Faire du plein air à ce temps-ci de l’année, c’est un peu délicat, surtout dans le sud de la province. Le ski de fond et le patinage sont pratiquement chose du passé. Heureusement, il reste la raquette. Mais il ne faut pas trop tarder : plusieurs parcs ferment leurs sentiers pendant la période de dégel, la satanée « saison de la boue ».

Randonner en forêt pendant cette période peut endommager les sentiers, fait savoir Patricia Lefebvre, directrice générale du Parc d’environnement naturel de Sutton (PENS). Elle explique le processus : « Pendant l’hiver, la neige se compacte sur les sentiers, ça devient presque de la glace et ça va fondre plus lentement que le reste. Le sentier va ainsi devenir un ruban de boue. Les gens ne veulent pas rester dans la boue et vont marcher à côté. »

Cela a pour résultat de compacter le sol de chaque côté du sentier, au point que plus rien ne pourra y pousser et que l’eau, incapable de pénétrer le sol, ruissellera à la surface. « L’eau emporte de la terre qui finira dans les ruisseaux, où elle fera de la sédimentation. Chez nous, c’est une réserve naturelle. On retrouve notamment la salamandre pourpre, qui respire par la peau et qui n’a pas envie de se retrouver dans de la bouette. »

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Les sentiers de Sutton sont très fragiles et doivent fermer au printemps pour récupérer avant l’été.

Le processus a également pour effet d’élargir les sentiers. « Au départ, nous avions des sentiers de 50 cm de large. Maintenant, ça ressemble plus à 3 m à certains endroits. » Or, ce que les gens aiment généralement, ce sont les petits sentiers étroits.

Parfois, les dégâts sont irréparables. Et lorsqu’ils sont réparables, ça coûte très cher. Il faut décompacter, travailler à la pelle et à la pioche, mettre de la litière. On parle de coûts de 35 000 $ à 45 000 $ le kilomètre dans le cas du PENS.

Souvent, les randonneurs n’ont pas conscience des dommages qu’ils peuvent causer.

Il faut distinguer entre l’impact d’une paire de pieds et l’impact de 10 000 paires de pieds. Une paire de pieds, il n’y a pas de souci, alors que 10 000 paires de pieds, c’est un massacre.

Patricia Lefebvre, directrice générale du Parc d’environnement naturel de Sutton

Le PENS a donc l’habitude de fermer ses sentiers autour de la mi-avril et de les rouvrir à la mi-mai, en fonction de l’évolution de la température. « Les gens qui ont découvert le plein air lors de la pandémie, je les invite à faire de la bicyclette pendant cette période », suggère Patricia Lefebvre.

Selon les parcs et les années

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DU PARC DE LA GATINEAU

Au printemps, la neige ramollit. Il faut éviter de marcher à pied ou en crampons dans les sentiers pour ne pas faire de trous. Il est alors préférable de prendre les raquettes où, comme le conseille ce panneau du parc de la Gatineau, de faire demi-tour.

D’autres organisations ferment les sentiers, comme les Sentiers de l’Estrie ou encore le parc du Mont-Loup-Garou, pour ne nommer que ceux-là.

« Les dates d’ouverture et de fermeture sont différentes chaque année, selon la couverture de neige et les températures, note Nadia Fredette, directrice générale des Sentiers de l’Estrie. Habituellement, la période de dégel est d’au moins trois semaines. En 2020, ç’a été particulièrement long. De plus, comme notre réseau s’étend du sud au nord de la région des Cantons-de-l’Est, il arrive que les dates de fermeture ou d’ouverture ne soient pas les mêmes pour l’ensemble des secteurs de notre réseau. »

À la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ), les directeurs de parcs peuvent prendre la décision de fermer certains sentiers si les conditions ne sont pas sécuritaires ou encore si la fréquentation risque de causer des dommages. D’ailleurs, ce ne sont pas tous les sentiers qui demeurent accessibles toute l’année dans les parcs gérés par la SEPAQ. Ainsi, un peu plus de 40 % des kilomètres qui sont ouverts l’été le sont également l’hiver.

L’accès à certains sentiers est interdit l’hiver pour des raisons de sécurité, par exemple dans des secteurs où la météo est très changeante et que l’accès aux secours serait très compliqué.

Simon Boivin, porte-parole de la SEPAQ

Au parc national du Mont-Orford, certains sentiers de randonnée sont fermés parce qu’ils passent par les pistes de ski alpin, ce qui représente un certain enjeu de sécurité.

Quoi qu’il en soit, les randonneurs ont donc encore quelques belles semaines avant la saison de la boue. Il reste bien de la neige dans les forêts. Celle-ci peut toutefois réserver des surprises. En plein hiver, la neige de beaucoup de sentiers populaires est tellement compactée qu’il est possible de marcher en bottes ou avec des crampons. Avec la remontée des températures, la neige ramollit et il faut ressortir les raquettes. En effet, marcher dans la neige molle fait des trous qui seront, au mieux, très désagréables pour les randonneurs suivants, et au pire, carrément dangereux s’il gèle pendant la nuit et que la neige durcit. De toute façon, il n’est pas vraiment agréable de faire une randonnée quand on enfonce jusqu’au genou à chaque pas.

C’est donc une bonne idée de traîner les crampons et les raquettes avec soi. Il peut être possible de mettre les crampons au petit matin et nécessaire de mettre les raquettes quelques heures plus tard. Ça représente un poids additionnel, mais les randonneurs qui suivent apprécieront l’effort.

Suggestion de vidéo : hors-piste à Murdochville

Les vidéos de ski et de planche hors-piste proviennent souvent des Rocheuses. Quatre planchistes québécois, Zach Aller, Anto Chamberland, Fred Lacroix et Mylaine Robichaud, nous amènent plutôt à Murdochville, dans une poudreuse qui n’a rien à envier à celle de l’Ouest.

> Voyez la vidéo au complet

Chiffre de la semaine : 50 %

C’est la perte de poids que le raton laveur peut subir pendant l’hiver. Il faut donc s’attendre à rencontrer des ratons laveurs affamés au début du printemps.