Des voyageurs intrépides nous racontent leurs histoires. Elles sont parfois rocambolesques et même difficiles à croire. Parfois, aussi, leurs aventures ont surtout d'extraordinaire qu'elles les ont menés plus loin. Dans tous les sens du terme.

Qui?

Maxime Dubé, prof de chimie

Quoi?

Un voyage en train inoubliable

Où?

En Chine, durant les vacances du Nouvel An

Vivre la plus grande migration humaine, dans le pays le plus peuplé du monde, tel que la vivent plus de 200 millions de Chinois à l'occasion du Nouvel An lunaire. Voilà un projet qui promettait une aventure inoubliable.

Kunming est une ville chinoise située dans la province du Yunnan. C'était mon point de départ. À la gare, au moment d'acheter les billets, les files se prolongeaient littéralement sur une centaine de mètres. Attente interminable entourée d'un chaos indescriptible.

Finalement, un commis:

«Chengdu, míng tian, yìngwò» Dans un chinois très approximatif: «un billet pour Chengdu, demain, en classe couchette dure.»

À voir le large sourire que m'adressa le commis, je compris que, sans surprise, les billets étaient épuisés depuis déjà longtemps.

Voyant mon air, il me déclara quelque chose que je ne pouvais comprendre, et se mit à faire toutes sortes de gestes loufoques en mimant constamment quelqu'un se levant de sa chaise. Je finis par comprendre qu'il me proposait un billet sans siège réservé. C'est-à-dire... debout!

Une petite précision s'impose ici: le choix du trajet Kunming-Chengdu avait été longuement prémédité. Ce parcours est en effet spectaculaire, avec vue sur de superbes montagnes. C'est aussi un voyage de plus de 1000 km d'une durée d'environ 19 heures. N'ayant pas le choix et me comptant tout de même chanceux de dénicher un billet, je m'empressai d'en faire l'achat et de quitter ce capharnaüm.

Le lendemain, la station de Kunming est encore une fois dans une cohue indescriptible. Dès l'ouverture des portes du train, les gens se précipitèrent, poche de riz sur le dos, bousculant enfants et personnes âgées au passage. Une fois moi-même à l'intérieur du train, constatant qu'il était difficile ne serait-ce que de bouger un membre tellement la foule était dense, je me demandai sérieusement s'il n'était pas préférable d'abandonner.

Les heures à venir allaient me prouver à quel point j'avais tort.

Bien sûr, les conditions d'hygiène tournèrent rapidement au cauchemar. L'accès aux toilettes était occupé par des voyageurs chinois refusant de se déplacer pour quiconque n'avait pas un physique suffisamment impressionnant. Mais ce qui fut particulièrement marquant, c'est la chaleur humaine des passagers chinois, heureux de retrouver bientôt leur famille. Ma présence fut, évidemment, rapidement remarquée dans ce wagon et on trouva une interprète - une jeune étudiante maîtrisant l'anglais, afin de faciliter les échanges. On me pressa d'accepter nourriture, alcool, cigarettes...

Le voyage m'a semblé se dérouler au rythme de l'éclair, mes compagnons de route s'assurant que jamais je n'aie d'occasion de regretter mon choix de vivre, pendant ces quelques heures, cette migration qui pour eux est si importante. Après d'innombrables parties de cartes et après avoir vu défiler des paysages magnifiques, la ville de Chengdu se pointa à l'horizon.

Les adieux terminés, la ville se déchaîna pour les célébrations du Nouvel An lunaire, à travers des feux d'artifice et pétards, parfois lancés à même les fenêtres des immeubles.

Enfin, semblaient penser les Chinois, nous voici de retour à la maison.

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