(Nice) Sur la Promenade des Anglais, silencieuse depuis le début du confinement, un goéland a fait son nid chez Castel Plage, à l’emplacement des matelas et des parasols : « Occupation temporaire du domaine maritime », plaisante le propriétaire, « impatient » de savoir quand il pourra rouvrir.

Ali Abdelhafidh a hâte de connaître les arbitrages du gouvernement : « Ce n’est pas pour ouvrir le plus rapidement, mais il nous faut une projection pour nous organiser [...] en espérant qu’il y ait quand même une affluence ».

Pour l’instant, il va devoir rester dans l’expectative : les plages resteront « inaccessibles au moins jusqu’au 1er juin », a annoncé mardi le premier ministre, sans présager de la suite.

« Prohiber l’accès aux plages cet été, c’est un peu difficile à imaginer [...] et à faire respecter », confiait durant le week-end le préfet du Var Jean-Luc Videlaine à Var-Matin.

À Nice, l’établissement de M. Abdelhafidh sort de cinq mois de travaux. Les concessions venaient d’être renouvelées. En saison, il emploie 35 salariés, sert des grillades, des salades à des tarifs plus élevés que dans un restaurant exploité 12 mois par an, à une clientèle à 80 % niçoise.

Des jardinières posées entre les serviettes et les matelas font « une sorte d’oasis » sur les galets.

Alors, la plage déserte, le bleu de la mer qui scintille, mais où les baigneurs brillent par leur absence, « c’est beau, mais ça tue la marge ! », dit-il. « Il y a plein de gens assez fans de ça, qui viennent l’hiver ou assez tôt le matin quand il n’y a pratiquement personne, ni le bruit de la ville. Pour nous, c’est un peu triste : ce sont les premiers rayons de soleil, les premiers moments de liberté ». La saison démarre habituellement autour de Pâques.

Gros fumeur, grand voyageur et malade un mois du coronavirus, il relativise : « Notre objectif n’est pas de gagner de l’argent, mais de ne pas en perdre ». Outre la date, il attend de connaître les conditions d’une possible réouverture.

PHOTO VALERY HACHE, AGENCE FRANCE-PRESSE

Les plages resteront « inaccessibles au moins jusqu’au 1er juin », a annoncé mardi le premier ministre Édouard Philippe, sans présager de la suite.

« Beaucoup d’inconnues »

« Ici ce n’est pas l’hôpital. S’il faut ouvrir avec des gants et des masques, je ne pense pas que les gens auront plaisir à venir... », dit-il à l’évocation du « trikini », une blague d’internautes imaginant un petit deux-pièces avec masque assorti. « Le quoi ? ! », s’esclaffe-t-il. « Je quitte le métier ! ! »

René Colomban, le président des plagistes niçois, espère lui « rouvrir le plus tôt possible ». Il réclame une exception pour les plages, 14 établissements à Nice brassant entre 1 et 4,5 millions d’euros de chiffre d’affaires et 500 emplois : « On est en plein air ! », argumente-t-il.

En attendant, à Nice, la métropole a renoncé aux loyers des 2e et 3e trimestres et demandé à l’État de faire de même pour les redevances dues au titre de l’occupation du domaine maritime.

Pareil à Cannes, où la plage de la Croisette a été agrandie à grands frais il y a deux ans. Du sable frais, l’équivalent de quatre à cinq piscines olympiques, avait été acheté, mais aujourd’hui, sans vedettes de cinéma ni congressistes, c’est la traversée du désert.

Pour le président des plagistes cannois Olivier Rotondaro, qui tient le Rado Beach Helen en famille depuis deux générations : « C’est un écosystème, les hôtels auront du mal à rouvrir si les plages ne rouvrent pas et réciproquement ».

Villeneuve-Loubet a proposé pour sa part le concept de « nage sans plage » pour les riverains et leur bien-être sportif.

Mais cet été, les Français devraient préférer « la montagne ou la campagne, car il y a moins de risque perçu de contamination », pronostique Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage.