La grève des pilotes d'Air France est déjà la plus longue depuis 1998, et l'horizon ne semble pas se dégager pour la compagnie: vendredi, les discussions étaient toujours au point mort et la journée de samedi s'annonçait encore compliquée pour les passagers.

Pour le premier jour du week-end et sixième jour du conflit, 45 % des vols doivent être assurés avec un taux de grévistes toujours estimé à 60 %, des chiffres qui n'évoluent pas.

Dans un communiqué du 15 septembre, Air France a indiqué que les passagers dont le vol aurait été annulé à cause de la grève des pilotes obtiendront une compensation en plus de remboursement de leur billet. Le montant de la compensation s'élève à 250 euros (351 dollars) pour les vols domestiques, à 400 euros (562 dollars) pour les vols européens et à 600 euros (843 dollars) pour les long-courrier.

Les préavis reconductibles du SNPL AF Alpa (majoritaire) et du Spaf (deuxième syndicat) courent jusqu'à lundi. Mais la grève pourrait se prolonger au-delà, voire dépasser la durée du mouvement social de dix jours de 1998. Samedi, le SNPL annoncera en effet si ses adhérents décident de reconduire le mouvement jusqu'au 26, après un référendum auquel ont déjà participé plus de 70 % des pilotes, selon Jean-Louis Barber, président du syndicat.

Et, a-t-il prévenu vendredi après une assemblée générale qui a rassemblé «environ 400 pilotes» à Roissy, «la détermination est intacte, la mobilisation est intacte et elle est très forte».

Ni les propositions de la direction, ni les appels à cesser la grève, notamment du premier ministre, Manuel Valls, n'ont entamé la détermination des pilotes, opposés aux conditions de développement de la low cost du groupe, Transavia.

Pour faire face à la concurrence, le groupe AF-KLM veut développer la flotte de cette compagnie en France en attirant des volontaires d'Air France. Il veut aussi ouvrir de nouvelles bases Transavia en Europe dès 2015, avec des pilotes sous contrats locaux.

Mais les syndicats redoutent un «dumping social» et des «délocalisations» au détriment des emplois français.

«Les pilotes sont tous favorables au développement de Transavia France, mais pas n'importe comment et pas en délocalisant nos emplois», a assuré vendredi M. Barber.

Après avoir proposé mardi de limiter temporairement l'extension de Transavia à 30 avions en France jusqu'en 2019, Air France a mis sur la table mercredi soir une deuxième offre: conclure avec les syndicats un accord délimitant les activités de Transavia.

Une proposition «largement insuffisante», pour M. Barber et «pas acceptable» pour le Spaf.

«Que peut-on faire face à un mur?»

«J'en viens à me demander s'il y a vraiment (chez les syndicats) une volonté de négocier», a observé jeudi le PDG d'Air France KLM, Alexandre de Juniac, en rappelant que la grève coûte chaque jour «10 à 15 millions d'euros» à la compagnie, qui «sort à peine la tête de l'eau».

Le PDG a repoussé la demande des syndicats d'un contrat de pilote unique pour les gros avions de toutes les compagnies du groupe et les discussions ont pris des airs de dialogue de sourds.

«Les négociations reprennent cet après-midi sans grand espoir, on est face à un mur et que peut-on faire face à un mur?», a indiqué vendredi une source proche de la compagnie, jugeant «probable» la reconduction de la grève.

La direction «reste dans ses provocations et sans véritables propositions qui fonctionnent», a dénoncé de son côté M. Barber.

Le président du premier syndicat de pilotes a par ailleurs assuré que les autres catégories de personnel (hôtesses et stewards et personnels au sol) «commencent à comprendre où cette direction veut en venir avec son projet de délocalisation».

Au sein de la compagnie, la grève ne fait toutefois pas l'unanimité, plusieurs syndicats ayant notamment qualifié le mouvement de «corporatiste».

«Le personnel au sol d'Air France refusera de payer la facture de ce gâchis», a prévenu FO vendredi, pointant un conflit qui est «en train de détériorer sérieusement les comptes de l'entreprise».

Le Spaf a aussi accusé Air France de «détourner» la loi Diard encadrant le droit de grève dans le transport aérien et a assigné l'entreprise au tribunal. Une démarche «particulièrement abusive» pour l'avocat de la compagnie. La décision a été mise en délibéré au 24 septembre.

Du côté des aéroports, le taux d'annulation dépassait les 50 % vendredi dans certaines villes comme à Toulouse (70 %), Lille (75 %) ou Marseille (75 %), Montpellier (60 %), mais il était parfois aussi inférieur, comme à Rennes (25 %). La situation est restée calme jusqu'à présent, aucun vol n'étant annulé à chaud.