Des coups de marteau résonnent dans la forêt. Des travailleurs mettent la dernière main à un panneau situé à l’un des points d’accès des Sentiers frontaliers. Deux randonneuses, qui sont à mi-chemin d’une traversée de cinq jours, en profitent pour prendre une pause et échanger quelques mots avec la présidente des Sentiers frontaliers, Monique Scholz, qui assiste aux travaux.

L’accès aux sentiers est gratuit, mais Mme Scholz encourage fortement les randonneuses à devenir membres de l’organisation. Les fonds recueillis permettent d’aménager et d’entretenir les sentiers.

« Une carte de membre, c’est l’équivalent d’une heure de tronçonneuse », lance-t-elle.

Parce que, oui, aménager ou entretenir un sentier pédestre, ça coûte cher. Très cher.

« Si on s’accote sur les normes établies par Rando Québec, c’est rêver en couleurs de penser à des coûts de 2000, 3000 ou 5000 $ le kilomètre pour aménager un sentier, lance Jean Lacasse, chargé de projet chez Rando Québec. C’est compliqué de déterminer combien ça coûte, mais si on veut le chiffrer, la médiane, ce qu’on va viser, c’est 25 000 $ du kilomètre. » À la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ) aussi, on parle d’une moyenne de 25 000 $ le kilomètre, ce qui ne comprend pas les frais d’entretien.

Pour un organisme, un parc ou une municipalité qui désire aménager une centaine de kilomètres de sentier, c’est énorme.

Des règles resserrées

Traditionnellement, en Amérique du Nord, ce sont des bénévoles qui se réunissaient pour créer des sentiers. « C’était comme Jack Rabbit dans les Laurentides pour les sentiers de ski de fond, image M. Lacasse. C’était une gang de fanatiques, d’amateurs d’activités de plein air qui faisaient leurs propres petits réseaux, qui allaient voir les propriétaires pour leur demander la permission de passer. »

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, COLLABORATION SPÉCIALE

Plus il y a d’infrastructures, plus le sentier a été coûteux à aménager. Il sera aussi coûteux à entretenir.

Ce n’est plus possible, avec les nouvelles exigences liées à la pratique récréotouristique et à la protection de l’environnement. « Quand on fait un sentier, on est obligés de penser à la sécurité de nos employés et à la sécurité des infrastructures qu’on va construire : on est responsables des gens qu’on invite dessus, explique M. Lacasse. On est obligés de penser à la protection de l’environnement. »

La main-d’œuvre finit par coûter cher. Et pourtant, elle est bien loin d’être surpayée, affirme le chargé de projet.

Ils arrivent sur le sentier, ils ont 50 livres de stock à se mettre sur les épaules : des scies à chaîne, des débroussailleuses, des pelles, des pics, leur lunch, l’eau. Ils peuvent avoir à marcher trois heures pour arriver au lieu de travail.

Jean Lacasse, chargé de projet chez Rando Québec, à propos des ouvriers chargés d'aménager les sentiers

Jean Lacasse note que, pour aménager un sentier, il ne suffit pas de couper quelques arbres et d’apposer quelques balises. « Tu dois retirer la matière organique et travailler le sol minéral : c’est la seule façon de contrôler les problèmes environnementaux qui peuvent survenir avec la surutilisation des sentiers. »

Différents sentiers pour différents utilisateurs

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, COLLABORATION SPÉCIALE

Les sentiers pour randonneurs aguerris sont moins travaillés. On estime que ces randonneurs sont mieux préparés et mieux équipés que la moyenne.

Le niveau d’investissement, lui, dépend du type de sentier, détaille M. Lacasse : « Si tu as un sentier de promenade où vont des groupes de maternelle et des classes naturelles, tu dois être sur la coche : tu ne peux pas tolérer un arbre dangereux sur le bord du sentier. Mais si c’est un sentier de longue randonnée, qui attire des gens d’expérience, le risque inhérent est différent. Sur le bord d’un tel sentier, il peut y avoir des centaines d’arbres dangereux. Ce serait impossible de les retirer. »

À la SEPAQ, on classe les utilisateurs en quatre catégories : les personnes à mobilité réduite, les promeneurs, les randonneurs et les randonneurs aguerris, indique le porte-parole de la société, Simon Boivin. « Le sentier qui doit être accessible à tout le monde est clairement le plus dispendieux, ajoute-t-il. Mais c’est aussi le plus court, soit moins de deux kilomètres. »

Il rappelle qu’il y a du travail à faire avant même le début de l’aménagement, du travail qu’il faut comptabiliser. « Il faut déterminer si le sentier est pertinent, indique-t-il. Il faut aussi caractériser le terrain, identifier les espèces, les habitats, les milieux naturels qu’il faut protéger. Si les impacts sont trop grands, est-ce que le tracé pourrait être déplacé ? Est-ce qu’il faudrait carrément jeter le projet aux oubliettes ? »

Les gestionnaires de sentiers doivent aussi penser à l’entretien à long terme. Après 10 ans, tout ce qui est infrastructure de bois doit être remplacé. « Un sentier, ça naît, ça mature et ça se dégrade », affirme Jean Lacasse.

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Chiffre de la semaine

675,9 kilomètres

C’est la longueur totale des divers segments du complexe cavernicole de Mammoth Cave, au Kentucky.