(Mykonos) En débarquant à Mykonos, en ce début de saison touristique, l’image est saisissante : l’île huppée traditionnellement envahie d’étrangers fortunés offre au visiteur des ruelles désertes, des magasins barricadés, des restaurants et hôtels fermés.

Du hublot de l’avion à hélices en provenance d’Athènes, les rares locaux et journalistes — seuls autorisés à s’y rendre depuis la pandémie du coronavirus — peuvent apercevoir les maisons cycladiques éclaboussées de soleil. Mais elles n’offrent que des volets clos et des piscines vides.

Depuis la crise sanitaire planétaire, malgré le déconfinement et l’autorisation de rouvrir les magasins en Grèce, « on a l’impression d’une ville fantôme, il n’y a personne dans les rues, c’est effrayant », dit à l’AFP Lorraine McDermott, habitante de Mykonos depuis 26 ans.

« D’habitude, il y a du monde, du bruit et de la musique partout, une circulation énorme », raconte cette Irlandaise mariée à un Grec, qui loue quatre chambres au milieu du labyrinthe de ruelles du vieux Mykonos.

PHOTO ARIS MESSINIS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Depuis la crise sanitaire planétaire, malgré le déconfinement et l’autorisation de rouvrir les magasins en Grèce, « on a l’impression d’une ville fantôme, il n’y a personne dans les rues, c’est effrayant », dit Lorraine McDermott, habitante de Mykonos depuis 26 ans.

En 65 ans d’activité, « je n’ai jamais vu un tel désert », se désole aussi Nikos Degaitis, 86 ans, assis sur l’escalier qui jouxte sa boutique de souvenirs, la plus ancienne de Mykonos.

« J’ai peur d’ouvrir mon magasin, de servir les clients, pour vendre un aimant », soupire le vieil homme. « Je ne supporte pas de porter un masque [...], je préfère encore rester fermé et dormir tranquillement ».

« Les règles sont trop dures, comment respecter les mesures » de distanciation physique « dans une ruelle si étroite ? », se demande son petit-fils George Dasouras, qui travaille dans l’entreprise familiale.

Dans Mykonos, où rares sont ceux qui portent le masque, les boutiques de luxe et les magasins en tous genres autorisés à rouvrir depuis le 11 mai, préfèrent garder portes closes faute d’affluence.

« Tout dépendra du nombre de clients », explique Vassilis Theodoropoulos qui envisage de ne pas rouvrir son hôtel en juin, lorsqu’il y sera autorisé. « Que se passera-t-il s’il y a un cas de COVID dans l’hôtel et que je doive fermer et que cela se reproduise toute la saison ? », s’inquiète-t-il.

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Dans Mykonos, où rares sont ceux qui portent le masque, les boutiques de luxe et les magasins en tous genres autorisés à rouvrir depuis le 11 mai, préfèrent garder portes closes faute d’affluence.

Jusqu’ici, il n’y a eu que deux cas connus de coronavirus sur l’île.

Même « du plexiglas »

Sur la célèbre plage Paradise, où se bouscule la jetset chaque été, on entend le chant des tourterelles là où tambourinent d’habitude les enceintes du beachclub Tropicana.

« L’an dernier, nous avions 600 à 700 bains de soleil, pour l’instant nous n’en avons même pas un seul », se lamente Damianos Daktlidis, propriétaire du beachclub et du luxueux hôtel attenant qui vient d’être « entièrement rénové ».

« C’est complètement vide », soupire ce Grec de 24 ans qui a repris l’affaire familiale.

Le jeune patron craint de ne pas « revenir à la rentabilité » avant la fin de la saison touristique ou « peut-être l’an prochain ou même l’année suivante ».

Les pieds dans le sable, il « attend le retour des vols » internationaux, en juillet espère-t-il.

Il se pliera à toutes les règles que décidera le gouvernement grec même « s’il faut mettre du plexiglas » pour protéger les touristes du virus.

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Sur la célèbre plage Paradise, où se bouscule la jetset chaque été, on entend le chant des tourterelles là où tambourinent d’habitude les enceintes du beachclub Tropicana.

Car tous sont encore dans l’incertitude des mesures qu’Athènes annoncera pour rassurer les touristes. Pour l’heure, seules les liaisons aériennes intérieures seront rétablies à partir du 18 mai et quelques vols avec la France, l’Allemagne, la Suisse et la Belgique fin mai.

« Nous aurons des touristes, nous ne savons juste pas combien », estime le porte-parole du gouvernement Stelios Petsas.

Dans un pays où l’industrie du tourisme représente 12 % du PIB, le premier ministre Kyriakos Mitsotakis a promis jeudi de « trouver un moyen de faire revenir les gens en toute sécurité », tablant sur un retour « à partir de fin juillet ».

« Un sourire de la mer »

« Les croisières ne reviendront pas, elles sont les cibles préférées du virus », estime Ariadne Voulgari, guide touristique, qui a déjà perdu sa clientèle de mai, généralement attirée par le site archéologique de l’île voisine de Delos.

« 2020 est perdue », prévoit la guide, qui tient le restaurant familial Captain’s sur le vieux port. « Si Mykonos ne travaille pas, toute la Grèce sera affectée ».

Dans un pays où le coronavirus a fait 160 morts, le revenu du tourisme va chuter de 18 à 8 milliards d’euros, a déjà prévu le ministre grec du Tourisme.

« Il faudra quelques années pour retomber sur nos pieds », estime Lorraine McDermott.

Mykonos « a un futur, c’est évident », assure Dimitris Samaras, qui tient une bijouterie sur Little Venice. « Ici ce n’est jamais fini. Si les touristes ne reviennent pas cette année, il y a aussi les clients des yachts. Mykonos c’est un sourire de la mer ».