Le bras de fer entre Air France et ses pilotes s'est poursuivi mercredi et la grève, que le premier ministre demande «d'arrêter», ne semblait pas près de s'essouffler, avec encore seulement quatre avions sur dix prévus jeudi.

Au troisième jour de grève, «la profession est derrière nous, la mobilisation est forte, ça montre que notre combat est juste», a déclaré Jean-Louis Barber, président du SNPL AF Alpa (syndicat majoritaire), à l'issue de la première assemblée générale organisée depuis le début du conflit.

Des vols Montréal-Paris ont été annulés. Les détenteurs d'au moins un vol avec Air France, prévu jeudi soir, ont été avisés d'une annulation, a appris La Presse.

Plus de 250 pilotes ont pris part à la réunion. À leur sortie, la plupart refusaient de parler à la presse. Le message de l'AG était «tenir bon sur le contrat unique», a résumé François Hamant, du syndicat Alter (non représentatif).

Ce contrat pilote unique pour toutes les compagnies du groupe Air France (Air France, Transavia, Hop!) est la condition posée par les syndicats pour soutenir les projets de développement de la filiale low cost du groupe Transavia, à l'origine du conflit.

Trop cher, répond la direction. Pour réagir à la concurrence toujours plus vive de transporteurs à bas coûts, le groupe AF-KLM souhaite développer la flotte de Transavia en France en attirant des volontaires d'Air France. Il veut aussi ouvrir de nouvelles bases Transavia en Europe dès 2015, avec des pilotes sous contrats locaux.

Défendant leurs conditions de travail, plutôt avantageuses, les syndicats disent craindre à terme des transferts de lignes vers la low cost.

Selon une source interne d'Air France, le coût horaire des pilotes est 40% plus élevé chez Air France que chez Transavia. En moyenne, les pilotes d'Air France sont payés entre 75 000 et 250 000 euros, selon le grade, l'ancienneté et l'affectation.

Une nouvelle réunion de négociation avec la direction dans la matinée n'a pas permis d'avancer. Depuis lundi, la grève est massivement suivie, par 60% des pilotes selon la direction (75% selon le SNPL AF Alpa).

Autant de grévistes se sont déclarés pour jeudi, selon la compagnie, malgré l'appel de Manuel Valls à arrêter le mouvement.

«Il faut arrêter cette grève» qui «n'est pas comprise», a réagi le premier ministre peu après que son ministre de l'Économie Emmanuel Macron eut appelé l'entreprise «à quelques concessions».

90% d'annulations à Nice

C'est un «projet de développement», «je ne comprends pas pourquoi tout le monde ne veut pas s'y associer», a dit le PDG d'AF-KLM Alexandre de Juniac. La compagnie a fait des propositions «raisonnables», a-t-il ajouté, lors d'une visite à Roissy pour remercier les pilotes qui volent.

La direction a annoncé qu'elle allait déposer plainte mercredi contre un compte Facebook recensant les pilotes non grévistes, en dénonçant des intimidations.

Selon Air France, 40% des vols étaient assurés mercredi, comme la veille, après moins de 50% au premier jour. La direction annonce pour jeudi «42% de vols maintenus». À Nice, 90% des vols ont été supprimés en amont, 75% à Toulouse et Lyon. Dans l'Ouest (Rennes, Brest, Nantes), entre 40 et 50%.

Dans les aérogares parisiennes, la journée ressemblait aux précédentes, avec plus de la moitié des vols annulés. Mais pour la première fois, des départs de vols long-courriers n'ont pas été assurés à Orly, a souligné une source aéroportuaire.

Air France recommande toujours à ses clients ayant un vol d'ici au 22 de reporter leur voyage ou changer leur billet sans frais.

Un mouvement d'une semaine serait le plus long conflit mené par des pilotes d'Air France (groupe Air France-KLM) depuis 1998. La direction évalue son coût de 10 à 15 millions d'euros par jour, hors dédommagements.

Si le conflit continue, «il pourrait mettre en péril les emplois de l'entreprise», s'est alarmé le syndicat FO des agents de maintenance. Il déplore - comme la CFE-CGC et la CFDT - que cette grève sape les efforts réalisés par les salariés depuis 2012.

Le préavis reconductible du SNPL court jusqu'au 22 septembre, ceux du Spaf (deuxième syndicat) et Alter (non représentatif) jusqu'au 20. Le SNPL AF Alpa décidera vendredi s'il reconduit au-delà lundi le mouvement. Le SNPL, défendra sa place de premier syndicat en mars prochain lors des élections professionnelles, «ne peut plus faire marche arrière», observait un représentant syndical.