«C'est vide», «c'est triste»: au lendemain de l'attaque à Strasbourg, les touristes venus pour son célèbre marché de Noël, fermé mercredi, errent, désemparés, dans une ville encore sous le choc et comme en «état de siège».

Ils sont deux millions de visiteurs à venir déambuler chaque année entre les 300 chalets en bois installés à travers le centre historique de la capitale alsacienne, pour goûter vin chaud ou spécialités locales et acheter des décorations de Noël.

Ce mercredi, alors que le tireur qui a ensanglanté les lieux la veille au soir est toujours en fuite, le marché a gardé portes closes, pour d'évidentes raisons de sécurité. Il restera fermé jeudi également.

L'événement festif avait fait l'objet d'un projet d'attentat en décembre 2000. Depuis, plusieurs menaces d'attaques l'ont visé et les passants sont fouillés pour accéder au centre-ville, la «Grande Île», entre 10 h et 19 h.  

«C'est curieux cette ambiance ce matin à Strasbourg, on a l'impression d'une ville en état de siège», observe Joël Bigorgne, touriste venu de Bretagne.

Avec ses longues allées désertées de chalets en bois sur la place Broglie, habituellement effervescente à deux semaines de Noël, l'endroit a pris des airs de village abandonné. «C'est la première fois que je vois ça», déplore un habitant.  

«Tout est fermé», se désespèrent deux touristes espagnols, seuls, assis sur une table en bois au milieu de chalets clos, décorés aux couleurs de Noël mais dont les guirlandes ne clignotent plus. Plan de la ville sur les genoux, ils cherchent quoi faire.  

«L'ambiance est féérique ici normalement. Le midi, les gens qui travaillent dans le coin viennent manger, l'ambiance est sympa...», commente Alexandre, 27 ans, qui traverse l'allée d'un pas rapide.

Le marché fermé, Mathilde et Adrien, 21 ans et originaires de Lille, se sont rabattus sur un café du centre pour boire un verre de vin-blanc-à défaut de vin chaud.

«On a eu de la chance, on en a bien profité hier», relativisent-ils, racontant comme d'autres les «magnifiques» illuminations, l'atmosphère «festive». «Rien à voir... Aujourd'hui c'est un peu morose», admet Mathilde.

«C'est important» d'être là

«Au moins on se sent en sécurité, il y a des flics à tous les coins de rues», glisse de son côté Adrien.

Si les touristes se font rares, les policiers, gendarmes, et militaires du dispositif de sécurité Sentinelle, quadrillent effectivement le centre-ville. Comme les journalistes et leurs caméras. «Ils sont partout», souffle une passante au téléphone.

Pierre et Irène, retraités de Nice, ont passé plusieurs heures confinés dans un restaurant sur la place de la cathédrale pendant l'attaque. Mercredi matin pourtant, ils voulaient revenir au même endroit. «Il faut être là. Il faut montrer qu'on est des touristes, et qu'on est toujours là. C'est important», répète Pierre.

À côté, une Américaine lève son appareil photo vers la cathédrale. Sa voix tremble quand elle évoque l'attaque. «On est habitués aux États-Unis, mais ça me fait toujours pleurer».

Patrick et Christine Courteille ont un peu de mal à se remettre de leur soirée de la veille. Ils étaient dans le centre, venaient de sortir du restaurant. «Ça courait dans tous les sens, on nous criait d'aller nous cacher... c'était un cauchemar». Ils sont restés confinés dans un restaurant, puis un autre, chez des gens «qui ont été formidables», jusqu'à trois heures du matin.

Ces deux retraités étaient venus de Marseille spécialement pour le marché de Noël, qu'ils ne verront pas. Ils repartent jeudi matin. «C'était la première fois, c'était pour mon anniversaire», dit Christine. «Je m'en souviendrai»...