(Cordoue) Habituellement, le Bar Santos, situé en face de la mosquée-cathédrale de Cordoue, grouille de clients venus pour sa fameuse omelette de pommes de terre, une institution. Mais avec le coronavirus, « tout est mort », lâche son propriétaire.

La mosquée-cathédrale, monument le plus fréquenté de cette ville andalouse, n’a reçu depuis sa réouverture le 25 mai que 16 000 visiteurs, soit l’équivalent d’une semaine « normale », explique à l’AFP le chanoine porte-parole, José Juan Jimenez Güeto.

« Il faudra des mois pour rattraper cela », prévient-il, même si les 151 emplois du site ont été préservés grâce à l’excédent des années précédentes, qui permettra aussi de poursuivre les travaux de restauration.

Autour, de nombreux bars, hôtels et boutiques sont fermés. Et les touristes étrangers arrivent au compte-goutte.

Dans le Bar Santos, seul travaille le propriétaire, Jesus Maldonado, dont l’activité représente « un quart de la normale ». Ses dix employés sont au chômage partiel.

Les conséquences de la pandémie sur le tourisme, qui représente 12 % du PIB espagnol, se font durement sentir dans les villes de l’intérieur de l’Espagne, qui n’attirent pas en été autant de visiteurs que les plages, mais ont développé une riche offre culturelle.

C’est dans ces cités, comme Grenade, Tolède ou Ségovie, que « la situation est la plus difficile », avec « une chute du chiffre d’affaires supérieure à 50 % » dans les bars et restaurants des centres historiques, assure la fédération nationale de l’hôtellerie.

En Andalousie, le taux d’occupation des hôtels de l’intérieur est de 25 % en moyenne, dix points de moins que les prévisions pour les établissements côtiers en juillet, détaille Francisco de la Torre, président de l’organisation patronale régionale de l’hôtellerie, Horeca.

Bars et restaurants andalous pourraient perdre jusqu’à un tiers de leurs emplois, selon lui.

Sans touristes asiatiques

En Espagne, deuxième destination touristique mondiale derrière la France, les dépenses des touristes internationaux ont chuté de 62 % sur un an de janvier à mai, selon des données officielles.

À Ronda, petite cité andalouse célèbre pour ses arènes et son pont surmontant de spectaculaires falaises, Maria Lara Galindo travaillait depuis dix ans comme guide pour des groupes de visiteurs asiatiques.

Mais depuis la mi-mars, « je n’ai pas repris le travail, il n’y a rien », raconte-t-elle. Japonais et Sud-Coréens sont désormais autorisés à entrer dans l’Union européenne, mais ils ne devraient pas revenir avant l’été prochain, selon elle, et davantage en couple ou famille qu’en groupe.

Maria Lara est l’une des 500 000 travailleurs indépendants que compte le secteur touristique espagnol. Entre 70 000 et 100 000 d’entre eux pourraient perdre leur emploi, selon l’Association des travailleurs indépendants (ATA).

Morne Séville

À Séville, les visiteurs étrangers sont quasi absents, et les Espagnols rares.

Jordi Reinés, infirmier de Barcelone, a préféré annuler un voyage prévu au Portugal pour passer ses vacances en Andalousie. « Les voyages à l’étranger, nous n’y pensons même pas », lance sa compagne, Noemi Garcia.

« L’année est perdue, les gens n’ont pas assez confiance pour voyager », constate José Romero, propriétaire d’un kiosque de glaces et de boissons situé devant la célèbre Place d’Espagne.

Son commerce lui rapporte à peine 10 % de ce qu’il gagnait l’an dernier à la même époque, dit-il, alors que les dix boutiques de souvenirs autour de lui sont fermées.

« L’incertitude et la peur retardent tout », soupire Isabel Diaz, qui vient de rouvrir la boutique familiale d’éventails après quatre mois de fermeture, du jamais vu même pendant la Guerre civile (1936-1939).

Les nouveaux foyers de contagion inquiètent, car « un jour c’est l’enthousiasme généralisé » et le suivant « les gens s’enferment de nouveau », résume Celia Ferrero, vice-présidente de l’ATA. « La consommation est toujours sous le choc de la COVID-19, et le restera jusqu’à ce qu’il y ait une solution ».