Le grondement s’intensifie. Une imposante dameuse apparaît et s’avance lentement sur le sentier du P’tit Train du Nord. Les skieurs ont largement le temps de se mettre sur le côté pour laisser passer la rutilante machine, qui laisse derrière elle un beau velours côtelé. Une deuxième machine la suit pour tracer les sillons caractéristiques du ski de fond de type classique. Les skieurs ont toutefois une surprise : c’est une jeune femme aux longs cheveux qui est aux commandes de l’impressionnant véhicule.

« C’est drôle de voir la réaction des gens, commente Anouck Adrien en riant. C’est assez rigolo, les gens sont contents. »

Elle raconte qu’elle a toujours travaillé dans un milieu d’hommes, notamment dans le milieu du spectacle, en technique de scène. Elle y a appris à conduire divers types de machinerie.

Son métier de base, maintenant, c’est l’équitation. Elle gère une écurie et travaille avec les chevaux. Dans le cadre de ses fonctions, elle a rencontré le propriétaire de Karl Marcotte Excavation, qui a des contrats de damage dans plusieurs centres de ski de fond. « Il damait mes installations de course [à l’écurie], j’ai vu comment ça fonctionnait, raconte Anouck Adrien. Comme j’avais conduit d’autres machines avant, je trouvais celle-là très cool. J’ai dit à Karl de me faire signe s’il avait besoin de quelqu’un l’hiver, vu que les entraînements équestres, c’est beaucoup plus calme en hiver. »

L’entrepreneur l’a prise au mot, lui a offert une formation et l’a engagée pour damer le sentier du P’tit Train du Nord.

Physiquement, le travail n’est pas très exigeant.

Je conduis une machine à la fine pointe de la technologie, on est bien assis, il fait vraiment chaud. Les gens me regardent bizarrement parce que je suis pratiquement en camisole quand je conduis.

Anouck Adrien

Il y a plusieurs facteurs à considérer dans la décision de damer. La sécurité des usagers (la présence de plaques de glace, par exemple) et la qualité de leur expérience sont primordiales, précise Jean-Sébastien Thibault, directeur général du parc linéaire Le P’tit Train du Nord. Il faut aussi prendre en considération l’achalandage. En règle générale, on dame le sentier tous les jours lors des fins de semaine et tous les deux ou trois jours en semaine, selon l’état des pistes.

Début de saison difficile

PHOTO MARIE LEDOUX, PRODUCTIONS ADRÉNAFILM, FOURNIE PAR LE PARC LINÉAIRE LE P’TIT TRAIN DU NORD

Les dameuses sont des machines imposantes qui peuvent valoir de 200 000 à 500 000 $.

Avec le manque de neige, le début de la saison a été difficile. Alors que les dameuses passent normalement à la nuit tombée, il a parfois fallu passer de jour pour que les dameurs aient une meilleure vision et évitent ainsi de soulever du gravier ou d’accrocher l’asphalte. « Ce serait plus facile s’il y avait beaucoup de neige, commente Anouck Adrien. On n’a pas 40 cm d’épais pour travailler la piste. Il ne faut pas qu’on passe trop souvent parce qu’on va dégrader l’état des pistes. »

Or, les skieurs sont de plus en plus exigeants en ce qui concerne le traçage, observe Jean-Sébastien Thibault. « Pendant 50 ans, on a fait du ski de fond dans la neige folle, affirme-t-il. Maintenant, les gens ne sont plus capables de le faire. Depuis une dizaine d’années, si ce n’est pas tracé “Coupe du monde — corduroy”, le monde panique. »

Le damage coûte cher. On parle d’un budget annuel de près de 100 000 $ pour Le P’tit Train du Nord. Or, il y a encore beaucoup de gens qui marchent dans les pistes, ce qui irrite sérieusement le directeur général, lui-même skieur. « Il y a quelque chose que je ne peux pas comprendre : pourquoi marcher au beau milieu des pistes quand elles sont fraîchement damées alors qu’il y a un corridor fait pour les marcheurs ? Une personne va détruire l’expérience de ski de fond pour plein de monde. »

Il ne manque toutefois pas de signalisation et de sensibilisation : le parc linéaire a installé plus de 120 panneaux, et le nombre de patrouilleurs est passé de 5 à 25.

PHOTO MARIE LEDOUX, PRODUCTIONS ADRÉNAFILM, FOURNIE PAR LE PARC LINÉAIRE LE P’TIT TRAIN DU NORD

Les skieurs sont de plus en plus exigeants en ce qui concerne la qualité du damage.

Anouck Adrien constate tout de même que les skieurs apprécient son travail. « Des fois, il y en a qui suivent en arrière comme un peloton. Une fois, il y avait cinq hommes d’une soixantaine d’années qui étaient tellement contents qu’ils m’ont suivie pendant au moins 7 km. Je me suis dit : ‟My God, ils sont en forme ! » »

Avec la pandémie, beaucoup de gens se sont tournés vers le plein air, notamment vers le ski de fond. Cela signifie plus de skieurs débutants sur les pistes. Jean-Sébastien Thibault lance d’ailleurs un appel de tolérance aux skieurs expérimentés. « On voit quelqu’un qui commence, qui a de la misère à mettre des skis, et on voit quelqu’un qui est super habitué et qui, au lieu de l’aider, lui rentre quasiment dedans. Ça n’a pas de bon sens. »

Au volant de sa dameuse, Anouck Adrien est aussi une débutante, mais elle apprend rapidement. Elle rêve maintenant de s’attaquer à des sentiers plus sinueux, plus accidentés, comme ceux de la région du mont Tremblant. « Comme je commençais, c’était plus facile de m’envoyer sur Le P’tit Train du Nord parce que le niveau de difficulté est assez bas, dit-elle. Éventuellement, je vais pouvoir aller dans le bois, dans des endroits plus restreints. J’ai hâte ! »

Suggestion de vidéo : loups à Yellowstone

Cette vidéo de Jenny Golding permet d’admirer une meute de loups au parc de Yellowstone. Certains d’entre eux portent un collier émetteur.

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Le chiffre de la semaine : 1-10-1

C’est le principe de survie en eau froide, selon la Société de sauvetage : une minute pour contrôler sa respiration, 10 minutes pour sortir de l’eau en effectuant un autosauvetage et une heure avant que l’hypothermie ne provoque une perte de conscience.