber dans le plaisir de type 3 : on n’a pas de plaisir du tout et on risque de se blesser.

Jacob Racine, aventurier et guide d’aventure

Jacob Racine a vécu une période de plaisir de type 3 lors d’une traversée du Québec à ski, entre Montréal et Kuujjuaq en 2014 avec Marie-Andrée Fortin, Bruno-Pierre Couture et Sébastien Dugas. « Arrivés au lac Mistassini, on avait une décision à prendre, raconte Jacob Racine. Soit on suivait le tracé des gars qui avaient fait l’expédition en 1980, soit on allait voir les monts Otish, un détour de 170 kilomètres qui n’était pas prévu au départ. On s’est demandé si on aurait l’occasion de retourner dans les monts Otish. Probablement jamais. Tant qu’à être si près, allons-y. »

« Ça a été l’enfer. On est entrés dans le Mordor. » Il s’agissait notamment de suivre des rivières encaissées, où la neige était abondante et poudreuse. « On n’arrivait pas à avancer. Pendant la première journée, on a fait seulement trois kilomètres en 15 heures », se remémore-t-il.

Les froids étaient terribles. Malgré cela, les rivières étaient tellement tumultueuses qu’il y avait plusieurs sections d’eau libre. « Mes skis ont défoncé, je suis tombé dans la rivière jusqu’aux hanches. Ça a été un enchaînement de mauvaises situations. »

Arrivé aux monts Otish, Jacob Racine était trop épuisé pour en profiter. « Ce sont 15 jours qui n’ont servi à rien. C’était définitivement du plaisir de type 3. Je ne le referai jamais. Juste à en parler, je fais de l’urticaire. »

Pour l’instant, Jacob Racine n’a pas d’expédition de plaisir de type 2 ou 3 en préparation. Il va toutefois guider ce printemps des voyages avec Vélo Québec. « Ça, c’est du plaisir de type 1, c’est du bonbon ! »

Suggestion de vidéo

Kayak de type 2

Une descente « tout en douceur » d’Harper Creek Falls, en Caroline du Nord.

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Chiffre de la semaine

12

C’est le nombre de mètres que peut atteindre le requin-pèlerin, le plus gros poisson du Québec.