(Francfort) Terminé les menus gargantuesques et le grand luxe : place aux sets de table lavables, aux glaces à emporter et aux apprentis. Fermé depuis deux mois, le palace Kempinski près de Francfort a dû se réinventer pour reprendre vie.

La crise a frappé « très fort » cet hôtel cinq étoiles, d’autant qu’une « bonne partie » de ses recettes reposent sur l’accueil de séminaires, dîners de galas et fêtes de mariages, toujours suspendus, explique sa directrice Karina Ansos.

Après avoir fermé à la mi-mars, le Kempinski a été autorisé à rouvrir très partiellement le 15 mai.

L’établissement n’héberge pour l’heure qu’une poignée d’hôtes de longue durée et répond à des demandes individuelles. La clientèle familiale pourra y dormir à partir de juin et à condition de respecter de strictes précautions : chaque client attablé au restaurant devrait disposer de 5 mètres carrés d’espace.

Cette norme, jugée excessive par beaucoup dans le secteur, a du reste été levée mardi par la région de Hesse, qui a néanmoins maintenu la distance obligatoire de 1,50 mètre à respecter entre chaque table.

Glace à emporter

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Jana Maria Kessler, apprentie en première année de gestion hôtelière, a eu l'idée d’animer un stand de glaces à emporter sur la rampe d’accès à l’hôtel.

À l’échelle du pays, « des pertes de recettes considérables de 50 à 70 % sont à attendre dans la phase actuelle de redémarrage » des lieux collectifs d’hébergement, affirme à l’AFP Guido Zöllick, président de la fédération allemande de l’hôtellerie-restauration Dehoga.

Le secteur déplore déjà un trou de plus de dix milliards d’euros de chiffre d’affaires fin avril.

Au sein du Kempinski, « on a réfléchi à ce qu’on pouvait faire dans cette situation pour garder le contact avec les clients », explique Jana Maria Kessler, apprentie en première année de gestion hôtelière.

L’idée lui est venue avec d’autres d’animer un stand de glaces à emporter sur la rampe d’accès à l’hôtel. Un service attendu davantage d’une échoppe de quartier que d’un hôtel de luxe. Mais le succès est au rendez-vous et l’offre a même été élargie, dans un registre tout aussi éloigné de la grande gastronomie... avec des saucisses au curry préparées sur un grill.

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Les employés doivent se frotter à toutes les tâches, dont celle du nettoyage des lieux.

L’hôtel a aussi eu recours, le temps d’un weekend de mai, à un camion-restaurant proposant des guimauves raffinées.

L’opération pourrait être reconduite avec d’autres partenaires, tant la crise sanitaire « marque aussi un temps de créativité » forcée pour tous, résume Mme Ansos.

Pendant la période de calme forcé, consacrée à des opérations d’inventaire et de nettoyage, l’hôtel Kempinski met à contribution sa quarantaine d’apprentis, alors que la quasi-totalité de ses quelque 115 salariés a été placée en chômage partiel.

La cuisine comme spectacle

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Jana Kessler s’exerce à mettre la table à l’aide d’un set lavable, à défaut d’une nappe, de couverts passés aux rayons UV et de serviettes en papier.

Installés pour certains sur les lieux, les jeunes gens doivent se frotter à toutes les tâches. Un apprenti cuisinier a ainsi participé au nettoyage des chambres.

Parmi les nouvelles missions des apprentis : animer le restaurant en plein air, qui a redémarré avec une carte réduite au minimum et des précautions sanitaires importantes.

Ce matin-là, sous le regard de Tim Spöhr, salarié de l’hôtel bombardé responsable des mesures d’hygiène, Jana Kessler s’exerce à mettre la table à l’aide d’un set lavable, à défaut d’une nappe, de couverts passés aux rayons UV et de serviettes en papier.

« Notre luxe, c’est d’avoir autant de place » à offrir dans les restaurants et terrasses au sein d’un parc de 15 hectares, souligne Karina Ansos.

Question gastronomie, c’en est fini du buffet « phénoménal » où les gourmands pouvaient naguère piquer dans une vingtaine de variétés de charcuteries pour remplir leur assiette.

À la place, l’hôtel a mis au point une formule « continentale » qui tient sur une simple feuille, placée sous un film plastique pour faciliter la désinfection régulière.

Et Karina Ansos réfléchit déjà à son idée suivante : celle d’un « show cooking » où des cuisiniers placés au cœur d’une salle de restauration présenteraient la préparation des plats, protégés derrière un écran plexiglas. Tout est bon pour garder la clientèle.