L'hiver, les grands espaces, l'Europe en Amérique... Le Québec a mis de l'avant tous ses atouts pour attirer les touristes. Du folklore aux attraits urbains et culturels, la Belle Province a néanmoins peu à peu modifié avec le temps l'image qu'elle a bien voulu montrer d'elle-même. Retour amusant sur 150 ans de tourisme publicitaire à l'occasion de la sortie du livre Destination Québec: une histoire illustrée du tourisme. La publicité touristique du Québec a bien changé en un siècle... Retour dans le temps.

Le tourisme au Québec ne date pas d'hier. La publicité touristique non plus, comme en témoigne le livre Destination Québec, une histoire illustrée du tourisme, tout juste paru aux éditions de l'Homme.

Conçu par un professeur de design, Marc H. Choko, et deux historiennes de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), Danielle Léger et Michèle Lefebvre, ce bel objet aux pages glacées retrace 150 ans de tourisme publicitaire dans la Belle Province, à travers quelque 350 affiches en couleurs. Plus qu'un simple voyage esthétique, le résultat nous instruit longuement sur l'évolution du tourisme au Québec et la façon dont on «vendait» la Belle Province à l'étranger.

En 1884 déjà, le Québec tente de courtiser les visiteurs. Première clientèle cible: les riches Américains de la côte Est, qui sont aux premières loges pour apprécier le caractère unique de cette province culturellement lointaine, mais géographiquement rapprochée, où grands espaces et exotisme à l'européenne font bon ménage.

«On a vite vendu le fait que le Québec était une vieille France en Amérique, souligne Michèle Lefebvre, historienne à BAnQ. On insistait sur le fait que l'architecture était différente, que la langue était un dépaysement. Montréal était le Paris de l'Amérique. Québec son Gibraltar. Les Laurentides étaient la Suisse du Canada...»

Dans la foulée, la promotion du folklore québécois devient une «tendance lourde», ajoute Mme Lefebvre. Avec la bénédiction du clergé et du gouvernement provincial, le bureau de tourisme exploite l'image d'un endroit vivant encore «comme dans le temps», mais capable d'offrir toutes les infrastructures modernes de l'époque. Ainsi, on verra, sur la même illustration, l'image d'un vieux gosseux de bois, pendant qu'une voiture dernier cri parcourt en arrière-plan de belles routes asphaltées...

Cet exotisme fera longtemps force de promotion. Mais alors que le tourisme se démocratise et que les voyages en avion se font plus accessibles, de plus en plus de visiteurs arrivent d'Europe.

Dès lors, il n'est plus possible de vendre le côté «vieux pays» de la Belle Province. On met alors plus d'accent sur les grands espaces, chose dont manquent cruellement les Anglais et les Français. Beaucoup d'affiches font la promotion de «l'or blanc», soit l'hiver, la neige et les centres de ski.

Avec la Révolution tranquille, l'image d'un Québec nostalgique s'estompe pour de bon. Souhaitant moderniser son image, le Québec se présente comme un lieu d'avenir, où les industries et les grands projets triomphent. Avec Expo 67 et les Jeux olympiques commence une nouvelle ère: celle du tourisme urbain et culturel, qui domine encore aujourd'hui, avec l'omnipotence de grands événements estivaux comme le Festival de jazz de Montréal ou le Festival d'été de Québec. Hélas, note Marc H. Choko, cette évolution se fera au détriment du design. Car si le tourisme grandit, l'art de l'affiche, quant à lui, se perd en chemin. «Beaucoup de grandes entreprises font désormais des pubs pour la télé et la radio. Ce qui importe, c'est le slogan. La qualité graphique devient sans grande importance», résume M. Choko.

Retour à la case départ, pourrait-on dire, puisque l'affiche touristique a mis longtemps avant de se développer au Québec, où le design a longtemps été en retard sur l'avant-garde européenne. Pendant les années 30 et 40, cependant, on se rattrape et le style s'internationalise. Avec son atelier de sérigraphie, le Canadien Pacifique devient l'un des principaux producteurs d'affiches touristiques, afin d'alimenter son propre réseau d'hôtels et de chemins de fer.

L'impact de la sérigraphie sur le design québécois sera énorme, lance M. Choko. Dominée par les aplats et les couleurs vives, cette méthode «oblige à simplifier le trait, à tel point que les illustrateurs relativement conservateurs deviennent modernes dans leur style, sans le vouloir».

Peu de gros noms, du reste, émergeront de cette aventure publicitaire, car beaucoup de ces affiches ont été conçues par des typographes anonymes. On retiendra toutefois Peter Ewart et Norman Fraser, ou des créateurs québécois comme Ernest Sénécal et surtout Roger Couillard, dont le fonds d'archives est largement utilisé dans une exposition présentée au Musée de la civilisation à Québec (jusqu'au 18 août), qui fait écho à la sortie du livre et qui déménagera au Centre d'archives de Montréal en 2014.

Info: www.mcq.org

Livre Destination Québec : une histoire illustrée du tourisme