(Moscou) Le prestigieux guide gastronomique français Michelin a remis jeudi des étoiles à neuf restaurants de Moscou pour son premier volume sur la capitale de la Russie, un sacre pour la gastronomie en pleine renaissance de ce pays.

Longtemps dédaignée par les palais raffinés, la cuisine russe a connu un spectaculaire développement ces dernières années, redécouvrant ses racines et se nourrissant d’influences venues des quatre coins de l’ex-empire soviétique.

Deux restaurants ont reçu deux étoiles et sept autres ont été distingués d’une étoile, a annoncé Gwendal Poullennec, directeur international des Guides Michelin, lors d’une cérémonie en grande pompe au Zaryadye Hall, un auditorium ultramoderne situé dans un parc avoisinant le Kremlin.

Le Twins Garden des jumeaux Ivan et Sergueï Berezoutski a reçu deux étoiles, tout comme Artest du groupe russe Novikov avec son chef Artem Estafev. Au total, 69 établissements ont été répertoriés dans ce premier Guide Michelin sur Moscou.

Lors de la cérémonie, le maire de la capitale russe, Sergueï Sobianine, a salué un évènement important en pleine pandémie de COVID-19.

Selon lui, le guide constitue un « soutien moral […], alors que les restaurateurs vivent une période particulièrement difficile ».

M. Poullennec a jugé d’ailleurs « émouvant » que la cérémonie ait pu être publique après près de deux années de restrictions sanitaires.

Pourtant, la Russie connaît une vague dévastatrice de COVID-19, enregistrant jeudi de nouveaux records de contaminations et de décès quotidiens, sur fond de vaccination poussive et en l’absence de restrictions sanitaires strictes.

« Dynamisme »

PHOTO MAXIM SHEMETOV, REUTERS

Sergueï Sobianine, maire de Moscou

Le maire, M. Sobianine, s’est réjoui surtout de la reconnaissance de la renaissance de l’art culinaire russe.

« Malheureusement, à l’époque soviétique, les traditions avaient été perdues », a-t-il regretté, se disant « fier que les restaurants de Moscou soient devenus une carte de visite de Moscou ».

Grâce à une sélection effectuée par des inspecteurs anonymes du Michelin, la Russie devient ainsi le 35e pays à faire son entrée dans le Guide Michelin.

Si l’emblématique guide rouge continue d’exister sur papier, c’est également sur son application mobile en 25 langues — dont le russe — que la sélection de restaurants moscovites sera disponible.

« Il y a une évolution de la scène culinaire russe, il y a de plus en plus de dynamisme, avec de jeunes chefs qui impulsent leur talent, une palette variée de cuisines et de produits », avait déclaré à l’AFP avant la cérémonie M. Poullennec.

Selon lui, les cuisines régionales sont à l’honneur, Moscou étant « un carrefour entre Occident et Orient ».

Les cuisines venant des quatre coins de l’ancien empire soviétique — Caucase, Asie Centrale, Ukraine — sont en effet très présentes dans la capitale russe.

Depuis la fin de l’Union soviétique — où les autorités faisaient la promotion d’une cuisine très standardisée dans tout l’empire —, il y a « toute une scène qui se réinvente et s’invente », a noté le directeur international des Guides Michelin.

La cuisine russe a fait montre ces dernières années, et notamment depuis l’embargo sur les produits frais européens entré en vigueur en 2014, de créativité à partir de produits traditionnels, tels que les crabes d’Extrême-Orient, les poissons arctiques, le pain noir borodinski ou encore la smetana (crème aigre), sans oublier le bortsch, une soupe de betteraves traditionnelle.

Avant le Guide Michelin, la scène culinaire moscovite avait déjà reçu des marques de reconnaissance.

Ainsi, Twins Garden figure depuis plusieurs années dans le prestigieux palmarès annuel des « 50 Best ».

C’est le cas aussi de White Rabbit, établissement du chef Vladimir Moukhine, auquel a été dédié un épisode remarqué de l’émission Chef’s Table sur Netflix. Il a reçu jeudi une étoile Michelin.

Un autre guide français de premier plan, le Gault et Millau, a lancé une première édition russe en 2018, attribuant la meilleure note à White Rabbit, avant d’être vendu en 2019 à des investisseurs russes.