Dans une ville historique qui ne vit pratiquement que par et pour le tourisme, la pandémie a fait mal. Très mal, même. L’amorce d’une reprise indique l’arrivée prochaine de plus beaux jours pour la Cité des doges, mais un retour à la normale semble encore loin…

Ils sont moins nombreux, mais ils ont toujours les mêmes réflexes. Les touristes que vous croisez sur la place Saint-Marc quand vous devez obligatoirement la traverser pour vous rendre à un rendez-vous — la présentation d’un film à la Mostra, par exemple — n’ont qu’une seule priorité en tête : prendre la meilleure photo possible. Cela implique qu’ils risquent de s’arrêter brusquement dans leur élan, de changer inopinément de direction quand ils découvrent un angle beaucoup plus favorable, bref, de trébucher dans vos pas sans autre préavis. C’était vrai avant la pandémie, ça l’est encore alors qu’on tente d’en sortir.

Mais demandez aux Vénitiens s’ils souhaitent le retour massif des touristes sur leur lagune, ils vous répondront à peu près tous la même chose : oui ! Et le plus tôt sera le mieux. De l’étranger, nous avons tous été quasiment charmés par ces images montrant la nature reprenant ses droits dans une ville habituellement assiégée par des millions de visiteurs venus des quatre coins du monde. Au moins, pouvait-on croire, la pandémie aurait ceci de bon qu’elle instaurerait par la force des choses un certain rééquilibre.

Bienvenue aux touristes

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L’activité principale des touristes sur la place Saint-Marc ? Prendre une photo !

Dix-huit mois après la fermeture quasi totale de la Sérénissime, les quelques commerçants et résidants à qui nous avons parlé de façon informelle n’ont certainement pas vu les choses de la même façon. Ils sont à peine plus de 50 000 individus à vivre dans le centre historique de Venise de façon permanente. Au cours d’une année « normale », de 27 à 30 millions de touristes voguent dans leurs canaux. Sans cette présence, leur cité devient encore plus triste qu’au temps des amours mortes.

« Ce fut tout un choc ! », raconte Ben Aziza, serveur trop heureux de pouvoir inviter de nouveau les clients dans un restaurant situé Caille dei Fabbri. « C’était d’une tristesse infinie », ajoute ce Tunisien d’origine, installé à Venise depuis près de trois ans.

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Tunisien d’origine, Ben Aziza vit à Venise depuis
près de trois ans.

Habile communicateur, le jeune homme s’installe sur la terrasse et aborde les passants en repérant rapidement la langue dans laquelle il devra formuler son invitation : italien, anglais, français. « Les choses ne sont pas encore revenues à la normale, mais nous sommes quand même heureux de cette reprise, même plus modeste », indique-t-il en faisant remarquer qu’il n’avait pas vu un francophone du Canada depuis très longtemps.

Contents de voir du monde

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Des gondoliers en attente de clientèle…

Il était d’ailleurs frappant de constater à quel point la langue de Molière était souvent entendue lors de notre passage au début du mois. Simone, qui exploite un kiosque de souvenirs sur Riva degli Schiavoni, explique le phénomène par l’ouverture des frontières avec les pays voisins.

Les touristes que nous voyons sont essentiellement européens et viennent des pays limitrophes. Mais nous ne voyons pas encore d’Américains, ni de Russes, ni de touristes asiatiques. Nous sommes encore loin d’un retour à la normale.

Simone, qui exploite un kiosque de souvenirs

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Simone a eu l’impression de vivre dans un univers surréaliste pendant le confinement.

« Mais ça va quand même mieux, on est contents de voir du monde, ajoute-t-il. Pendant le confinement, nous avions l’impression de vivre dans un univers complètement surréaliste. »

L’histoire dira si le tourisme à Venise parviendra à se réinventer ou s’il retombera dans les excès du passé — les autorités ont dû prendre certaines mesures il y a quelques années afin de neutraliser certains effets incontrôlables —, mais une chose est maintenant gagnée pour les environnementalistes et les défenseurs de l’un des joyaux du patrimoine mondial. Les bateaux de croisière géants n’ont désormais plus le droit de se rendre au centre de Venise et ne peuvent plus accoster près de la place Saint-Marc.

Par ailleurs, il convient de souligner qu’en cette année de modeste reprise, la Cité des doges célèbre son… 1600e anniversaire ! Pour l’occasion, la ville où fut inventé le concept de quarantaine au XIVsiècle, époque où la peste a fait des ravages en Europe, est en mode célébration depuis le 25 mars, date présumée de la fondation de la ville. Plusieurs manifestations artistiques ont été mises de l’avant pour l’occasion.

Cela dit, Venise n’a pas besoin d’évènements spéciaux pour faire valoir ses richesses historiques et culturelles. Il suffit de se perdre un peu dans ses passages étroits et de voguer à travers ses canaux pour mesurer le poids de son histoire. Et comprendre pourquoi des millions de touristes s’y ruent, quitte à se piler sur les pieds en prenant une photo.

Se rendre à Venise en temps de pandémie

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Où sont les gondoles ?

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Les touristes visitant Venise proviennent essentiellement des pays limitrophes.

Les citoyens canadiens peuvent entrer sur le territoire européen en présentant une preuve de pleine vaccination. Pour le retour au Canada, les citoyens canadiens, même pleinement vaccinés, doivent aussi présenter une preuve de test moléculaire (PCR) négatif, réalisé moins de 72 heures avant l’arrivée. Les endroits offrant un test PCR étant assez peu nombreux à Venise, nous vous conseillons de prendre votre rendez-vous bien à l’avance afin d’éviter les mauvaises surprises.