«Pour rentrer à Paris, je prends le train d'avions de 20 heures»: bizarre aujourd'hui, la phrase risque de devenir banale dans le futur, car elle révèle une des pistes de réflexion des experts chargés de penser l'avenir du trafic aérien.

Une bonne partie de cette réflexion, menée essentiellement par les experts européens et nord-américains, se déroule à l'OACI, l'Organisation de l'aviation civile internationale, à Montréal.

C'est dans les couloirs de sa tour très onusienne que l'on peut entendre parler de «trains d'avions», une procédure déjà existante pour les avions de chasse volant en formation serrée. Pour les contrôleurs aériens, il s'agit d'un seul objet volant bien identifié, réduisant d'autant leur charge de travail.

Une autre piste de réflexion porte le nom de «tunelling». Les systèmes automatiques de guidage, poussés jusqu'au bout de leur logique, feraient passer les avions dans des «tunnels» virtuels. Autrement dit, une partie du vol n'impliquerait aucun contact humain entre l'équipage et le contrôle aérien.

Ces visions futuristes «ne sont pas pour demain, mais sûrement pour après-demain», remarque le représentant de la France à l'OACI, Michel Wachenheim. Dans le domaine du transport aérien, il faut travailler aujourd'hui sur les situations à venir dans dix ou vingt ans. Avec une croissance moyenne de 4% ou 5% par an, le trafic aérien de passagers aura bientôt doublé.

Donc, il s'agit d'éliminer au plus vite plusieurs goulots d'étranglement: au niveau des aéroports, du contrôle aérien et de l'organisation des routes aériennes.

L'Europe a son programme en la matière, Sesar --Single European Sky, ATM (Air Traffic Management), Research--, et les États-Unis le leur, Next Gen. Le rôle de l'OACI est de veiller à les mettre en phase, sans oublier l'Asie qui connaît une croissance du trafic aérien à deux chiffres.

L'organisation a engagé un processus d'harmonisation devant déboucher sur une importante Conférence de navigation aérienne qui se tiendra à Montréal en 2012, après un symposium à l'automne 2011.

Jusqu'à maintenant, on a cherché à augmenter les capacités des aéroports en ajoutant de nouvelles pistes, et celles du contrôle aérien en divisant les secteurs de l'espace aérien surveillés par un contrôleur qui s'occupe au maximum de 15 avions simultanément.

Mais ces solutions ont leurs limites: dans bien des aéroports européens, il n'y a pas de place pour des extensions et un secteur trop petit traversé en quelques minutes par l'appareil rend la gestion beaucoup trop compliquée.

Du coup, l'idée maîtresse est de gérer la trajectoire de chaque avion en quatre dimensions - y compris celle du temps - pendant tout le vol, pour l'optimiser. Au-delà des bénéfices en capacité, on en attend des bénéfices économiques et environnementaux (diminution des temps de vol et des émissions de CO2).

«La pire chose, pour un aéroport, est d'avoir un avion qui tourne autour sans pouvoir se poser», souligne l'adjoint de M. Wachenheim, Farid Zizi.

Il y a d'autres progrès à faire, dans des domaines aussi divers que les prévisions météo et la diminution de la distance de freinage pour réduire le temps d'occupation de la piste.

Une mesure importante, déjà adoptée sur le plan politique européen, est la mise en place graduelle de «blocs fonctionnels» s'étendant sur plusieurs pays pour gérer plus efficacement leurs systèmes de contrôle aérien.

La France, l'Allemagne, le Benelux et la Suisse ont ainsi signé un traité à l'automne dernier afin de créer le bloc d'espace Europe Central (FABEC), franchissant un pas important vers un ciel mieux organisé.