C'est la tendance en vogue chez les voyagistes, les offres de «première minute» fleurissent partout. Objectif: mieux gérer les réservations (et donc les marges), fidéliser des clients volontiers volatils en ces temps économiques tendus et renverser la vapeur du «dernière minute».

Ce phénomène démarré discrètement il y a quelques années est en pleine expansion depuis l'an dernier: «Premières Minutes» chez VVF et Marmara, «Réservez tôt» chez Look Voyages, «Premiers servis» chez Thomas Cook, «Les éphémères» chez Jet Tours, «Avant-première» chez Fram, «Happy first» au Club Med...

Certaines offres ont été lancées dès octobre pour des séjours à l'été 2012, d'autres ont démarré début janvier. En général, elles proposent entre 5 et 20% de réduction sur les tarifs de l'été, et portent presque toujours sur des séjours clubs, même si certaines promotions touchent des circuits organisés.

Les voyages de «premières minutes» sont parfois limités (les 10 000 premières réservations chez Look Voyages), parfois vastes (84 000 places chez Fram). Et si certaines promotions sont réservées aux clients fidèles (VVF), la plupart ciblent tous les publics.

L'offre «Premières Minutes» existe depuis 10 saisons (soit 5 ans) chez Nouvelles Frontières, mais elle a bondi «d'environ 5 points entre les ventes de l'hiver 2010/2011 et la saison en cours», selon le groupe.

«Nous pratiquons ces offres depuis trois ans environ, sur tous nos produits, et ça marche très bien: cela permet aux clients qui veulent s'organiser tôt d'avoir un choix très large et de belles conditions (en termes de prix)», explique Mathieu Carré, porte-parole de Thomas Cook France.

Une semaine à Héraklion en Crète peut revenir à moins de 500 euros tout compris l'été prochain, une semaine en Tunisie à 350 euros... Des conditions financières proches des ventes de dernière minute (VDM).

Outil marketing

Quel intérêt les voyagistes ont-ils à baisser leurs prix dès l'ouverture des catalogues ?

«C'est une tentative de renverser la tendance naturelle de beaucoup de consommateurs» à attendre les bons plans de dernière minute, désormais très ancrée, concède Franck Noël, directeur des ventes de VVF.

«Car pour nous le modèle des VDM est pénalisant, on brade ce qui reste», renchérit Georges Vialard, directeur de la production chez Fram. «Et avec les premières minutes, les marges ne sont pas les mêmes...», glisse-t-il.

La réservation précoce («early booking») a d'autres avantages. Les voyagistes engrangent un capital appréciable de réservations dès le démarrage de la saison: «En deux semaines, on a fait déjà 10% de notre chiffre d'affaires de l'été», dit Franck Noël.

«Cela nous permet aussi de voir ce qui marche et de réorienter» les offres pour le reste de la saison, souligne Patrice Caradec, PDG de Transat France (Look Voyages, clubs Lookéa...), qui y voit «un vrai outil marketing».

Ces opérations permettent en outre de fidéliser des clients, ce qui «est intéressant en période de crise», juge Franck Noël.

Patrice Caradec y voit «un modèle gagnant-gagnant»: «On touche là un public qui a un vrai choix de vacances et des moyens», nettement plus convoité que celui des «dernières minutes».

Cette année, les offres spéciales dans les clubs Lookéa «font un tabac» avec 4000 séjours de réservé depuis mi-décembre «soit le double de l'an dernier à la même date», selon M. Caradec.

Fram a lui fait le plein avec 40.000 offres cet hiver: «presque tout est parti!», selon M. Vialard.

Les voyagistes convertis à ce modèle «ont beaucoup de stocks», relève le président de l'Association des tours opérateurs CETO, René-Marc Chikli. «Mais en fait, personne n'a spécialement envie de faire une réservation à l'avance: c'est une situation qui disparaîtrait si les voyagistes retrouvaient une croissance à deux chiffres», dit-il.