Qui n'a pas déjà rêvé de lâcher son job pour partir à la découverte du monde? Jodi Ettenberg, une Montréalaise de 31 ans, a réalisé ce rêve il y a trois ans et a sillonné tous les continents - sauf l'Antarctique - depuis son départ, multipliant les aventures, les rencontres et les découvertes culinaires.

Adepte des médias sociaux, elle est même devenue une référence dans le monde du voyage: son blogue Legalnomads.com (en anglais) reçoit 17 000 visites par mois; il occupe la quatrième position parmi les plus influents dans le monde du voyage selon le site Influencers In Travel, et la septième place sur la liste des meilleurs blogues de voyage de 2010 selon le site elliott.org, tenu par un expert dans le domaine.

Pourquoi Legalnomads? Parce qu'avant de devenir voyageuse professionnelle, cette anglophone qui a grandi à Pointe-Claire et étudié à McGill a été avocate pendant cinq ans dans un grand bureau de New York. Dès le début de ses études en droit, la jeune femme a décidé de mettre les voiles aussitôt qu'elle aurait amassé un pécule suffisant. «J'ai choisi de devenir avocate pour pouvoir mettre beaucoup d'argent de côté en peu de temps. Mon but ultime, c'était de partir découvrir le monde», explique-t-elle, en entrevue par Skype depuis Chiang Mai, en Thaïlande, où elle s'est installée pour quelques mois.

Alors que le boulot l'accaparait 60 heures par semaine, Jodi gardait son objectif en tête et déposait religieusement une partie de son salaire dans son compte «voyage», plutôt que de dépenser comme ses collègues pour des fringues, des restos de luxe, une belle voiture ou un logement coûteux. En avril 2008, avec 60 000$ en banque, elle a mis le cap sur l'Amérique du Sud, première étape de son périple. Du Chili à l'Équateur, en compagnie d'une amie, elle a passé plus de deux mois sur ce continent, avant de traverser l'Atlantique jusqu'en Afrique du Sud. Malheureusement, ses plans pour se rendre ensuite à l'assaut du Kilimandjaro ont été déjoués: elle a dû rentrer aux États-Unis pour soigner une grave bronchite.

Après deux mois à refaire ses forces, la voyageuse - seule, cette fois - s'est envolée pour la Russie. De là, elle a réalisé un rêve de jeunesse en s'embarquant sur le Transsibérien à destination de la Mongolie. Elle a ensuite visité la Chine, l'Asie du Sud-Est, l'Indonésie et l'Australie, utilisant les transports locaux, dormant dans les auberges de jeunesse ou les petits hôtels, et visitant les marchés pour découvrir les ingrédients et les recettes traditionnelles - elle se décrit comme une «obsédée de bouffe de rue».

Puisqu'elle a fréquenté surtout des pays où le coût de la vie est peu élevé, ses pérégrinations lui ont coûté à peine 10 000$ par année.

Expérience authentique

Pas question pour elle de passer en coup de vent dans les lieux qu'elle visite. «Je veux m'imprégner profondément de chaque endroit pour satisfaire mon désir d'apprendre, explique-t-elle sur son blogue. Je ne voyage pas dans le but de cocher des destinations sur une liste, mais plutôt pour tout absorber comme une éponge.»

Ses incursions hors des sentiers battus lui ont fait vivre des aventures rocambolesques. L'an dernier, le bateau de marchandises sur lequel elle descendait la rivière Ayeyarwady, dans le nord de la Birmanie, s'est échoué sur des hauts-fonds, alors que l'équipage n'avait aucun moyen de communication. Dans le même pays, elle s'est fait poursuivre par des singes alors qu'elle grimpait un sentier en montagne. Aux Philippines, sur un traversier, elle s'est fait réveiller par un coq qui a décidé de s'installer sur elle pour dormir. En Mongolie, dans le désert du Gobi, elle a partagé le quotidien d'une famille de nomades et a dormi dans une yourte chauffée à la bouse de vache. En Chine, elle a campé sur la grande muraille avec d'autres voyageurs, même si c'est illégal.

Elle s'est aussi retrouvée au coeur des manifestations qui ont secoué Bangkok au printemps 2010. L'appartement qu'elle louait alors dans la capitale thaïlandaise se trouvait tout près du lieu des affrontements entre l'armée et les «chemises rouges», dont elle a pu visiter le quartier général. Lorsque la confrontation est devenue violente, elle s'est transformée en «journaliste citoyenne» en témoignant sur son compte Twitter de ce qu'elle voyait. «Alors que les médias thaï disaient que tout était calme, moi j'envoyais sur Twitter des vidéos montrant qu'il y avait des coups de feu et des gaz lacrymogènes», raconte-t-elle.

La globe-trotter a eu plusieurs coups de coeur parmi les pays qu'elle a visités: la Birmanie, la Mongolie, les Philippines, la Thaïlande et, pour la nourriture, la Chine et la Malaisie. «Je me suis mise à aimer l'Asie beaucoup plus que je l'aurais cru, et c'est pourquoi j'y ai passé beaucoup de temps, dit-elle. J'aime manger dans la rue, j'aime les gens et les milliers de petites choses surprenantes qui me font sourire chaque jour.» Elle ajoute, à la blague, que c'est le seul endroit où elle trouve des vêtements à sa taille (elle mesure tout juste 5 pieds).

La route n'est-elle pas dangereuse pour une jeune femme seule? Jodi Ettenberg affirme qu'il ne lui est rien arrivé de fâcheux, mais elle prend tout de même quelques précautions: en plus d'éviter de marcher seule le soir dans des endroits isolés, elle traîne dans ses bagages un sifflet et un butoir de porte. Ironiquement, elle ne s'est rien fait voler sur la route, mais lorsqu'elle était en visite à New York, un cambrioleur a dérobé son ordinateur portable, son disque dur, son appareil photo et les cartes mémoire qui contenaient ses photos de voyage...