Il est facile de parcourir une via ferrata dans les Alpes. Il suffit de connaître les rudiments de cette discipline, de louer l’équipement nécessaire et la voie est libre, sans frais d’accès. À défaut des connaissances nécessaires, on peut engager un guide. Au Québec, par contre, la pratique autonome est impossible.

Il faut absolument faire partie d’une visite guidée et débourser une somme importante pour le privilège. Pourquoi cette différence ?

« En gros, c’est une histoire d’assurances », affirme Rock Charron, directeur de la formation à la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME).

Au Québec, le propriétaire d’un terrain peut être tenu responsable si quelqu’un se blesse chez lui, même s’il s’agit d’un intrus qui s’est aventuré sur les lieux sans permission.

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Une section vertigineuse de la via ferrata du parc national du Fjord-du-Saguenay

« Dans la province, les via ferrata sont installées dans des parcs ou sur des terrains privés, note M. Charron. Les propriétaires sont responsables de ce qui se passe sur leur terrain et se doivent donc d’avoir une assurance responsabilité, qui les oblige à gérer la via ferrata comme un sport à risque. »

Évidemment, une telle assurance n’est pas donnée.

En outre, les parcs et les entrepreneurs privés doivent procéder à d’importants investissements pour installer et entretenir une via ferrata (aussi appelée voie d’escalade sécurisée).

« Tu veux la rentabiliser, indique Rock Charron. Tu ne veux pas que tout le monde aille se promener gratuitement sur la via ferrata que tu as construite. »

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La via ferrata hivernale, une spécialité du Canyon Sainte-Anne à Beaupré

Histoire et culture

Il y a d’autres facteurs qui expliquent que la pratique autonome soit permise en Europe et impossible au Québec, à commencer par l’histoire et la culture. M. Charron rappelle que la via ferrata est un sport qui s’apparente à l’escalade. Or, l’escalade, c’est un peu le sport national des communautés alpines.

Ce sont les municipalités qui installent les via ferrata, comme chez nous, les municipalités installent des patinoires. C’est une installation communautaire.

Rock Charron, directeur de la FQME

Il ajoute qu’au Québec, il n’est pas dans la culture des gens de se lancer dans la pratique d’un sport à risque sans avoir des connaissances, ou de la formation, ou une certaine sécurité.

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Attention au vertige !

La Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ) estime que la présence d’un guide qualifié et compétent est essentielle. Le porte-parole de l’organisme, Simon Boivin, explique qu’un guide va analyser les capacités du participant, veiller à l’utilisation adéquate de l’équipement, superviser le déroulement de l’activité et permettre une évacuation sécuritaire dans un environnement difficilement accessible.

Il existe relativement peu de données au sujet des accidents liés à la via ferrata. La principale étude à ce sujet porte sur les incidents survenus en Autriche entre 2008 et 2018. Plus de la moitié des cas recensés sont en fait des blocages : des participants sont incapables d’aller plus loin parce qu’ils sont exténués ou qu’ils n’ont pas bien jugé leurs habiletés.

Une minorité des incidents, soit 3,7 %, se soldent par une mortalité. La principale raison est une chute alors que la personne n’est pas attachée à la ligne de vie, surtout dans les voies faciles. Certains auraient donc tendance à baisser la garde dans les sections faciles.

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Un équipement spécialisé est essentiel.

Possible changement

Il n’est pas impossible de voir une certaine pratique autonome apparaître au Québec. La FQME examine la possibilité d’offrir une formation qui fournirait une attestation de participant autonome.

Nous sommes en train d’approcher toutes les entreprises privées qui gèrent des via ferrata au Québec pour voir si elles ne pourraient pas laisser des plages horaires pour les gens qui voudraient faire une pratique non encadrée.

Rock Charron, directeur de la FQME

Ces plages horaires pourraient s’insérer entre des visites guidées parce que les assureurs exigent que tout participant puisse avoir accès à des secours dans les 15 minutes suivant l’accident. Ainsi, le guide du groupe précédent ou celui du groupe suivant pourrait intervenir dans les temps requis.

Valérie Bélanger, responsable des communications chez Aventure Écotourisme Québec, évoque la possibilité d’une pratique autonome pour des trajets pas trop vertigineux, équipés de lignes de vie continues « pour qu’on n’ait pas besoin de clipper et déclipper ». « Il pourrait y avoir un certain encadrement : des consignes de sécurité, une vérification de l’équipement avant de partir », évoque-t-elle.

Il ne faut toutefois pas trop retenir son souffle.

« Pour que la mise en place d’une pratique autonome vaille la peine, il faudrait que plus de 60 % des gestionnaires embarquent dans le projet, estime Rock Charron. Il y en a probablement qui ne verraient pas l’intérêt d’ouvrir des plages de pratique libre à 25 $ ou 30 $, alors qu’ils peuvent facturer 80 $ pour une sortie guidée… »

Consultez l’étude sur les incidents liés à la via ferrata en Autriche (en anglais)

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