«Ne croyez pas qu'on vit en dehors du monde», prévient Michael lorsque j'arrive à Inishmore, une des îles d'Aran. «Nous sommes tournés vers l'extérieur et très bien renseignés. Le Wi-Fi est partout et il y a une grande ouverture d'esprit. Plus de 10% des insulaires sont des étrangers. Nous avons un médecin, trois infirmières, deux écoles, sept églises et un cimetière», énumère-t-il d'un même souffle.

Avec 800 résidants, Inishmore est la plus grande des trois îles de l'archipel d'Aran, situé dans la baie de Galway. C'est aussi celle qui reçoit le plus de visiteurs. Peintres, écrivains et musiciens y trouvent une source d'inspiration. Certains y font des séjours prolongés, d'autres un pèlerinage annuel. Pour les simples touristes, l'île a un pouvoir de désintoxication. Dès qu'on y pose le pied, tout relent de stress disparaît comme par magie.

L'île est formée de calcaire, ce qui explique les murets de pierre sèche qui divisent les champs et lui donnent un relief de courtepointe. Inishmore compte plus de 3000 de ces murs aux différents motifs, érigés à mesure qu'on dépierrait les champs. Ceux-ci, ensuite recouverts de couches d'algues, sont maintenant cultivés pour assurer en partie l'autonomie alimentaire de la communauté.

Sans arbres pour le ralentir, le vent y est musique. Mais cela n'enlève rien à son mordant.

Après avoir acheté un bon chandail de laine, tricoté par les femmes de l'île pendant l'hiver, je suis le sentier qui mène au fort circulaire Dun Aonghasa, site du patrimoine mondial de l'UNESCO. Juché au sommet des falaises de la côte sud, c'est l'un des plus importants lieux préhistoriques d'Europe. On y a trouvé des traces d'activité humaine s'étalant de 1500 avant J.-C. jusqu'à 1000 après J.-C. La triple enceinte circulaire est protégée par une ceinture de chevaux de frise (des pierres dressées de telle sorte qu'il est difficile de les franchir) dont l'ingéniosité fascine aussi bien les touristes que les experts en sécurité.

Inishmore compte plusieurs autres sites archéologiques et même un fort construit par le dirigeant britannique Oliver Cromwell. C'est une île pleine d'Histoire et d'histoires. Les traditions sont bien vivantes et la population continue de parler le gaélique irlandais au quotidien. Il faut y passer au moins une nuit pour profiter de sa vie nocturne.

L'atmosphère dans les pubs est trépidante, la musique entraînante. Les musiciens s'installent près du feu, au milieu des clients qui peuvent y aller d'une chanson si le coeur leur en dit. C'est à l'image de la vie dans l'île: authentique et toute simple. Et c'est ici que la générosité irlandaise atteint son summum: en fin de soirée, la propriétaire du pub Ti Joe Watty's reconduit ses clients à leur hôtel pour leur éviter de marcher dans la noirceur. Les insulaires sont plus prudents, ils ne sortent jamais sans leur lampe de poche.

Située au bout du monde, c'est-à-dire à l'extrême ouest de l'Europe, Inishmore est tout de même facile d'accès par avion (10 minutes) ou par traversier (environ 45 minutes) à partir de Galway et des villages de la côte.

Inishbofin

L'Irlande compte plus de 25 îles, habitées par quelques dizaines ou centaines de personnes. Certaines d'entre elles se prêtent bien à des excursions d'une journée. C'est ainsi que j'ai visité Inishbofin en compagnie de Gerry (archéologue) et Brian (musicien). Ces deux Irlandais de pure souche proposent des safaris de randonnée dans quelques îles (www.walkingconnemara.com). Chemin faisant, j'apprends qu'Inishbofin est habité depuis 6000 ans, qu'il a longtemps été un repaire de pirates et de moines en exil et que Cromwell y a construit une prison pour isoler les membres du clergé catholique.

Nous marchons à travers les champs de moutons. Rien n'est balisé, mais il suffit de suivre le bas des collines, en bord de mer. Et le panorama est exceptionnel: de belles plages d'eau claire, des phoques qui se prélassent sur les rochers, une faune et une flore d'une grande diversité.

Avec ses nombreux festivals, Inishbofin est très populaire auprès des Irlandais qui y louent des maisons pendant la saison estivale, gonflant ainsi la population de 200 à près de 1000 personnes.

Toute l'année, un traversier assure la liaison en 30 minutes à partir de Cleggan, sur la côte du Connemara.