Les compagnies aériennes s'efforcent de détecter la moindre défaillance physique ou mentale de leurs équipages, sans pour autant être à l'abri d'un comportement irrationnel imprévisible tel que celui de ce commandant de bord qui a semé l'effroi mardi dernier dans un avion américain.

Un appareil de la compagnie JetBlue, parti de New York, avait dû être dérouté, en raison du comportement erratique du commandant, maîtrisé par des passagers alors qu'il sortait des toilettes en criant des propos incohérents sur Jésus, le 11-Septembre, l'Irak, l'Iran et les terroristes.

Chez Emirates, Air France et easyJet, on souligne que ce genre d'incidents est «rarissime». Pour s'en prémunir, elles n'ont d'autres choix que de scruter leurs personnels et remettre sans cesse en cause leur compétence.

«Il n'y a pas de métier plus surveillé en médecine d'aptitude professionnelle», que celui de navigant, estime le docteur Jean-François Paris, médecin chef du CEMA (centre d'expertise et de médecine aéronautique de Roissy) d'Air France, qui pratique l'expertise aéro-médicale depuis 20 ans.

Les personnels d'Air France sont examinés tous les ans jusqu'à 60 ans, et tous les 6 mois après 60 ans pour les pilotes. «Le check up est très complet: interrogatoire, examen clinique, électrocardiogramme, audiogramme, examens ophtalmologiques et ORL, bilan biologique sanguin et urinaire», poursuit le Dr Paris.

Un entretien individualisé passe ensuite tout au crible: fatigue, recherche d'éventuelles addictions (tabac, alcool), soucis familiaux et professionnels.

«Le but est d'évaluer comment ils gèrent tout cela et de détecter un éventuel retentissement sur leurs capacités professionnelles», explique le médecin.

Les navigants d'Emirates sont également scrutés à la loupe.

«Des tests psychologiques permettant de mesurer le comportement du personnel navigant/pilotes face à des situations de stress, petit ou grand, démarrent dès les premières sessions de recrutement Emirates avec des mises en situation», explique une porte-parole.

Et ils se poursuivent tout au long de leur vie professionnelle. Même chose chez Air France où on apprend à gérer passagers indisciplinés et collègues en incapacité (malaise, maladie, surmenage) avec l'objectif prioritaire de «sanctuariser» le cockpit pour contrôler la trajectoire de l'avion.

Chez easyJet, la visite médicale se déroule tous les deux ans avec un bilan «purement biologique». Pour autant, une détection a lieu avant chaque rotation, explique Eric Cunnac, chef de cabine et délégué syndical Unac.

«Il y a des questions de sécurité et de secourisme posées à chaque navigant à chaque briefing. Si l'un se trompe, il doit s'en expliquer auprès de la direction et il est remplacé sur le champ par un personnel de réserve», explique-t-il.

Enfin en Europe, le Centre expertise médical du personnel navigant (CEMPN) a la responsabilité de délivrer un certificat d'aptitude physique et mentale tous les ans après 40 ans pour les pilotes, souligne Eric Prévot, commandant et porte-parole de la Direction générale des opérations aériennes d'Air France.

Si bilans médicaux et maintien de compétence semblent efficaces globalement, pour détecter les navigants défaillants, les personnels évoquent leur expérience de gestion de l'humain dans un espace clos particulier.

«Après 20 ans d'expérience, on repère assez vite le collègue qui ne va pas bien et on n'hésite pas à l'inciter à s'arrêter», raconte M. Cunnac, tout en concédant qu'un coup de folie consécutif à un surmenage reste difficile à anticiper.

La prévention des défaillances physiques est en revanche telle que les compagnies servent à leurs équipages des plateaux repas provenant de chaînes du froid différentes pour éviter une intoxication alimentaire collective.