Pour la troisième année consécutive, le Salon mondial du tourisme de Paris (15-18 mars, Porte de Versailles) offrira une vitrine aux offres touristiques créées pour la communauté gaie et lesbienne.

Pour l'occasion, Stéphane Moran, rédacteur en chef de Têtu Voyage, magazine français dédié aux homosexuels, revient sur le développement des séjours à destination de cette clientèle. Ce tourisme se démocratise lentement mais sûrement, et pour cause: en moyenne plus aisée que les autres touristes, cette clientèle attire les convoitises des professionnels du secteur.

Le Salon mondial du tourisme de Paris consacre cette année encore un espace à la communauté gaie et lesbienne. En a-t-elle encore besoin?

Cela fait trois ans que l'espace Gai & Lesbien est installé au Salon mondial du tourisme. Au fil des années, nous constatons bien entendu un intérêt de la part de la clientèle homosexuelle, mais aussi du grand public, qui s'interroge sur la différence des offres proposées aux gais et aux hétéros. Cette présence dans un salon grand public permet de banaliser le tourisme gai et lesbien, ainsi que de répondre aux interrogations de tous.

Tel-Aviv a récemment été élue destination la plus «gay friendly». La République tchèque exposera pour la première fois dans l'espace Gay & Lesbien du Salon mondial du tourisme... Quelles sont les destinations à la mode?

Ce n'est pas un hasard que Tel-Aviv plaise autant. Il faut dire que la destination a fait des efforts importants pour attirer cette clientèle. Le Brésil reste aussi une grande tendance touristique chez les homosexuels, aux côtés des destinations classiques comme New York, Ibiza ou Barcelone. En Afrique, Le Cap a aussi réussi à draguer la clientèle gaie et lesbienne, car la ville d'Afrique du Sud prône une tolérance totale pour les homos, du moins sur le papier. Le seul souci avec Le Cap, c'est qu'il demeure une destination un peu coûteuse. Concernant la République tchèque, c'est vrai que c'est un spot qui monte. Prague est un peu l'exception en Europe de l'Est, dans le sens où elle s'affiche clairement «gay friendly». À l'inverse, des pays comme la Bulgarie et la Roumanie restent encore très fermés à l'homosexualité. En somme, les destinations qui allient beau temps, plage en pleine ville, soirées et clubbing, shopping, et «beaux gosses» ne peuvent que plaire à la clientèle homosexuelle.

Ce n'est pas un peu cliché?

Oui, évidemment. Mais il faut savoir que les touristes gais et lesbiens recherchent des destinations tolérantes, où ils n'auront pas besoin de se cacher et où ils ne seront pas jugés. Il est donc normal qu'ils préfèrent les grandes villes, souvent plus tolérantes. Mais à côté de cela, certains ne veulent pas se retrouver «entre eux». Ils sont nombreux à tenter des destinations moins ouvertes. Mais dans ce cas-là, ils adaptent leurs comportements, en respect des règles en vigueur, comme les femmes peuvent le faire quand elles vont dans des pays où il ne faut pas se balader en mini-jupe.

Sur le marché, est-ce que les grands voyagistes, réputés comme plus familiaux, s'y mettent?

Non, c'est encore rare. Mais cela s'explique très logiquement par le fait que la communauté homosexuelle préfère souvent des vacances sans enfants, donc elle ne va pas se tourner vers des Fram ou des Look Voyages, qui proposent surtout des produits spécifiques pour les familles. Toutefois, rien n'empêche un couple homosexuel de se tourner vers une agence classique pour lui demander de lui concocter un voyage spécifique. Voyageurs du Monde, par exemple, fait ça très bien.

Quelle évolution de l'offre constatez-vous?

L'offre se multiplie, grâce à la création de voyagistes spécialisés. Et phénomène assez nouveau, depuis deux, trois ans, des croisiéristes mettent sur pied des périples 100% homosexuels. L'offre évolue, mais cela pourrait être nettement être mieux. Les établissements, voire les compagnies aériennes, comme American Airlines, qui s'identifient comme «gay friendly», sont plus nombreux qu'il y a encore quelques années.

N'est-ce pas assez stigmatisant de devoir se tourner vers des offres «gay friendly»?

Oui et non. Disons que bien sûr, ce serait mieux de se dire que les gais et les lesbiennes sont acceptés partout, sans regards suspects. Mais ce n'est pas encore le cas. Donc dans un sens, c'est toujours important d'avoir une visibilité sur ces offres «gay friendly» et en termes de marketing, pour ces marques, c'est nettement plus porteur.

Il est donc important, voire indispensable de «draguer» la clientèle homosexuelle?

La clientèle homosexuelle est en moyenne assez aisée. Elle aime sortir et consommer. Donc elle génère pas mal de revenus et il est important pour les destinations de les attirer, c'est évident.

Est-ce encore difficile de voyager dans des pays où il n'y a pas d'offres spécifiques?

Une personne homosexuelle peut voyager partout, même sans offres spécifiques. Par contre, mais là c'est du bon sens, comme je vous l'expliquais, elle adaptera son comportement au pays d'accueil. Si je vais à Oman, je ne tiendrai pas la main de mon ami, ni ne l'embrasserai en pleine rue.

Et la France dans tout ça, une destination «gay friendly»?

Je pense que la France n'a pas à rougir, que ce soit dans les grandes villes ou en campagne. Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'exception, mais dans l'ensemble la situation est bonne ici. Les maisons d'hôtes «gay friendly» se multiplient, par exemple. En Europe occidentale, la tolérance semble la norme, même si ce n'est pas encore le cas de tous les pays de l'Ouest, comme l'Italie, qui reste encore très méfiante.