Le marché des mariages homosexuels se développe, les destinations estampillées «gay friendly» foisonnent: de plus en plus, les professionnels du tourisme font les yeux doux aux «dollars roses» mais doivent éviter les clichés s'ils veulent être pris au sérieux.

«L'industrie du tourisme commence à ouvrir les yeux et comprendre qu'il s'agit d'un marché émergent qu'elle doit cibler», remarque Clark Massad, le représentant européen de l'International Gay and Lesbian Travel Association (IGLTA), présent cette semaine au Salon international du tourisme de Madrid.

«Ce marché considéré il y a plusieurs années comme marginal est devenu un marché à part entière», ajoute-t-il.

Pour preuve, l'association, qui compte 2200 membres dans 87 pays, est devenue mercredi officiellement un membre affilié de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), une agence de l'ONU, lors d'une cérémonie au «Pink corner» du salon, consacré au tourisme gay.

Pour la plupart sans enfants, généralement aisés, ces touristes dépensent en moyenne 30% de plus que les autres et sont disponibles pour voyager en dehors des congés scolaires.

Selon Ian Johnson, directeur de l'agence Out Now, qui développe des stratégies de marketing ciblant la communauté gay, celle-ci représente 6% des touristes dans le monde.

Pour répondre à leurs demandes, certains hôtels vont jusqu'à former spécialement leur personnel, en leur apprenant par exemple comment se comporter quand un couple homosexuel demande une chambre. «Notre programme gay comfort permet au personnel de la réception, aux femmes de chambre, aux serveurs d'être formés et de savoir comment répondre aux voyageurs gays et lesbiennes», explique Ian Johnson.

«Mais si le client a le sentiment que ce n'est là qu'une façon rapide de ramasser des «dollars roses», alors ces hôtels ou compagnies aériennes se rendront compte rapidement qu'ils ne perçoivent pas de retour sur investissement».

Son association a créé il y a trois ans le label «gay comfort», déjà accordé à un millier de destinations avec des antennes à Berlin, Stockholm, Helsinki, Tel Aviv ou Buenos Aires.

«Le but n'est pas que les hôtes homosexuels se sentent différents, mais qu'ils se sentent bien accueillis, de la même façon que les autres», ajoute Ian Johnson. Mais, avertit Clark Massad, les agents de voyage doivent étudier le marché attentivement: «il ne suffit pas d'accrocher un drapeau arc-en-ciel sur votre devanture. Vous devez absolument éviter les clichés, parce que le marché homosexuel s'en apercevra immédiatement». Il insiste sur le fait que ce marché «est extrêmement diversifié», avec des consommateurs exigeants, qui recherchent de tout, de la vie nocturne aux plages et aux activités culturelles.

«Je pense qu'il est très dangereux de classifier certaines destinations comme gay parce qu'aujourd'hui, n'importe quelle ville très touristique à la possibilité d'attirer des voyageurs homosexuels», estime Clark Massad. Ian Johnson veut ainsi cibler de nouvelles destinations dont l'Inde, le Népal, le Vietnam et la Thaïlande, tandis que certains agents proposent des formules incluant des mariages et lunes de miel pour homosexuels. Out Now a travaillé sur ce thème avec l'office du tourisme de Vienne. «Le potentiel est immense», remarque Ian Johnson.

L'Argentine elle aussi est venue faire sa promotion à Madrid. Pablo de Luca, président de la chambre de commerce gay d'Argentine, explique que ce pays réunit «tout ce que les touristes gays et lesbiennes peuvent chercher, avec une architecture intéressante, une histoire assez riche, une très bonne gastronomie et une vie nocturne».