Parcourir le continent pour le raconter, voilà l'objectif que s'est fixé Bertrand Hallé, qui vient de prendre le large avec le véhicule né de ses mains de bricoleur. Nous l'avons rencontré quelques jours avant son départ.

«Je comprends les jeunes d'aujourd'hui de s'intéresser à la vie de "vanneur". Quand ils paient un appartement à Montréal, combien d'argent leur reste-t-il pour faire autre chose, pour vivre?»

Ancien publicitaire devenu artisan et bricoleur, Bertrand Hallé se dit gitan dans l'âme. Depuis l'incendie de sa maison de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, en février dernier, il n'a plus de domicile fixe, seulement une boîte postale. Il vit dans son véhicule récréatif, de même qu'à son atelier de Saint-Fortunat.

Il y a cinq ans, l'homme de 66 ans a entrepris la construction d'un deuxième campeur, celui-là fabriqué sur le châssis d'un vieux Ford Ranger 1989. Au moment de publier ces lignes, il est probablement rendu quelque part dans le nord de l'Ontario. «Ce projet alimente mes trois passions: le bricolage, le voyage et les rencontres, nous a-t-il raconté quelques jours avant son départ. C'est à travers les gens que je veux faire découvrir de beaux coins de pays. Je vais écrire tout ça dans mon blogue; en fait, je veux devenir chroniqueur voyage weirdo

Ses récits et vidéos seront regroupés à l'adresse Germaine.tv et prendront la forme de rubriques aux thèmes éclatés, à l'image de leur auteur: dans la rubrique Tour de machine, Bertrand Hallé invitera les gens qu'il croise à faire connaître leur plus beau bout de route, alors que Dedans la saucisse se veut «une façon de découvrir l'origine des gens à travers leurs recettes de saucisses, un mets universel s'il en est un!»

Bon vivant, Bertrand Hallé assume son côté loufoque, mais avec tout le sérieux nécessaire.

«Il y a bien des choses que je fais pour rire, mais ma démarche est très sérieuse: je ne fais pas de farce avec le plaisir!»

Bertrand Hallé tenait à parcourir le Canada et les États-Unis au volant d'un Ford, parce qu'il s'agit selon lui d'un puissant symbole américain. «Je l'ai acheté à Seattle avec près de 150 000 milles au compteur, nous a-t-il expliqué. J'ai bien tenté d'en trouver un ici, mais leurs châssis étaient tous pourris. J'ai mis 2000 heures dans la construction de mon campeur, chaque morceau a été gossé à la main, en m'inspirant des premières roulottes, construites dans les années 40.» Le bricoleur a aussi investi 4500 $ en réparations mécaniques, notamment en changeant la transmission, les pompes à eau et à essence et les lames de la suspension arrière.

Quant à la section habitable, elle est truffée de sections escamotables qui cachent la toilette ou qui permettent d'aménager espaces de travail ou de cuisson. Celui qui n'avait jamais tenu un marteau ou un tournevis avant l'âge de 42 ans a taillé chacun des deux côtés dans une seule feuille de contreplaqué, le toit est en toile de polymère polie et vernie. Le tout est isolé avec des panneaux de polystyrène. «C'est parfaitement étanche, ça coupe même le son, je n'entends rien, même en ville», nous a assuré M. Hallé.

Photo François Roy, La Presse

Bertrand Hallé a taillé chacun des deux côtés de la section habitable dans une seule feuille de contreplaqué, le toit est en toile de polymère polie et vernie.

L'Amérique d'abord

Bertrand Hallé parle de son voyage comme de sa propre «route 66», en référence au mythe entourant la célèbre route américaine. «Ça fait 66 ans cette année que Jack Kerouac a écrit Sur la route, et 1951 est aussi mon année de naissance, a-t-il expliqué. Aussi, mon idée est d'être de retour à Montréal après 66 jours de voyage.»

Son itinéraire doit notamment l'amener à Hearst - «Pour aller voir des cousins» -, dans l'île de Vancouver - «Pour retrouver des gens chez qui j'ai travaillé» -, à Seattle - «Pour aller voir le petit mononcle qui m'a vendu mon camion» -, en Californie et ensuite lui faire suivre l'ancien tracé de la route 66, entre Phoenix et Chicago.

Bertrand Hallé voit ce premier voyage comme un projet pilote, parce qu'il a d'autres idées en tête. «L'an prochain, je veux amener mon campeur en Europe, nous a-t-il raconté. Avec mon autre VR, j'ai aussi l'intention de passer un moment à New York. Je vois tout ça comme un long détour avant de me rendre au cimetière. Mais ce n'est pas pour demain: ils vont me rentrer à coup de pelle au CHSLD, je ne suis pas à la veille d'arrêter!»

Modèle réduit

Bertrand Hallé a modifié à la main 101 petites voitures qu'il a vendues 50 $ pièce en appui à son voyage. Il a mis 600 heures sur le projet qui se veut aussi une forme de campagne de publicité. Plusieurs personnalités connues ont encouragé l'artisan voyageur en achetant un modèle réduit de son campeur, notamment Fred Pellerin, Lisa LeBlanc, Michel Barrette et Richard Desjardins.

Photo François Roy, La Presse

La section habitable est truffée de sections escamotables qui cachent la toilette ou qui permettent d'aménager espaces de travail ou de cuisson.