À l'aube de ses 50 ans, en août 2015, Marc Provencher a pris la route pour une aventure en solo et un projet de film qui allaient changer le regard qu'il porte sur la vie. Avec quelques pas de recul, il réalise à quel point cette expérience a été bénéfique et introspective.

Marc Provencher, 52 ans 

Destination: les routes isolées du nord du Québec, Terre-Neuve-et-Labrador et les provinces maritimes

Durée: 28 jours

Comment a germé l'idée de ce voyage et pourquoi avez-vous choisi cette destination? 

L'idée était de faire un voyage à moto. Ça faisait 10 ans que j'y pensais. Au départ, je cherchais des routes éloignées comme celles en Alaska ou en Amérique du Sud. Plus je faisais des recherches, plus je réalisais que ça avait déjà été fait. Ça perdait de sa saveur. Puis, je me suis demandé ce qu'on avait ici. Avant d'aller voir le lac des autres, pourquoi je n'irais pas voir de l'autre côté de mon lac à moi? C'est en regardant la carte du Québec que le trajet s'est dessiné.

Aviez-vous des attentes ou des peurs avant le départ? 

Il n'y avait pas d'attentes. Que l'inconnu et les peurs. Des peurs rationnelles en lien avec la moto et la mécanique, et une grande peur personnelle. L'élément qui m'inquiétait le plus, c'était moi. Est-ce que j'allais relever le défi que je m'étais lancé ou abandonner? Je devais décrocher et déconnecter complètement. Quitter ma vie. Plus de repères, me retrouver seul avec moi-même. C'était ça, ma plus grande peur.

Si vous aviez à décrire un moment fort de ce voyage, un moment charnière, quel serait-il? 

J'étais environ aux trois quarts de mon voyage et j'arrivais à l'Île-du-Prince-Édouard. La portion difficile du trajet, les routes isolées et le gravier, était terminée. J'ai croisé un homme qui a regardé ma moto et m'a demandé où j'allais. C'est en réfléchissant à la réponse que j'ai compris que l'important n'était pas où j'allais, mais bien d'où je venais. J'ai fait le parallèle avec ma vie, j'ai compris qu'à 50 ans, si je prenais le temps de regarder en arrière, je pouvais voir et m'attarder à toutes les belles choses que j'avais faites. Ç'a été un moment charnière pour moi, dans le voyage comme dans ma vie. Le voyage était réussi, la vie avant 50 ans aussi. C'est une des choses que j'ai retenues de ce voyage: ce n'est pas où je vais, mais bien d'où j'arrive.

En quoi ce voyage a-t-il été inspirant pour vous?

Avant, lorsque j'étais face à quelque chose de difficile, mes 10 années dans les Forces armées canadiennes me donnaient le courage de continuer, parce qu'on m'y a amené à me dépasser. Ce voyage a été la somme de 10 ans dans les Forces, ma vie amoureuse, ma vie familiale et mes expériences de travail. Je crois que c'est pour ça que je l'ai réussi, que je l'ai complété. Aujourd'hui, face à n'importe quel défi, je vais penser à un bout de route que j'ai fait, à une conversation que j'ai eue, à un problème mécanique que j'ai résolu, comme s'il n'y avait plus rien d'impossible.

Photo Virgil Héroux Laferté, fournie par Marc Provencher

Pour Marc Provencher, le grand défi aura été celui d'oser sortir de sa zone de confort.

Selon vous, est-ce que l'idée de partir à l'aventure est suffisamment encouragée dans notre société d'aujourd'hui? 

On valorise les voyages, mais c'est facile de trouver de bonnes raisons pour ne pas partir. C'est important de rappeler que l'on n'a pas besoin de la dernière technologie pour prendre le large. La moto, par exemple: dans mon cas, j'ai fait le voyage avec une Honda Goldwing vieille de plus de 35 ans que j'ai achetée à 900 $. J'aurais pu choisir quelque chose de beaucoup plus récent, mais cette moto est devenue ma complice... Avec peu de choses et peu de moyens, on peut voyager grand et loin. Lorsqu'on se force à être plus débrouillard, on se force à être plus connecté avec soi-même et avec ce qui nous entoure. Et c'est là que l'aventure commence.

Qu'est-ce qu'il vous reste de ce voyage? 

En préparant le voyage, il y a eu cette idée de film. Virgil Héroux Laferté et Cédric Corbeil m'ont accompagné jusqu'à Chibougamau. J'ai poursuivi la route avec deux caméras GoPro et un appareil photo. J'ai ramené les images et Virgil, le réalisateur, a ramassé tout ça. Je lui ai laissé carte blanche. Le résultat, c'est No Highway, un film tout sauf linéaire où je partage certaines de mes pensées les plus profondes...

Photo fournie par Marc Provencher

Hésitant entre l'Alaska et l'Amérique centrale, il a finalement arrêté son choix sur un trajet au Québec qui le pousserait sur des chemins difficiles et isolés. «Je me sentais comme une fourmi sur le terrain d'un géant», illustre le voyageur.