Les vacanciers qui partent pour les destinations soleil, l'Asie et certains pays européens doivent s'attendre à trouver dans leurs documents de voyage une note les avisant qu'ils s'exposent à des poursuites criminelles s'ils ont des relations sexuelles avec des mineurs à l'étranger. Le Bureau international des droits des enfants (BIDE), une ONG fondée par la juge Andrée Ruffo et patronnée par les Nations unies a invité les voyagistes à adhérer à son code de conduite, avec la bénédiction de l'Association des grossistes québécois.

«Il y a du tourisme sexuel impliquant des enfants dans toutes les destinations de masse, parce que ce sont généralement des pays pauvres et que les conditions de pauvreté favorisent l'exploitation sexuelle des enfants, explique Claude Levac, inspecteur à la Sûreté du Québec. Les grossistes et les agences de voyages qui vendent des destinations de masse font partie de la solution.»L'UNICEF estime qu'entre 1 et 2 millions d'enfants sont exploités sexuellement, dans le monde. Au Mexique, environ 20 000 mineurs sont contraints à se prostituer et, dans la majorité des cas, ils exercent leur triste activité à Acapulco, Cancun, Guadalajara et Tijuana.

La Thaïlande bénéficie d'une sinistre réputation à cet égard. Une réputation à rebours ! «L'image du pays a été sérieusement entachée à l'étranger, ce qui a amené les autorités à faire des efforts pour éradiquer la prostitution infantile, explique Catherine Beaulieu, porte-parole du BIDE. Aujourd'hui, il est devenu difficile de trouver des enfants qui se prostituent à Bangkok, même si cela reste relativement aisé dans certaines stations touristiques comme Pattaya, par exemple. Mais il y a des destinations émergentes : l'Argentine, le Pérou, le Costa Rica, l'Inde, le Kenya, l'Afrique du Sud, la Colombie...»

Le touriste qui commet des agressions contre des mineurs n'est pas toujours celui qu'on croit. «Les pédophiles ne constituent qu'une minorité, parmi eux», observe Camelia Tepelus, coordonnateur du Code de conduite pour la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle dans l'industrie des voyages. «Le contrevenant type est le plus souvent un "situationniste", c'est-à-dire quelqu'un qui entame des relations sexuelles avec des mineurs parce qu'il saisit l'occasion et qu'il croit que son statut d'étranger dans un pays pauvre lui confère une sorte d'impunité.»

Un sentiment de supériorité culturelle a raison des inhibitions de ce touriste et il se persuade que les mineurs sont heureux d'avoir des relations sexuelles avec lui. «C'est un mythe : aucun enfant ne choisit librement d'être exploité sexuellement !» rappelle Catherine Beaulieu.

Le Canada est l'un des 44 pays qui se sont dotés de lois extraterritoriales permettant aux autorités de poursuivre des Canadiens ou des résidants du Canada qui commettent des agressions sexuelles contre des mineurs à l'étranger. Le problème, c'est qu'il est difficile de recueillir des témoignages et encore plus difficile d'obtenir des condamnations, car il faut amener des plaignants et des témoins à se présenter devant un tribunal canadien.

«Dans les pays du tiers-monde, moins de 1 % des victimes d'agressions sexuelles portent plainte», indique l'inspecteur Claude Levac.

En Haïti, par exemple, plusieurs cas d'abus commis contre des mineurs le sont par des bénévoles ou des coopérants canadiens actifs dans des orphelinats. Or, les dénonciations sont rares, en vertu du principe voulant «qu'on ne mord pas la main qui nous nourrit».

Ainsi, on ne dénombre que trois cas de condamnation de Canadiens rendues au nom de l'article de loi contre le tourisme sexuel impliquant des enfants. C'est bien peu, si on considère qu'en Australie, un pays moins peuplé, les autorités ont arrêté 119 personnes pour les mêmes motifs et en ont inculpées 89. Pour leur part, nos voisins américains ont procédé à 67 arrestations et obtenu 47 condamnations.

En 2008, des condamnations ont été prononcées contre deux sexagénaires de Québec, Denis Rochefort et Armand Huard, accusés d'avoir commis des agressions sexuelles sur 10 garçons dont l'âge variait de 13 à 16 ans dans un orphelinat de Fond Fred, près des Cayes, dans le sud d'Haïti, où ils agissaient comme bénévoles.

En Europe, 847 entreprises de l'industrie du voyage ont entériné le protocole du Code de conduite pour la protection des enfants. Ce qui se traduit par l'insertion d'avertissements dans les documents remis aux voyageurs et, aussi, par des pressions exercées sur les hôteliers, afin qu'ils dénoncent les prédateurs aux autorités policières. En avril dernier, Air France a projeté dans ses avions et ses autocars reliant les aéroports de Paris au centre-ville un petit film choc qui avertissait notamment les voyageurs que les abus commis contre des mineurs étaient réprimés par la justice française.

«L'industrie du voyage assume une responsabilité indirecte, parce que les délinquants sexuels achètent ses forfaits et voyagent avec les billets d'avion délivrés par des agents de voyages, explique Camelia Tepelus. Les grossistes et les agences ont un devoir de prévention.»

Jusqu'ici, une seule agence québécoise a signé le protocole d'adhésion au code de conduite pour la protection des enfants:Incursion Voyages, de Québec. Mais de nombreuses agences et grossistes devraient lui emboîter le pas sous peu.