Face au formidable succès d'Airbnb qui aura dix ans cet été, des métropoles européennes comme Paris, Amsterdam, Berlin ou Barcelone organisent la riposte pour éviter une flambée des loyers ou des prix, mais aussi une raréfaction de l'offre de logements.

C'est le 11 août 2008 qu'était lancé le site internet Airbed & Breakfast, pour «faire face à la saturation du marché hôtelier».

Dix ans plus tard, Airbnb, société avare en informations financières, vaudrait 31 milliards de dollars, selon une estimation réalisée à l'occasion d'une levée de fonds au printemps 2017.

Passée à une vitesse phénoménale du statut de start-up à celui de géant de l'économie collaborative, au même titre qu'Uber par exemple, Airbnb propose près de 5 millions de logements, dans 81 000 villes et près de 200 pays.

La société a su capter «une demande montante, touristique et professionnelle, pour un hébergement plus libre et spacieux au coeur des grandes villes», résume l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur) dans une note publiée en juin.

Mais pour l'hôtellerie notamment, le succès d'une activité de location en ligne non soumise aux mêmes contraintes légales et fiscales constitue un manque à gagner.

Et du côté des municipalités, «de nombreuses inquiétudes» sont nées, car ces locations alimentent la hausse des prix et des loyers, note l'Apur, amenant nombre de métropoles européennes -mais aussi New York ou Tokyo- à règlementer de plus en plus cette activité.

Ainsi Paris, premier marché mondial d'Airbnb avec quelque 60 000 logements à louer, l'a-t-il assigné en justice, ainsi que son concurrent Wimdu. Et un encadrement renforcé - sanctions accrues contre les propriétaires dans l'illégalité, premières amendes pour les plateformes - a été voté au parlement français en juin.

En Espagne, les villes font preuve d'ingéniosité - limitation aux rez-de-chaussée, entrée indépendante exigée - pour contenir ces locations, tandis que Palma de Majorque s'apprête à les interdire purement et simplement, après les avoir vu bondir de 40% entre 2013 et 2017.

À Madrid, où 9000 appartements seraient loués à des fins touristiques dont 2000 sans licence, la municipalité de gauche radicale s'est fixé pour objectif, d'ici fin 2018, d'en sortir 95% du cadre d'une offre locative légale.

«Double langage»

Et à Barcelone, où les habitants protestent face aux tapages nocturnes de fêtards de passage, plus aucune licence ne sera attribuée à des appartements isolés dans le centre historique.

Aux Pays-Bas, Amsterdam a signé un accord «unique en Europe» en décembre 2016 avec Airbnb, rendant impossible la location d'un appartement pendant plus de 60 jours par an.

En Allemagne, Berlin, dont les prix immobiliers ont fortement grimpé ces dernières années, avait adopté en mai 2016 une politique particulièrement stricte: seule la location d'une pièce de son appartement est autorisée, sous peine d'une amende de 100 000 euros. Mais la ville l'a assouplie depuis le 1er mai.

Le 15 juin dernier, des responsables de cinq municipalités, Lisbonne, Madrid, Barcelone, Amsterdam et Paris - bien qu'absent, Berlin y est associé - se sont réunis pour la première fois, pour «faire état de l'ampleur du phénomène et comparer (leurs) politiques publiques» dit à l'AFP Ian Brossat, adjoint au Logement (PCF) de la maire de Paris Anne Hidalgo.

Et 12 municipalités européennes se réuniront le 5 juillet à Bruxelles avant de rencontrer, à l'automne, la commissaire européenne au marché intérieur Elzbieta Bienkowska.

«Nous sommes confrontés au double langage de la plateforme qui d'un côté joue les bons élèves et dit qu'elle va respecter la loi, et de l'autre, mène un lobbying intense à Bruxelles», explique M. Brossat.

Les plateformes de location touristiques ont déposé des plaintes auprès de la Commission européenne pour contester les législations nationales de la France, l'Espagne, la Belgique et l'Allemagne, mais celle-ci ne prévoit pas pour l'instant, d'ouvrir de procédure d'infraction envers l'un de ces pays.

Malgré ces turbulences, Airbnb a contribué à faire évoluer positivement le secteur du tourisme, concèdent des professionnels.

«Ils ont fait un travail remarquable, en facilitant la réservation, la préparation du voyage, la mise en contact et l'échange très rapides avec l'hôte», dit à l'AFP Fabrice Collet, directeur général du groupe B&B, numéro trois français de l'hôtellerie économique.

Et leurs prix «ont permis à des familles qui ne voyageaient pas jusque là, de le faire».