C'est la saison basse et le soleil de Barcelone faiblit, mais les circuits à bicyclette qu'organise l'Irlandais Noel Sheehan séduisent encore les touristes étrangers, plus que jamais attirés par l'Espagne depuis les attentats ayant frappé différents pays, notamment du Maghreb.

Troisième destination mondiale, derrière la France et les États-Unis, l'Espagne bat depuis trois ans des records d'accueil de touristes étrangers.

En 2015, la péninsule en a reçu 68,1 millions, 4,9% de plus que l'année précédente, et tous les indicateurs laissent augurer un cru 2016 encore meilleur.

«Cela fait seize ans que suis dans cette activité et 2015 a été notre meilleure année», assure M. Sheehan dans son local d'une rue piétonne de la vieille ville de Barcelone, citée la plus visitée du pays. «Même en hiver, cela continue à bien marcher. Et nous recevons plus d'appels pour des demandes d'informations et des réservations pour la saison haute», dit cet Irlandais barbu, préparant les deux roues destinées à ses excursions.

Si auparavant ses clients venaient surtout des États-Unis, les touristes d'Europe du Nord forment depuis plusieurs années le gros des réservations, en raison de l'expansion des compagnies aériennes à bas prix et des répercussions des attentats survenus dans différents pays méditerranéens.

Les attaques jihadistes - en Tunisie ou en Égypte, l'an dernier, puis en Turquie en janvier quand onze Allemands avaient été tués à Istanbul - ont éloigné les touristes de ces destinations.

Florian Grohe et Saskia Oetzmann, 23 ans, venus en couple de Munich, avaient initialement prévu de visiter Istanbul. Mais «nos parents disaient tout le temps "n'y allez pas maintenant, cherchez une autre destination" et les vols vers Barcelone étaient moins chers», explique Saskia. «Ce n'est pas qu'on avait peur, mais nous ne voulions pas qu'ils s'inquiètent. Et puis je suis un grand partisan du FC Barcelone...», ajoute Florian.

«L'Espagne, c'est toujours le bon endroit: bon climat, bons prix, bonne ambiance, bonne nourriture», renchérit Federico Musci, informaticien italien de 34 ans, dégustant une bière en plein après-midi à la terrasse du Café Zurich, en face de la Rambla de Barcelone.

Le soleil hivernal est voilé et le vent souffle avec insistance, mais cette terrasse est presque pleine, et surtout d'étrangers. «C'est un point de rencontre, il y a toujours du monde, mais dernièrement, plus encore», explique Esteban Cortez, le gérant du bar.

Plus de Chinois, moins de Russes

«Rien qu'en janvier, nous avons enregistré 25% de réservations pour l'Espagne de plus que l'an dernier», assure à l'AFP María Sierra, directrice de communication de eDreams, principale agence de voyages en ligne européenne, dont le siège est à Barcelone.

Même son de cloche chez Look Barcelone, qui propose à la location de luxueux appartements sur le Paseo de Gracia, avenue bordée des plus célèbres édifices du modernisme. «A la fin de l'année, nous avions déjà plusieurs établissements quasiment pleins pour avril, mai et juin», assure la propriétaire, Anna Vives Begliomini, qui relève l'affluence croissante des Chinois et des Sud-Coréens.

Ce flux vers l'Espagne profite non seulement à Madrid et Barcelone, mais aussi aux plages des Iles Canaries, dans l'Océan Atlantique, et à l'archipel méditerranéen des Baléares.

«Nous enregistrons une augmentation des réservations surtout pour la saison d'été», signale Manuel Valenzuela, sous-directeur de Catalonia Hotels (51 établissements en Espagne) et dont l'activité a bondi de 15% en 2015.

Quant au plus grand groupe de tourisme au monde, la multinationale TUI basée en Allemagne, elle a annoncé cette semaine que ses réservations pour la Turquie avaient chuté de 40% pour l'été, mais que ses «hôtels par ailleurs, notamment en Espagne et surtout aux Canaries, en profitaient».

Cet afflux compense la baisse drastique du nombre de touristes russes qui fréquentaient en masse le littoral espagnol avant la dépréciation du rouble. En 2015, leurs visites ont chuté de 32,7%, selon l'Institut national de la statistique, mais la crainte du terrorisme en Turquie pourrait changer la donne.

«La Turquie travaille beaucoup avec le marché russe», assure Giovanni Cavalli, directeur général commercial de Port Aventura, principal parc à thème du pays, au sud de Barcelone. «Je suis à peu près sûr que ces touristes chercheront un lieu plus tranquille et cette destination, c'est l'Espagne», lance-t-il.