Avant que les touristes ne débarquent…
(Nuuk) – Les grandes montagnes enneigées plongent tout droit dans les eaux glaciales du fjord de Nuuk. En arrière-plan, le spectacle qui s’offre à nous est grandiose : le ciel se voile de rose et de bleu dans un coucher de soleil saisissant.

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Iceberg dans la baie de Nuuk
Au volant du taxi d’eau qui nous ramène dans la capitale du Groenland, Nuuk, le pilote Nikki Kaspersen observe la scène avec la guide Jakobine Tellesen. Même après des années à vivre dans ce pays, la beauté de la lumière de fin de journée les émeut toujours autant.
Dans l’embarcation, six personnes reviennent d’une excursion d’une journée à Kapisillit, minuscule localité de 50 habitants. Au Groenland, aucune route ne relie les 70 villages du territoire. Des voitures roulent à Nuuk et dans les villages de taille moyenne. Mais pour se déplacer d’une localité à l’autre, il faut prendre l’avion. Ou le bateau. Ce qui augmente considérablement la facture des touristes qui osent l’aventure.
En revanche, ces voyageurs peuvent avoir accès à un pays encore relativement peu visité. À un paradis du plein air. À une population qui commence à s’adapter au tourisme, secteur qui devrait connaître une forte croissance dès 2024-2025 quand trois aéroports d’envergure seront lancés dans le pays.
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Sur le fjord de Nuuk
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Le pilote Nikki Kaspersen et la guide Jakobine Tellesen à bord du taxi d’eau qui nous ramène dans la capitale du Groenland.
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Le pilote Nikki Kaspersen
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La guide touristique Jakobine Tellesen
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À bord, six personnes reviennent d’une excursion d’une journée à Kapisillit.
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La journée se termine...
La capitale
Même si le Groenland est le voisin immédiat du Canada, s’y rendre n’est pas simple. En hiver, de Montréal, le plus « simple » est de joindre Toronto, puis Reykjavik, puis Nuuk. Un va-et-vient un peu étourdissant entre les fuseaux horaires. Il y a quelques années, un avion reliait Iqaluit, au Nunavut, au Groenland. Mais cette liaison a été abandonnée faute de popularité.

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Vue de Nuuk de la butte « Myggedalen »
Avec ses 20 000 habitants en majorité inuits, Nuuk a connu une augmentation fulgurante de sa population ces dernières années et ne cesse de grossir. La ville ne ressemble en rien aux villages du Nord-du-Québec. Les infrastructures sont développées. On a accès facilement à l’eau, à l’électricité et à l’internet. La ville compte des épiceries, un centre commercial, des musées, un cinéma…

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Nuuk est desservi par un réseau efficace d’autobus.
Aucune motoneige ne circule dans les rues. Pas plus que des chiens de traîneaux : espèce très protégée dans le pays, les huskies groenlandais se trouvent uniquement au nord du cercle arctique et sur la côte Est. Là-bas, tout autre type de chien est interdit, pour préserver la pureté de la race.
Il est facile d’arpenter Nuuk à pied. Un réseau efficace d’autobus dessert aussi tous les quartiers. Au centre-ville, aucune agence officielle de tourisme n’accueille les voyageurs. Mais une boutique de souvenirs a flairé l’occasion : au Tupilak Travel, Pilunnguaq R. Thomsen répond aux questions des visiteurs et leur propose une série d’activités.
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Vue de Nuuk et de ses maisons colorées
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Des enfants jouent devant leur maison.
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Petit iceberg dans la baie de la capitale
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Le ciel de fin de journée se pare d'une belle palette de couleurs.
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La vieille église de la ville
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Derniers rayons sur le cimetière
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La soirée est bien entamée, les maisons semblent emmitouflées.
Un quartier coloré
Pour bien saisir la ville, une balade dans le centre historique est incontournable. Là-bas, les petites maisons colorées traditionnelles abritent différents commerces. Dans une bâtisse rouge de la rue John Mollerip Aqqutaa, le marché de viande vaut le détour. Y sont exposées sur des tables de bois les prises de la journée des chasseurs locaux.

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Maisons colorées de Nuuk
Dans un coin, des oiseaux noir et blanc sont alignés. Un homme se moque de la journaliste de La Presse en prétendant qu’il s’agit d’un « pingouin groenlandais ». Il s’agit en fait d’un guillemot de Brünnich. Un oiseau de mer très prisé par les habitants.
Non loin de là, la vieille église de Nuuk est charmante à visiter. Une statue de Hans Egede, missionnaire danois très connu au Groenland, lui fait face. Pour un panorama de la ville digne d’une carte postale, il faut poursuivre jusqu’au bout de la rue Isaajap Aqqutaa et monter sur une butte appelée Myggedalen.

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Le Inuk Hostels où l’on peut manger de la nourriture traditionnelle groenlandaise, comme de la baleine.
Du centre historique, on peut aussi parcourir une passerelle de bois qui contourne une partie de la ville. La vue sur l’embouchure du fjord de Nuuk et sur les quelques petits icebergs qui s’y promènent est magnifique.
Dans la rue Imaneq, principale artère de la ville, on trouve différents restaurants qui offrent des menus diversifiés que l’on payera en couronnes danoises (le Groenland étant un pays semi-indépendant du Danemark). Mais pour manger de la nourriture traditionnelle locale, comme de la baleine ou du phoque, mieux vaut l’Inuk Hostels, dans un quartier un peu plus excentré, mais tout de même accessible à pied.

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Marché de viande sur la rue John Mollerip. À gauche sur la table : des guillemots de Brünnich
Les différentes épiceries de Nuuk ne manquent de rien (quoique le tofu puisse parfois être difficile à trouver). Et la facture peut être salée, notamment pour les fruits et les légumes. Un détour par les viandes et poissons peut surprendre. Pour encourager les chasseurs locaux, plusieurs épiceries leur achètent des prises. On peut donc voir dans le rayon des surgelés de la baleine et même du narval (certains Groenlandais peuvent chasser cette espèce protégée).

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Le Tupilak Travel aide les touristes en les dirigeant vers différentes excursions.
Professeur associé au département d’études transculturelles et régionales de l’Université de Copenhague, Frank Sejersen explique qu’avec la construction de trois nouveaux aéroports au Groenland (Nuuk, Ilulissat et Qaqortoq), les attentes sont grandes dans la population, qui voit venir la manne touristique. « Mais il reste encore des questions sans réponse. Si les touristes débarquent par milliers, où iront-ils ? Où dormiront-ils ? Il devra y avoir plus d’infrastructures pour les accueillir », note-t-il.

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La baie de Nuuk
En attendant, on quitte Nuuk en sachant que son air vivifiant, ses paysages spectaculaires et le contact de ses habitants nous manqueront. Et aussi avec l’impression d’avoir eu la chance immense de visiter une contrée spectaculaire, encore épargnée par le tourisme de masse.
En rafale
Le climat

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Nature sauvage du Groenland
En hiver, il peut faire froid au Groenland. Mais rien pour effrayer les Québécois. À Nuuk, la température moyenne est de -8 °C en mars, mois le plus froid. L’air est généralement sec, mais le vent peut être violent. En observant les locaux, on remarque que la tenue idéale, en plus d’un bon manteau, inclut une salopette. En été, il ne fait en moyenne pas plus de 10 °C au Groenland. Mais le mercure peut monter plus haut dans les villages du Sud. On peut aussi être parfois incommodé par les moustiques.
La langue

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On parle groenlandais à Nuuk. Et danois. Mais plusieurs personnes parlent anglais.
On parle groenlandais partout au pays. Une langue qui ressemble fortement à l’inuktitut. La deuxième langue est le danois. À Nuuk, la majorité des gens qui travaillent dans des commerces avec service à la clientèle parlent anglais.
Les hôtels

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Le Inuk Hostels
Nuuk compte une dizaine d’hôtels et d’auberges de jeunesse. Aucun établissement haut de gamme. Mais la majorité des établissements sont de bonne qualité. Le prix est toutefois légèrement plus élevé que dans des capitales où l’offre d’hébergement est plus importante.
Les ours polaires

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Glacier dans le fjord de Nuuk
Ils ne sont présents que dans certaines parties du pays, surtout dans l’Est. Le village d’Ittoqqortoormiit en compte de plus en plus, si bien que des gardes effectuent une tournée chaque matin pour s’assurer qu’aucun spécimen n’est présent avant que les enfants ne partent pour l’école. Mais à Nuuk, on n’en voit pas.
Les coûts

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Seuls les avions à hélices peuvent actuellement se poser au Groenland.
En hiver, le prix d’un billet d’avion de Montréal à Nuuk oscille autour de 2500 $ par personne. La plupart des hôtels offrent des chambres pour de 150 à 200 $ la nuit. Et pour les excursions, les prix varient grandement en fonction de la destination. Pour Kapisillit, il en coûte environ 300 $ par personne.
Un territoire vertigineux
(Fjord de Nuuk) – En débarquant à Qooqqut par un matin de novembre, on est frappé par l’isolement des lieux. En été, cet emplacement situé à une heure de bateau de Nuuk sert de campement pour quelques habitants de la capitale. Mais en hiver, les lieux sont déserts.

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Petit camp utilisé l'été à Qooqqut, à une heure de bateau de la capitale Nuuk.
Outre Nuuk, qui se visite facilement en deux jours, l’immense territoire du Groenland offre plusieurs autres destinations de choix pour les touristes. Le pays compte 70 villages, tous situés en périphérie du pays. Le cœur étant gelé toute l’année par l’inlandsis.
En été, le traversier Sarfaq Ittuk relie plusieurs villages de la côte Ouest, entre les communautés d’Ilulissat au nord et Qaqortoq au sud. Il est aussi possible d’utiliser l’une des nombreuses connexions de l’entreprise Air Greenland pour se déplacer. Mais les horaires sont à surveiller pour les plus petits villages.
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Le taxi d’eau laisse des touristes dans la petite localité de Qooqqut.
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Le quai de Qooqqut
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Les lieux servent notamment de campement d’été à des habitants de la capitale.
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Maison isolée près de Qooqqut
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Les paysages y sont grandioses.
Pour les alentours de Nuuk, il est aussi possible de réaliser plusieurs excursions avec différentes entreprises, dont Nuuk Water Taxi. Toute l’année, les navires de cette société, qui possèdent tous une cabine couverte et chauffée, desservent différentes localités autour de Nuuk.
Il est par exemple possible de visiter Kapisillit, situé à environ deux heures trente de bateau. Il ne faut pas s’attendre à être chouchouté à bord. Aucune nourriture n’est servie pendant l’excursion. L’embarquement se fait dans un port aux indications rudimentaires. Mais dès que le bateau quitte le quai, on sait que la décision de monter à bord était la bonne : de l’eau, la vue sur Nuuk est imprenable.

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Vue du village de Kapisillit
On avance en contournant de petits icebergs. À cette hauteur, ils sont minuscules. Les spécimens les plus costauds se trouvent dans la baie de Disco, plus au nord, devant la municipalité d’Ilulissat. Là-bas, on trouve le glacier Jakobshavn, connu comme « le plus productif en Amérique du Nord en termes de production d’icebergs ».
En route pour Kapisillit, on peut parfois apercevoir des baleines. Mais elles étaient parties lors de notre passage en novembre. Le taxi d’eau s’arrête d’abord à Qooqqut pour une courte randonnée. On marche dans la neige sur le terrain du restaurant Qooqqut Nuan. Durant les mois d’été, les visiteurs sont invités à pêcher eux-mêmes leur morue dans les eaux avoisinantes. Puis le chef du restaurant apprête les prises sur place. On se balade ensuite dans une improbable pinède. Aucun arbre ne pousse à cette hauteur au Groenland. Mais quelques pins ont été semés à cet endroit il y a plusieurs années et les arbres résistent depuis. La guide Jakobine Tellesen y déniche quelques plants de thé.
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Vue du village de Kapisiliit
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Une maison isolée dans la montagne
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Kapisiliit compte une cinquantaine d'habitants.
On poursuit la route par bateau jusqu’à Kapisillit, hameau de 50 habitants, où on est accueilli par un petit groupe d’enfants qui glissent sur leurs traîneaux. On visite à pied le village complètement isolé. En été, il est possible de réaliser une randonnée de deux heures pour avoir accès à l’inlandsis.

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Coucher de soleil époustouflant dans le fjord de Nuuk
On retourne ensuite dans le taxi d’eau pour revenir à Nuuk. C’est là que nous sommes témoins de l’évènement le plus mémorable de la journée : le coucher de soleil. Entre le blanc des icebergs et les crêtes enneigées des montagnes vertigineuses, le ciel coloré se détache dans un spectacle émouvant et inoubliable.
Ce reportage a été réalisé avec le soutien financier du Fonds québécois en journalisme international.