Sitôt sortie des autoroutes de Reykjavík, l'étroite route nationale 1 plonge dans une succession de déserts de lave, de panaches de vapeur et de chutes vertigineuses. Ici, les touristes sont nombreux; ils n'ont pas besoin de rouler bien loin pour découvrir l'Islande des cartes postales.

JOUR 1

Hafnarfjörður-Laugarvatn

Distance: 164 km

En Islande comme au Québec, les quartiers industriels ont le charme discret. Mais Hafnarfjörður, en banlieue de Reykjavík, est un passage obligé pour récupérer chez l'entreprise Go Campers notre véhicule récréatif, un Renault Trafic 2007 aux allures d'iceberg. Deux couchettes, un minifrigo, un évier, un réchaud à gaz, un système de chauffage. L'essentiel pour 10 jours de vadrouille. 

L'itinéraire est décidé - le tour de l'île sur la route 1 dans le sens antihoraire -, mais aucun hébergement ni restaurant n'est réservé. Un luxe possible au mois de mai, alors que les touristes sont encore peu nombreux.

Avant de nous tendre les clés, le gérant, Benedikt, nous prodigue ses derniers conseils. Ne pas emprunter les routes de catégorie F; il faut pour cela un 4x4. Faire attention aux moutons, aux rennes et aux touristes, tous capables de s'arrêter au milieu de la route aux moments les moins opportuns.

Mais surtout, vérifier la météo souvent sur le site de l'Agence météorologique islandaise (en.vedur.is). Si le vent dépasse les 16 m/s (57 km/h), il faut se garer et attendre que ça passe. Un voyageur l'a appris à ses dépens, début mai, quand son véhicule a versé, poussé par une bourrasque. Et l'an dernier, un véhicule récréatif a littéralement explosé sous l'effet du vent.

On le savait déjà. On avait regardé quelques vidéos avant de partir, juste pour se donner la frousse! (Tapez «Wind, camper, Iceland» dans Google. Vous verrez...)

On est parés, le voyage peut commencer. Direction: le Cercle d'or, un parcours panoramique qui regroupe trois des sites les plus visités du pays.

Geysir, d'abord, qui a donné son nom à tous les geysers du globe. L'ancêtre ne crache plus comme autrefois (il faut un tremblement de terre pour le faire réagir...), mais son voisin Stokkur se charge du spectacle. Il ne passe pas 10 minutes sans qu'il ne projette en l'air un panache d'eau et de vapeur. Une simple corde sépare les spectateurs du géant. Autour, tout n'est que marmites bouillonnantes et sources fumantes.

Un vrai décor de début du monde.

Mais c'est à Gullfoss (1) que l'on comprend toute la démesure géographique de l'île. L'eau se déverse en grondant sur deux cascades avant de s'engouffrer dans un canyon étroit, couvrant tous ceux qui s'approchent d'une bruine glacée. Des chutes indomptables, d'une beauté qui fait monter les larmes aux yeux.

Comment terminer pareille journée? Aux bains, là où les touristes et les locaux, les parents et les enfants, barbotent côte à côte dans des bassins chauds. Ceux de Laugarvatn Fontana bordent un lac où se reflètent les montagnes.

De retour au camping local (un vaste terrain gazonné, sans table à pique-nique, où chacun s'installe à sa guise), on tire les rideaux à 23 h. Il fait encore clair...

JOUR 2

Laugarvatn-Hvolsvöllur

Distance: 130 km

Le parc national de Þingvellir (2) est cher au coeur des Islandais, et pour cause. C'est ici qu'ils ont créé le plus vieux parlement toujours existant du monde, en l'an 930 environ. Ici aussi qu'a été proclamée, sous une pluie insolente, l'indépendance du pays, le 17 juin 1944.

Encore aujourd'hui, le lieu a gardé un je-ne-sais-quoi de solennel: le drapeau islandais flottant au-dessus des rochers, l'ancien amphithéâtre où les lois étaient récitées, les vestiges des anciennes demeures vikings. De larges sentiers de randonnée permettent de passer d'un site à l'autre. On pourrait facilement y passer des heures.

Þingvellir se trouve aussi à cheval entre les plaques tectoniques américaine et eurasienne. Chaque année, les plaques s'éloignent de quelques millimètres, les terres s'écartent, l'écorce terrestre s'enfonce... 

La quête d'un camping pour la soirée n'a pas été aisée. Nous sommes à la mi-mai, et plusieurs campings sont toujours fermés. De portes closes en barrières verrouillées, nous avons suivi les pylônes électriques plantés dans la lande jusqu'au camping d'Hvolsvöllur, situé à l'écart de la route 1. La douche est chaude... Bonne nouvelle: il fait 3 degrés.

PHOTO STÉPHANIE MORIN, LA PRESSE

Les plaques tectoniques s'éloignent du parc de Þingvellir, mais la rivière Öxara trouve toujours son chemin.

JOUR 3

Hvolsvöllur-Vík

Distance: 80 km

Visiter l'Islande peut être frustrant ; on passe ses journées à faire des choix difficiles et à se dire qu'il faudra revenir. Trois jours seulement et déjà, cette impression d'être pressé par le temps...

En restant sur la route 1 (et en respectant les limites de vitesse), on peut faire le tour de l'île en 16 heures environ.

Seulement, on voudrait s'arrêter à chaque courbe, emprunter tous les chemins de traverse. Aucun paysage n'est banal ici, et chaque route de gravier semble mener à un trésor.

Du coup, on avance beaucoup (beaucoup) moins vite que prévu.

Pis, on termine cette journée plus ou moins rassasiés. À chaque arrêt - spectaculaires chutes de Seljalandsfoss et de Skógafoss, plage de sable noir de Vík (3) -, on souhaiterait explorer davantage et suivre ce qu'on croit être des sentiers de randonnée. Mais c'est compliqué: l'entrée des sentiers est rarement indiquée et, hormis dans les parcs nationaux, les cartes pour randonneurs sont impossibles à trouver. Pour le voyageur autonome qui ne souhaite pas embaucher un guide à 250 $ la journée (il en pleut dans ce pays!) et qui veut aller au-delà des arrêts éclair pour faire exploser son compte Instagram, ce n'est pas toujours aisé...

PHOTO STÉPHANIE MORIN, LA PRESSE

Un sentier de randonnée de 24 km permet de longer la rivière qui alimente la chute Skógafoss jusqu'aux glaciers d'Eyjafjallajökull et de Myrdalsjökull.