L’enfance en banlieue, les études universitaires, le travail de 9 à 5, une relation amoureuse stable avec, comme perspective autoproclamée, le mariage, les enfants et le chien… Au milieu de l’histoire, Caroline Côté a cependant bifurqué de ce modèle traditionnel pour « aller chercher une autre partie d’elle-même ». C’est ce changement qui a mené la cinéaste d’aventure/aventurière/ultra-marathonienne à se rendre en Antarctique, à pagayer sur le fleuve Yukon ou à traverser une bonne partie du Québec en solitaire.

La jeune trentenaire partage quelques-unes de ses aventures et rencontres marquantes dans le livre Dépasser ses limites, qui est paru la semaine dernière en librairie. En filigrane, on suit le cheminement personnel de la Montréalaise dont la nouvelle vie s’est initialement accompagnée de doutes et de questionnements.

Habituée de manier la caméra pour récolter des images dans des milieux souvent hostiles, Caroline Côté a donc dû, cette fois, coucher ses souvenirs sur papier.

Je voyais ça comme un défi, mais je n’imaginais pas à quel point ça allait être vaste, complexe, et un travail de longue haleine.

Caroline Côté

La principale intéressée ne pointe pas un élément en particulier, mais a bien quelques idées qui expliquent cette soif d’aller voir ailleurs. Il y a d’abord cet oncle, qu’elle n’a jamais connu, mais qui a parcouru plusieurs régions du monde avant de perdre la vie tragiquement dans la rivière Yukon… où elle passera 40 ans plus tard. Il y a également la découverte de la nature à un très jeune âge.

« J’ai de la famille à La Malbaie avec des cousines dont je comprenais mal le mode de vie quand j’étais jeune. Leur cour, c’était le parc des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie. Les parents ne s’inquiétaient pas si on ne rentrait pas à une certaine heure de chez les amis. Même si c’était le début de la soirée, elles s’amusaient dehors. J’ai été rapidement intégrée dans ce mode de pensée là avec les traîneaux à chiens et les feux de camp en forêt. »

La vie a suivi son cours, mais le désir d’aventure et de jouer dehors ne s’est jamais éteint. En 2014, elle vit son premier grand frisson en participant à l’expédition XP Antarctik. Son rôle : filmer le projet sur l’adaptation du corps humain aux conditions extrêmes. Les 30 jours sur le continent sont éprouvants avec leur lot de difficultés et même de panique, avoue-t-elle.

« Je me suis dit que j’allais mourir là ou que j’allais arrêter ça après l’expédition, que je n’étais pas prête pour ce genre d’expérience. Ce qu’on ignore, quand on part comme ça à un jeune âge, c’est qu’une expédition, c’est un effort constant sur du long terme. Dans ma vie, je n’avais jamais repoussé mes limites sur une expérience de plus d’une semaine. »

Avec un peu de recul, Caroline Côté sait tout de même qu’elle a trouvé sa voie. En 2016, elle se jette à l’eau en quittant son poste de directrice des communications. Le changement est radical pour elle et ses proches.

« Au niveau de l’aventure, [mes parents] étaient inquiets par rapport au décès de mon oncle paternel. Ce n’est pas quelque chose dont on parlait dans la famille. La peur de me voir partir est d’ailleurs toujours présente, mais ils comprennent qu’il peut m’arriver des choses à la maison comme sur le terrain. Il y avait aussi le côté financier. Maintenant, je suis rémunérée pour suivre mes passions. Surtout, ils ont vu que ma personnalité a changé et je suis tellement plus épanouie. Ils m’ont beaucoup appuyée. »

« Des messages puissants »

Ce qui fait avancer la Montréalaise, ce sont les rencontres. Elle s’en rend compte dès sa deuxième grande aventure, Pull of the North, où elle et trois acolytes – dont le canoéiste Martin Trahan – remontent le fleuve Yukon pour aller à la rencontre de la communauté Athabasca. C’est aussi l’occasion de constater les effets des changements climatiques sur la nature et les communautés.

Je me suis questionnée après XP Antarctik. Malgré les recherches là-bas, je ne voyais pas en quoi filmer une gang de personnes faire du ski dans un endroit pouvait amener au bien-être de la culture et de la société. Avec Pull of the North, j’ai compris que le but de mon travail était de récolter des messages puissants.

Caroline Côté

La suite la mènera notamment dans le parc national Kuururjuaq, dans le nord du Québec, ou entre la Côte-Nord et Montréal dans le cadre de l’expédition Electron. Cette aventure de 2000 kilomètres, en partenariat avec Hydro-Québec, a été l’une des plus difficiles qu’elle a accomplies en raison de sa médiatisation et de son caractère solitaire.

« Je me suis mise dans des situations où il fallait que je fasse attention à mon énergie. Quand tu es seule, tu as tendance à repousser tes limites parce qu’il n’y personne pour te dire : “Wow, calme-toi, c’est dangereux”. »

Une athlète accomplie

Caroline Côté est également une coureuse en sentier aguerrie. L’été dernier, elle a notamment remporté le Tour des Cirques, une course de 120 kilomètres avec 7000 mètres de dénivelé positif qui se déroule dans les Pyrénées. Elle a découvert la discipline, au milieu de la vingtaine, comme une manière de décompresser. Aujourd’hui, elle y retrouve, en accéléré, les mêmes sensations qu’une expédition.

« C’est très puissant parce que, en un jour ou deux, on rencontre des moments de doute, d’incertitude, de plaisir et des summums d’intensité. Ce n’est pas que ma vie est plate, mais les idées sont claires quand je sors d’un événement comme ça. »

Elle retrouvera les sentiers, dans quelques semaines, en Guadeloupe. Sa prochaine expédition est prévue, cet été, en Patagonie, où elle documentera la fonte des glaciers.

IMAGE FOURNIE PAR L’ÉDITEUR

Le livre Dépasser ses limites, de Caroline Côté, paru le 12 février aux Éditions Goélette